Saisi d’une QPC, le Conseil d’État rappelle qu’un maire peut refuser une inhumation sur le territoire de sa commune en cas de risque de troubles à l’ordre public ne pouvant être prévenus autrement.
L’Essentiel :
Le Conseil d’État était saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) contestant l’article du code général des collectivités territoriales qui fixe les personnes auxquelles la sépulture est due dans le cimetière d’une commune.
La commune requérante soutenait que ces dispositions méconnaissent la Constitution car elles peuvent contraindre le maire à autoriser l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes de terrorisme affectant cette commune, et ce quels que soient les troubles que cette inhumation risque de provoquer.
Le Conseil d’État rappelle sa jurisprudence établie : le droit d’être inhumé sur le territoire de la commune doit être concilié avec les pouvoirs de police du maire, qui lui permettent de prendre les mesures nécessaires à la prévention des troubles à l’ordre public ; lorsqu’aucune autre mesure ne permet d’assurer la prévention de ces troubles, le maire peut donc refuser d’autoriser une inhumation sur le territoire de sa commune.
Compte tenu de cette jurisprudence, le Conseil d’État juge que la QPC soulevée ne présente pas un caractère sérieux et refuse de la renvoyer au Conseil constitutionnel.
Le tribunal administratif de Versailles reste saisi du litige au fond.
Le père d’une personne ayant commis des actes de terrorisme a demandé au maire de Mantes-la-Jolie l’autorisation d’inhumer son fils dans un cimetière de cette commune. A la suite du refus opposé par le maire, il a saisi le tribunal administratif de Versailles ; il se prévalait de l’article L. 2223-3 du code général des collectivités territoriales, qui prévoit que les personnes domiciliées dans une commune ont droit à une sépulture dans un cimetière de cette commune.
Devant le tribunal administratif, la commune a alors soulevé une QPC contre cet article de loi. Elle soutenait en particulier que cet article méconnaît la libre administration des collectivités territoriales et l’objectif de sauvegarde de l’ordre public, dès lors qu’il pourrait contraindre le maire à autoriser l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a perpétré des actes de terrorisme ayant affecté cette collectivité, et ce en dépit des troubles que cette inhumation pourrait susciter.
Le tribunal administratif a transmis cette QPC au Conseil d’Etat qui, par la décision rendue ce jour, a refusé de la renvoyer au Conseil constitutionnel. Il a estimé que compte tenu de l’interprétation de la loi qui résulte de la jurisprudence, elle ne présentait pas un caractère sérieux.
Le Conseil d’État a rappelé sa jurisprudence établie selon laquelle le droit d’être inhumé sur le territoire de la commune doit être concilié avec les pouvoirs de police du maire, qui lui permettent de prendre les mesures nécessaires à la prévention des troubles à l’ordre public.
Il en résulte que le maire peut prendre les mesures nécessaires pour prévenir les troubles à l’ordre public que pourrait susciter l’inhumation dans un cimetière de la commune d’une personne qui a commis des actes d’une particulière gravité ayant affecté cette collectivité.
Il appartient donc au maire, lorsqu’il constate un risque de troubles, de fixer des modalités d’inhumation de nature à préserver l’ordre public. Et, si le risque de troubles à l’ordre public est tel qu’aucune autre mesure ne serait de nature à le prévenir, le maire peut légalement refuser l’autorisation d’inhumation. Le juge saisi d’un recours vérifiera cependant la réalité du risque de troubles et l’impossibilité de le prévenir par d’autres moyens. Cette question s’est posée dans une affaire jugée en 1949, où le refus d’inhumer dans le cimetière communal des personnes accusées d’avoir collaboré avec l’ennemi pendant la guerre, que le maire avait justifié par un risque de troubles, a été jugé illégal parce que ce risque n’était pas établi.
Le Conseil d’État a donc jugé que les griefs formulés par la commune contre l’article contesté du code général des collectivités territoriales ne présentaient pas un caractère sérieux et ne justifiaient pas le renvoi de la QPC.
Le tribunal administratif de Versailles reste saisi du litige et statuera ultérieurement sur le fond du dossier.
La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est soulevée devant une juridiction administrative, celle-ci procède à un premier examen et peut transmettre la question au Conseil d’État à certaines conditions, notamment si la question lui semble sérieuse. Le Conseil d’État procède alors, dans un délai de trois mois, à un deuxième examen. Il renvoie la question au Conseil constitutionnel si la loi contestée est applicable au litige, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et si la question est nouvelle ou présente effectivement un caractère sérieux.