Le Conseil d’État rejette un recours contre la fermeture de la mosquée « Al Rawda » de Stains.
L’Essentiel :
A la suite du renouvellement de l’état d’urgence, du 22 décembre 2016 au 15 juillet 2017, l’administration a réitéré sa mesure de fermeture provisoire de la mosquée « Al Rawda » de Stains.
Le juge des référés du Conseil d’État estime que cette mosquée était devenue un lieu de rassemblement prônant un islam radical et appelant à la violence.
Les mesures que l’association gérant la mosquée a commencé à mettre en place pour la déradicaliser sont trop récentes pour estimer que le risque a disparu.
Le juge des référés du Conseil d’État refuse donc de suspendre la mesure de fermeture provisoire de cette mosquée.
L’état d’urgence, institué à partir du 14 novembre 2015, a été prolongé par une loi du 19 décembre 2016 à compter du 22 décembre 2016 et jusqu’au 15 juillet 2017. L’état d’urgence permet, en particulier, à l’administration d’ordonner la fermeture provisoire de lieux de réunion, notamment des lieux de culte, au sein desquels sont tenus des propos incitant à la haine, à la violence ou au terrorisme.
C’est sur ce fondement que le ministre a, par un arrêté du 2 novembre 2016, ordonné la fermeture provisoire de la mosquée « Al Rawda » de Stains, gérée par l’association « Centre culturel franco-égyptien – L’association Maison d’Egypte ». A l’occasion du dernier renouvellement de l’état d’urgence, un arrêté du 21 décembre 2016 a réitéré cette fermeture provisoire de la mosquée. L’association a alors saisi le juge du référé-liberté de Montreuil pour demander la suspension de l’arrêté et permettre la réouverture de la Mosquée. Ce juge a rejeté cette demande et l’association a saisi le juge des référés du Conseil d’État en appel.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.
Le juge des référés du Conseil d’État a rappelé que la fermeture d’une mosquée porte atteinte à deux libertés et droits fondamentaux : la liberté de culte et, le cas échéant, le droit de propriété.
Il a également rappelé les motifs de la fermeture provisoire : selon l’administration, cette mosquée, très fréquentée, notamment par de jeunes fidèles, diffusait un message appelant à la haine et la violence et était devenue un lieu de polarisation de la mouvance salafiste. Le juge des référés a constaté que l’imam principal de la mosquée tenait effectivement des propos radicaux et que la mosquée avait été fréquentée par plusieurs individus jihadistes ou candidats au jihad, dont certains sont soupçonnés d’être les instigateurs d’une tentative d’attentat terroriste en France. Cette mosquée est ensuite devenue un lieu de rassemblement identifié pour les individus radicaux ou en cours de radicalisation.
L’association faisait valoir qu’elle était en train de mettre en place une série de mesures pour déradicaliser la mosquée : renvoi de l’imam en cause et recrutement d’imams proposés par l’union des associations musulmanes de Seine Saint-Denis, mise en place d’un système de vidéo-surveillance, création d’une équipe de vigilance chargée de repérer les propos radicaux, création d’un site internet condamnant les propos radicaux tenus au sein de la mosquée. Cependant, ces mesures n’ont été prises que très récemment et ne sont pas encore toutes mises en œuvre. Dans ces conditions, le juge des référés du Conseil d’État estime qu’on ne peut aujourd’hui être certain que le risque de la fréquentation de cette mosquée par la mouvance salafiste a disparu. L’administration admet d’ailleurs que ces mesures pourraient, par la suite, conduire à la réouverture de la mosquée si elles sont suivies d’effet.
Enfin, le juge des référés constate que l’atteinte à la liberté de culte est tempérée par le fait qu’il y a deux autres mosquées à Stains, vers lesquelles se sont reportés la plupart des fidèles de la mosquée fermée. Celle-ci était par ailleurs fréquentée, pour près de la moitié de ses fidèles par des personnes étrangères à la commune qui peuvent aussi se rendre dans d’autres mosquées de la région parisienne.
Dans ces conditions le juge des référés estime que la mesure de fermeture provisoire ne présente pas le caractère d’une « atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté de culte et il refuse donc de la suspendre.