Le Conseil d’État suspend la mise en œuvre du fichier « STADE ».
L’Essentiel
Le juge des référés du Conseil d’État suspend provisoirement la mise en œuvre du fichier « STADE ».
Il estime qu’il existe, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du ministre de l’intérieur autorisant ce fichier.
Le Conseil d’État reste saisi de la demande d’annulation de cet arrêté, sur laquelle il se prononcera prochainement de façon définitive.
Faits et procédure
Par un arrêté du 15 avril 2015, le ministre de l’intérieur a autorisé le préfet de police à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « fichier STADE ». Ce traitement a pour objectif de prévenir les troubles à l’ordre public, les atteintes à la sécurité des personnes et des biens ainsi que les infractions susceptibles d’être commises à l’occasion des manifestations sportives se tenant à Paris et dans les départements limitrophes, ainsi que des matchs du « Paris-Saint-Germain », dans quelque département qu’elles se déroulent.
Le fichier peut concerner toute personne, majeure ou mineure de plus de treize ans, « se prévalant de la qualité de supporter d’une équipe ou se comportant comme tel ». Les données collectées portent sur les raisons qui ont motivé l’enregistrement de la personne dans le fichier, ainsi que sur son identité. Elles contiennent des informations relatives à sa profession, à son adresse, à ses « signes physiques particuliers », ses « activités publiques, comportements et déplacements, blogs et réseaux sociaux, en lien avec les groupes de supporters d’appartenance », aux personnes avec lesquelles elle entretient des relations. Il peut également s’agir de données issues d’autres fichiers du ministère de l’intérieur. L’arrêté prévoit en outre que les données recueillies peuvent être transmises non seulement à des autorités administratives et judiciaires, mais aussi aux clubs sportifs.
Plusieurs associations ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’un référé-suspension. La procédure du référé-suspension, régie par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, permet en effet d’obtenir dans un bref délai la suspension provisoire d’un acte administratif, en attendant que le juge se prononce définitivement sur sa légalité. Deux conditions cumulatives doivent être réunies : il faut qu’il y ait une situation d’urgence justifiant la suspension et qu’il y ait un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée.
La décision du Conseil d’État
Les associations requérantes affirmaient en particulier que le traitement « STADE » ne respecte pas toutes les exigences de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique et aux libertés et, en particulier, que les données dont il prévoit la collecte ne sont pas « adéquates, pertinentes et non excessives ». Elles soutenaient que les personnes concernées par le fichier et les catégories de données pouvant être saisies n’étaient pas définies avec une précision suffisante. Le juge des référés du Conseil d’État a estimé que cette critique créait, en l’état actuel de l’instruction, et compte tenu des éléments et arguments produits devant lui à ce stade, un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté du 15 avril 2015.
Le juge des référés du Conseil d’État a en outre estimé que, compte tenu de la nature des données en cause, de l’utilisation susceptible d’en être faite et de la possibilité de les transmettre sans garantie suffisante à un large cercle de destinataires, la condition d’urgence était également remplie. Il suspend, en conséquence, l’arrêté du ministre de l’intérieur.
Le fichier « STADE » ne peut donc être mis en œuvre jusqu’à ce que le Conseil d’État se prononce définitivement sur la légalité de cet arrêté, ce qu’il fera dans quelques mois en statuant sur la demande d’annulation dont il reste saisi.