Pour demander à l’État que son préjudice d’anxiété soit réparé, un salarié exposé à l’amiante dispose d’un délai de 4 ans, à partir du moment où il a eu connaissance de l’existence d’un risque élevé de développer une maladie grave du fait de cette exposition.
Le Conseil d’État a admis en 2017 qu’un salarié exposé à l’amiante pouvait demander la réparation du préjudice tenant à l'anxiété due au risque élevé de développer une pathologie grave, et par là-même d'une espérance de vie diminuée. Les salariés ou anciens salariés bénéficiant du régime particulier de cessation anticipée d’activité institué par le législateur en 1998, leur permettant de percevoir, sous certaines conditions, une allocation de cessation anticipée d’activité (ACAATA), sont dispensés d’avoir à établir la réalité de ce préjudice et sont regardés comme justifiant de ce seul fait de l’existence d’un tel préjudice : la décision de reconnaissance du droit à cette allocation vaut reconnaissance pour l’intéressé d'un lien établi entre son exposition aux poussières d'amiante et la baisse de son espérance de vie, et cette circonstance, qui suffit par elle-même à faire naître chez son bénéficiaire la conscience du risque de tomber malade, est la source d'un préjudice indemnisable au titre du préjudice moral.
La réparation de ce préjudice peut être demandée à l’employeur ou à l’État en raison de sa carence à prendre, en sa qualité d’autorité chargée de la prévention des risques professionnels, des mesures de protection efficaces pour lutter contre les dangers résultant de l’amiante.
Il restait à préciser les modalités de la réparation de ce préjudice, lorsque la demande émane de salariés bénéficiant de l’ACAATA.
Saisi d’une demande d’avis par la cour administrative d’appel de Marseille portant sur l’application des règles de prescription à une telle action en réparation, le Conseil d'État rappelle que les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation d’un préjudice doivent être regardés comme acquis à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ce préjudice ont été entièrement révélées, ce préjudice étant connu et pouvant être exactement mesuré. S’agissant d’un préjudice d’anxiété lié à l’exposition à l’amiante, c’est la prise de conscience du risque élevé de développer une pathologie grave, et d’avoir une espérance de vie diminuée à la suite de l’exposition aux poussières d’amiante sur le lieu de travail, qui crée ce préjudice. C’est donc à la date de cette prise de conscience que le préjudice peut être regardé comme connu.
Le Conseil d’État juge que la publication de l’arrêté ministériel qui inscrit l’établissement du travailleur sur la liste des établissements susceptibles d’ouvrir un droit à l’ACAATA porte à la connaissance du salarié le risque qu’il encourt du fait de son exposition aux poussières d’amiante. La date de cette publication est donc le point de départ du délai de 4 ans. Lorsque l’établissement a fait l’objet de plusieurs arrêtés successifs étendant la période d’inscription ouvrant droit à l’ACAATA, la date à prendre en compte est la plus tardive des dates de publication d’un arrêté inscrivant l’établissement pour une période pendant laquelle le salarié y a travaillé.
Cette solution est très proche de celle retenue par la Cour de cassation pour les actions en réparation du préjudice d’anxiété engagées contre les employeurs privés : la Cour de cassation prend, elle aussi, en considération la publication de l’arrêté d’inscription s’agissant du délai de prescription applicable à la créance détenue sur l’employeur.
Par ailleurs, le Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles le délai de 4 ans peut être interrompu. C’est le cas lorsqu’une plainte avec constitution de partie civile est déposée. Le délai de prescription est alors interrompu.