Le Conseil d’État rejette le recours de la ministre de l’environnement et d’associations de protection de l’environnement contre les ordonnances ayant suspendu la mise en demeure et l’astreinte infligées aux exploitants de la ferme dite « des mille vaches ».
La SCEA Côte de la Justice avait demandé, en 2011, l’autorisation d’exploiter un élevage de 1 000 vaches laitières. Elle n’avait obtenu, par arrêté du 1er février 2013, que l’autorisation d’exploiter un élevage de 500 vaches. Le 16 mars 2015, elle a déposé en préfecture un dossier de regroupement d’élevages (selon une procédure prévue par le code de l’environnement), ce qui conduisait à atteindre un total de 880 vaches laitières sur le site.
Après une inspection du site le 9 juin 2015 mettant en évidence que le cheptel avait été porté à 763 vaches, le préfet de la Somme a mis la société en demeure de se conformer à l’autorisation du 1er février 2013. Il lui a ensuite infligé une amende administrative de 7 800 euros et une astreinte de 780 euros par jour de retard.
La société a demandé au juge des référés du tribunal administratif d’Amiens de suspendre l’exécution de ces trois décisions. Par ordonnance du 18 janvier 2016, celui-ci a rejeté la requête relative à l’amende et prononcé la suspension des arrêtés de mise en demeure et d’astreinte journalière.
La procédure du référé-suspension, régie par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, permet en effet d’obtenir dans un bref délai la suspension d’un acte administratif en attendant que le juge se prononce définitivement sur sa légalité lorsque deux conditions sont simultanément réunies : il faut qu’il y ait une situation d’urgence justifiant la suspension et qu’il y ait un doute sérieux sur la légalité de la décision administrative contestée.
Le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, ainsi que des associations de protection de l’environnement, ont alors saisi le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation. Par la décision de ce jour, le Conseil d’État a jugé irrecevable le pourvoi des associations et rejeté le pourvoi du ministre.
En tant que juge de cassation, le Conseil d’État ne rejugeait pas l’affaire mais se bornait à contrôler la légalité de l’ordonnance du juge des référés, en tenant compte de l’urgence dans laquelle celui est tenu d’intervenir et de son office particulier, qui le conduit seulement à examiner si les moyens de droit, en l’état, peuvent être jugés suffisamment « sérieux ».
Le Conseil d’État a estimé que le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens n’avait pas commis d’erreur de droit manifeste en considérant que la société « pouvait raisonnablement penser » qu’elle était titulaire d’une autorisation tacite de regrouper les élevages, intervenue deux mois après le dépôt de son dossier en préfecture.
Il a également estimé que le juge des référés pouvait légalement rechercher si les mesures étaient encore justifiées à la date à laquelle il statuait.
Enfin, le Conseil d’État a estimé que le juge des référés avait pu regarder la condition d’urgence comme remplie, compte tenu des conséquences financières des décisions en cause et de la situation économique de la société.
Le Conseil d’État a donc rejeté le pourvoi du ministre. Les décisions de mise en demeure et d’astreinte restent donc suspendues : elles ne pourront pas être exécutées tant que le tribunal administratif ne se sera pas prononcé au fond sur leur légalité. L'appréciation portée dans le cadre du référé ne préjuge nullement de l'appréciation qui sera portée au fond sur la légalité des mesures.