À l’occasion de l’examen d’un pourvoi du département des Bouches-du-Rhône, le Conseil d’État rappelle, dans sa formation de jugement la plus solennelle, les règles garantissant que les décisions rendues par la juridiction administrative le sont en toute indépendance et impartialité. En plus de leur statut, qui les prémunit de toute pression ou interférence extérieure, les membres du Conseil d’État et les magistrats administratifs sont soumis à des obligations pour éviter toute situation de conflit d’intérêts. Si l’exercice de fonctions administratives par un membre de la juridiction administrative ne porte pas atteinte par lui-même à son impartialité, il lui appartient de s’abstenir de prendre part au jugement dans différentes hypothèses, que le Conseil d’État a précisées. Dans cette affaire, il a jugé qu’il n’y avait pas d’atteinte au principe d’impartialité.
Saisi par le département des Bouches-du-Rhône d’un pourvoi en cassation contre un jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille dans une formation de jugement qui comprenait une magistrate antérieurement employée dans cette collectivité, le Conseil d’État rejette ce pourvoi après avoir rappelé le cadre dans lequel le juge administratif remplit son office. Il rappelle qu’en vertu des principes généraux applicables à la fonction de juger dans un État de droit, la juridiction administrative dispose de garanties et de règles, dont elle contrôle la bonne application, pour assurer son indépendance et son impartialité.
Un statut pour assurer l’indépendance et des règles pour garantir l’impartialité
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que l’indépendance de la juridiction administrative, dont les décisions sont rendues au nom du peuple français, découle du principe de la séparation des pouvoirs et que les membres de la juridiction administrative disposent d’un statut qui garantit cette indépendance et leur permet de juger à l’abri de toute pression. Ils ne peuvent ainsi recevoir, accepter ou présupposer quelque instruction de la part de quelque autorité que ce soit.
Le Conseil d’État rappelle ensuite que des règles – désormais inscrites dans le code de justice administrative, accompagné de la charte de déontologie de la juridiction administrative et des recommandations du collège de déontologie – imposent à chaque membre de la juridiction administrative d’exercer ses fonctions en toute impartialité, sans parti pris ni préférence à l’égard de l’une des parties, et de se comporter de façon à prévenir tout doute légitime à cet égard.
Le Conseil d’État souligne à ce propos qu’indépendamment du respect des règles qui peuvent être fixées par le législateur, par exemple pour prévoir des incompatibilités ou un délai d’abstention, l’exercice, qu’il soit passé, concomitant ou envisagé dans le futur, de fonctions dans l’administration par un membre de la juridiction administrative ne peut, par lui-même, constituer un motif mettant en doute son impartialité.
La vérification, au cas par cas, du respect par les membres de la juridiction administrative du principe d’impartialité
Chacun est cependant tenu de s’abstenir de participer au jugement d’une affaire dans certaines hypothèses où un doute peut exister sur son impartialité. Le Conseil d’État précise ces hypothèses.
En premier lieu, un membre de la juridiction administrative est tenu de s’abstenir de participer au jugement des affaires mettant en cause les décisions administratives dont il est l’auteur, qui ont été prises sous son autorité, à l’élaboration ou à la défense en justice desquelles il a pris part.
En deuxième lieu, il doit également s’abstenir pour les autres affaires pour lesquelles il existe une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Le Conseil d’État explicite la méthode permettant l’identification de ces cas. Cette méthode fait appel à la combinaison de plusieurs critères (notamment la nature des fonctions administratives exercées ou susceptibles de l’être dans le futur, l’autorité administrative auprès de laquelle ces fonctions sont exercées, le délai écoulé depuis qu’elles l’ont été ou encore l’objet du litige).
Enfin, il appartient à chaque membre de la juridiction administrative de s’abstenir de participer au jugement d’une affaire s’il estime en conscience devoir se déporter, sans avoir à s’en justifier.
Dans la présente affaire, le Conseil d’État a procédé à cette vérification et a jugé que la magistrate du tribunal administratif de Marseille, qui ne relevait pas des règles d’incompatibilité ou de délai de déport fixées par le législateur, n’avait pas pris part à la défense en justice de la décision en litige et ne se trouvait pas non plus dans une autre hypothèse dans laquelle il aurait existé une raison sérieuse de mettre en doute son impartialité. Il a donc jugé que cette magistrate avait pu participer au jugement de l’affaire sans que cela porte atteinte à la régularité de la composition de la formation de jugement ayant condamné le département des Bouches-du-Rhône à verser l’allocation d’aide au retour à l’emploi à un ancien agent contractuel.