Le Conseil d’État clarifie la répartition des compétences entre l’État et les départements en matière d’hébergement d’urgence des personnes sans-abri.
> Lire la décision Département de la Seine-Saint-Denis n° 388317
> Lire la décision Ministre des affaires sociales et de la santé n° 400074
> Lire la décision Département du Puy-de-Dôme n° 399829
> Lire la décision Département du Puy-de-Dôme n° 399834
> Lire la décision Département du Puy-de-Dôme n° 399836
Par ces décisions, la section du contentieux du Conseil d’État a clarifié la répartition des compétences entre l’État et les départements en matière d’hébergement d’urgence des personnes sans-abri. Il a également apporté des précisions sur l’office du juge administratif lorsqu’il est saisi pour se prononcer dans un délai de quarante-huit heures sur des demandes d’hébergement de personnes sans-abri, par la procédure du référé-liberté.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.
Le Conseil d’État rappelle qu’en vertu du code de l’action sociale et des familles, c’est l’État qui a la charge d’assurer à toute personne sans-abri et en situation de détresse médicale, psychique ou sociale un hébergement d’urgence. Le département, qui est chargé d’une mission de protection de l’enfance, n’est susceptible d’intervenir qu’à deux titres.
D’abord, à titre principal, c’est à lui que revient la mission de permettre l’hébergement, y compris en urgence, des femmes enceintes et des mères isolées avec un enfant de moins de trois ans. De même, lorsqu’un mineur est placé auprès des services de l’aide sociale à l’enfance, il revient au département d’assurer son hébergement.
Mis à part ces cas particuliers, la mission de protection de l’enfance du département implique de sa part l’aide à domicile, prévue par l’article L. 222-3 du code de l’action sociale et des familles, lorsque la santé, la sécurité ou l’éducation des enfants l’exigent. Cette aide prend notamment la forme d’une aide financière qui peut permettre de loger l’enfant et sa famille lorsqu’ils sont sans-abri et qu’une prise en charge de l’enfant par les services de l’aide sociale à l’enfance, qui conduirait à le séparer de sa famille, n’est pas dans l’intérêt de l’enfant. Cependant, cette intervention du département au profit des familles sans-abri avec enfant demeure supplétive par rapport à celle de l’État. Le département peut d’ailleurs se retourner contre l’État s’il estime que sa prise en charge est due à une carence prolongée de l’État à son obligation légale d’assurer l’hébergement d’urgence des personnes sans-abri en situation de détresse.
Dans ce cadre, toute personne sans-abri peut saisir le juge du référé-liberté pour demander son hébergement d’urgence par l’État. Il revient alors au juge, qui statue en quarante-huit heures, d’apprécier dans chaque cas les diligences accomplies par l’administration en tenant compte des moyens dont elle dispose ainsi que de l’âge, de l’état de la santé et de la situation de famille de la personne intéressée. Pour le cas particuliers des personnes étrangères qui ont l’obligation de quitter le territoire, le juge précise que l’hébergement ne peut être ordonné qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment en cas de risque grave pour la santé ou la sécurité d’enfants mineurs.
En revanche, hormis le cas des mineurs placés auprès de l’aide sociale à l’enfance, des femmes enceintes et des mères isolées avec des enfants de moins de trois ans, le juge des référés ne peut ordonner au département de verser des aides au motif de permettre temporairement l’hébergement d’une famille avec enfant. C’est en effet à l’État qu’il revient à titre principal d’assurer cet hébergement.