Saisi par l’Institut d’études politiques de Paris (Sciences Po), le juge des référés du Conseil d’État ne suspend pas le refus de son directeur de mettre à disposition une salle pour l’organisation d’une conférence sur l’embargo sur les livraisons d’armes à Israël avec la participation de Mme Rima Hassan. Il juge que ce refus, motivé par la situation de l’établissement qui connaît des désordres graves depuis plusieurs mois, ne porte pas d’atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des étudiants.
Un groupe d’étudiants de Sciences Po a demandé le 12 novembre 2024 la mise à disposition d’un amphithéâtre en vue d’organiser une conférence ayant pour thème l’embargo sur les livraisons d’armes à Israël, au cours de laquelle devait intervenir Mme Rima Hassan le vendredi 22 novembre 2024. Le 18 novembre, le directeur de Sciences Po a refusé de mettre une salle à disposition pour cette conférence en raison de risques de troubles à l’ordre public au sein de l’établissement. À la suite d’une ordonnance du tribunal administratif de Paris enjoignant à Sciences Po de mettre à disposition une salle, Sciences Po a saisi le Conseil d’État.
Le juge des référés du Conseil d’État rappelle que la liberté d’expression et de réunion, garantie aux étudiants dans l’enceinte d’un établissement d’enseignement supérieur, ne saurait permettre des manifestations qui iraient au-delà de la mission de l’établissement, qui empêcheraient le déroulement des activités d’enseignement et de recherche, troubleraient le fonctionnement normal de l’établissement ou risqueraient de porter atteinte à l’ordre public. Et il appartient au responsable de l’établissement, à la fois, de veiller au respect des libertés dans l’établissement, d’assurer l’indépendance de celui-ci de toute emprise politique ou idéologique et de maintenir l’ordre dans ses locaux.
Le juge des référés du Conseil d’État relève que la situation à Sciences Po, depuis plusieurs mois, est marquée par de graves désordres en son sein ou à ses abords, liés au contexte du conflit au Proche-Orient et aux tensions qu’il suscite en France. Ils se sont en particulier traduits par des intrusions, occupations et blocages dans l’établissement et par des débordements au cours d’événements liés à l’activité de Sciences Po, avec dans certains cas, des actes de violence, des intimidations à l’égard d’autres étudiants ou du personnel de l’établissement et des dégradations. Très récemment encore, l’accès à Sciences Po a été bloqué le 9 octobre 2024 et son principal amphithéâtre a été occupé le 14 novembre.
Compte tenu de la situation actuelle de l’établissement, et alors que Mme Rima Hassan avait à plusieurs reprises apporté son soutien aux occupations et blocages de Sciences Po, son directeur n’a pas porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression et à la liberté de réunion des étudiants en refusant de mettre à disposition une salle pour la tenue de la conférence envisagée.
Pour ces raisons, le juge des référés du Conseil d’État annule aujourd’hui l’ordonnance du tribunal administratif de Paris.
Le référé-liberté (article L. 521-2 du code de justice administrative)
Le référé-liberté est une procédure qui permet de saisir en urgence le juge administratif, lorsqu’on estime que l’administration porte atteinte à une liberté fondamentale (liberté d’expression, droit au respect de la vie privée et familiale, etc.). Le juge des référés peut suspendre une décision de l’administration ou lui ordonner de prendre des mesures particulières. Pour cela, il doit être établi, d’une part, qu’il y a urgence à statuer, d’autre part, que l’administration – par ses actions ou son inaction – a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Le juge des référés rend ses décisions – appelées « ordonnances » – en principe sous 48h.