Un chercheur auquel l’accès à des archives présidentielles sur le Rwanda (1990-1995) avait été refusé a saisi le juge administratif. Par une décision de ce jour, le Conseil d’État, réuni en Assemblée du contentieux – sa formation la plus solennelle –, autorise le chercheur à consulter ces documents avant le délai de 60 ans prévu par le protocole de remise.
Le requérant, auteur de plusieurs ouvrages consacrés au rôle de la France au Rwanda pendant les événements liés au génocide perpétré en 1994, s’était vu opposer le refus du ministère de la culture pour consulter les documents déposés par le Président de la République alors en fonctions, François Mitterrand, aux Archives nationales. Ce refus tirait les conséquences de l’opposition émise par la mandataire désignée par l’ancien Président de la République.
Ces archives, comprenant notamment des notes rédigées par les conseillers du Président et des comptes-rendus de réunions du Gouvernement, sont en effet couvertes par un protocole qui ne prévoit leur ouverture générale au public que 60 ans après sa signature, en 2055. Le Conseil d’État rappelle qu’une consultation anticipée est toutefois possible sur autorisation de la mandataire.
La protection des secrets de l’État doit être mise en balance avec l’intérêt d’informer le public sur ces événements historiques
Le Conseil d’État, saisi en cassation et réglant l’affaire au fond, estime que le chercheur a un intérêt légitime à consulter ces archives pour nourrir ses recherches historiques et éclairer ainsi le débat sur une question d’intérêt public. En outre, si les documents en cause comportent des informations sensibles, il s’avère que leur consultation a déjà été autorisée pour de précédents travaux de recherche qui font état de leur contenu et qu’ils ont, pour certains, été rendus publics par le passé.
S’agissant d’archives publiques émanant du Président de la République et des membres du Gouvernement, le Conseil d’État précise que l’autorisation de les consulter avant la fin du délai pendant lequel elles ne sont pas librement accessibles est accordée si la consultation de ces documents ne porte pas une atteinte excessive au secret des délibérations du pouvoir exécutif, à la conduite de la politique étrangère et aux intérêts fondamentaux de l'État, que la loi a entendu protéger.
En conséquence, après cette mise en balance des intérêts du chercheur et du grand public avec ceux de l’État, le Conseil d’État juge que l’administration doit permettre au chercheur d’accéder à ces archives.
Plus généralement, le Conseil d’État rappelle, conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel et de la Cour européenne des droits de l’Homme, que la possibilité d’accéder aux archives publiques découle tant du droit de demander compte à tout agent public de son administration, énoncé par l’article 15 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, que, dans certains cas, de la liberté d’expression protégée par l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.