Plusieurs associations ont saisi le Conseil d'État pour contester le calendrier d’entrée en vigueur du contrôle technique des deux-roues motorisés que le Gouvernement a fixé au 1er janvier 2023. Elles estiment que cette date est trop tardive. Le juge des référés observe que ce contrôle est imposé par le droit européen depuis le 1er janvier 2022 et que le Gouvernement n’a ni renoncé à tout contrôle technique, contrairement à ce qu’il avait annoncé, ni mis en œuvre de mesures de sécurité alternatives qui pourraient, en vertu du droit européen, justifier d’y déroger, puisqu’il s’est borné à annoncer le projet de telles mesures, d’effet d’ailleurs plus ou moins direct. Le juge estime, que compte tenu du délai nécessaire pour la mise en œuvre matérielle du contrôle technique, un report d’entrée en vigueur, pour les véhicules les plus anciens, au-delà du 1er octobre 2022, n’est pas justifié. Pour ces raisons, il suspend aujourd’hui le calendrier décidé par le Gouvernement.
La réglementation européenne1 a imposé de soumettre périodiquement au contrôle technique les véhicules à moteur de deux, trois ou quatre roues de cylindrée supérieure à 125 cm (catégories L3e, L4e, L5e, L7e), à partir du 1er janvier 2022. Elle a toutefois prévu une exception pour les États qui ont mis en place et notifié à la Commission européenne des mesures alternatives de sécurité routière basées sur des statistiques de sécurité routière pertinentes.
Un décret du 9 août 2021 a fixé au 1er janvier 2023 l’entrée en vigueur de cette obligation pour les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016, et entre 2024 et 2026 pour les véhicules immatriculés à une date ultérieure2 . Le Gouvernement a ensuite annoncé son intention de ne pas introduire, même à cette date, de contrôle technique, mais il n’a pas modifié le décret, qui reste donc le dernier état du droit dont le juge des référés était saisi.
Plusieurs associations ont contesté ce calendrier de mise en œuvre qui porterait atteinte, selon elles, à l’intérêt public en matière de sécurité routière et de protection des populations contre la pollution de l’air et les nuisances sonores des véhicules.
Il ressort des éléments3 transmis par les requérants qu’en France, un usager de deux-roues motorisés a 22 fois plus de risques d’être victime d’un accident mortel qu’un usager de véhicule léger. Ce risque est moindre dans les États ayant déjà mis en place le contrôle technique (16 fois en Allemagne, 17 fois en Espagne). L’obligation de contrôle technique permettrait par ailleurs de réduire les nuisances sonores causées notamment par le débridage des moteurs, mais également celles liées à la pollution de l’air.
Le Gouvernement a adressé à la Commission européenne le 3 décembre 2021 une note indiquant sa volonté de mettre en place des mesures alternatives de sécurité routière, ce qu’autorise le droit européen. Le juge des référés relève cependant que ni l’instruction écrite ni les échanges au cours de l’audience n’ont permis de préciser le contenu exact des mesures envisagées, les éléments rendus publics en la matière mentionnant un certain nombre de mesures d’effet plus ou moins direct. En tout état de cause, quel que soit le contenu des mesures notifiées, elles n’ont pas été mises en œuvre.
Enfin, l’administration a fait valoir, pour justifier le report de l’entrée en vigueur au 1er janvier 2023, non seulement la nécessité de faire accepter la mesure par les personnes concernées, mais aussi les conditions matérielles qui doivent être remplies pour la mettre en œuvre concrètement. Le juge des référés relève que le décret prévoit une entrée en vigueur progressive selon l’âge des véhicules, seuls les véhicules immatriculés avant le 1er janvier 2016 étant dans un premier temps concernés. Et, compte tenu des mesures concrètes à mettre en œuvre, il estime qu’un report au-delà du 1er octobre 2022 n’est pas justifié.
Pour ces raisons, le juge des référés estime qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret fixant l’entrée en vigueur du contrôle technique pour les « deux-roues » à partir du 1er janvier 2023 et le suspend en tant qu’il reporte cette obligation au-delà du 1er octobre 2022.
Décision n° 462679 du 17 mai 2022
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1 Directive européenne 2014/45 du 3 avril 2014
2 Décret n° 2021-1062 du 9 août 2021
3 Rapport CNSR du 17 novembre 2020