Saisi par la Ligue des Droits de l’Homme, le Conseil d'État suspend la décision du maire de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) d’interdire l’accès aux plages aux personnes portant une tenue manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse, telle que le burkini. En application d’une jurisprudence constante, une telle interdiction dans l’espace public doit en effet être justifiée par un risque actuel et avéré pour l’ordre public. La commune n’ayant pas démontré l’existence d’un tel risque, le Conseil d’Etat estime que cette interdiction porte atteinte de manière grave et illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de conscience et à la liberté personnelle.
Le maire de Mandelieu-La-Napoule a interdit l’accès aux plages publiques de sa commune et la baignade, entre le 15 juin et le 31 août 2023, à toutes les personnes ayant une tenue ne respectant pas les règles d’hygiène et de sécurité ou « étant susceptible d’entraîner des troubles à l’ordre public, voire des affrontements violents ». L’arrêté d’interdiction a été contesté en référé par la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) devant le tribunal administratif de Nice puis devant le Conseil d'État.
Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les règles habituelles applicables au sein de l’espace public, qui diffèrent de celles relatives aux services publics, régis, eux, par les principes de neutralité et de bonne organisation du service. Au sein de l’espace public, chacun jouit des libertés garanties par la loi. Les maires, dans le cadre de leur mission de maintien de l’ordre, ne peuvent y porter atteinte que pour prendre des mesures adaptées, nécessaires et proportionnées. Ces mesures doivent tenir compte des circonstances de temps et de lieu et être justifiées par des impératifs d’ordre public. Il en va notamment ainsi en ce qui concerne les mesures que le maire d’une commune du littoral peut prendre pour organiser l’accès à la plage et garantir la sécurité de la baignade, l’hygiène et la décence.
Il résulte de l’instruction que le maire de Mandelieu-la-Napoule a souhaité par cette décision, interdire sur toutes les plages publiques de sa commune le port de tenues de bain manifestant de manière ostensible une appartenance religieuse, telles que le burkini, pour prévenir les troubles à l’ordre public et assurer le respect des règles d’hygiène et de sécurité en période de forte affluence estivale.
Le Conseil d’État constate toutefois que, pour justifier d’un risque de trouble à l’ordre public durant l’été 2023, la commune ne mentionne aucun incident récent. Elle rappelle uniquement des faits s’étant déroulés il y a respectivement 11 et 7 ans et le contexte général de menace terroriste après les attentats de Nice en 2016 et 2020.
Le Conseil d’État observe, par ailleurs, que la commune n’apporte aucun élément permettant de démontrer que de telles tenues feraient courir un risque pour l’hygiène ou la sécurité des usagers de la plage et des baigneurs.
Le Conseil d'État estime ainsi, dans les circonstances de l’espèce, que le maire de Mandelieu-la-Napoule ne pouvait prendre une telle interdiction et que celle-ci porte une atteinte grave et illégale à trois libertés fondamentales : la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle. L’arrêté d’interdiction du 7 juin 2023 de Mandelieu-la-Napoule est donc suspendu.
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