Le Conseil d’État rejette l’essentiel du recours contre le décret du 3 mai 2016 et l’arrêté du 11 mai 2016 relatifs à l’évaluation et au contrôle de qualité des examens de diagnostic prénatal
L’Essentiel :
o Par un décret n° 2016-545 du 3 mai 2016, le Premier ministre a introduit dans le code de la santé publique un article R. 2131-2-3 donnant compétence au ministre chargé de la santé pour arrêter, dans le cadre de l'évaluation et du contrôle de qualité de certains examens de diagnostic prénatal, les données que les biologistes médicaux doivent transmettre à l'Agence de la biomédecine, les modalités de cette transmission, les organismes bénéficiant de la mise à disposition de ces données, les modalités d'évaluation par l'Agence de la biomédecine ainsi que les destinataires de cette évaluation.
o Sur le fondement de cet article, la ministre des affaires sociales et de la santé a pris, le 11 mai 2016, un arrêté précisant notamment les données transmises par les biologistes médicaux et leurs destinataires, ainsi que les données transmises par l’Agence de la biomédecine et leurs destinataires.
o La fondation Jérôme Lejeune, le collectif contre l’handiphobie et des particuliers ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret et de cet arrêté.
o Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette l’essentiel du recours de la fondation Jérôme Lejeune et autres. Il annule toutefois très partiellement l’arrêté du 11 mai 2016, en tant qu’il prévoit la mise à disposition de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité de l’ensemble des données collectées par les praticiens et biologistes lors des examens d’échographie et d’analyse des marqueurs sériques maternels nécessaires au diagnostic prénatal du risque de trisomie 21, ainsi que la mise à disposition des organismes agréés par la Haute Autorité de santé (HAS) pour l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle des données collectées autres que celles correspondant aux professionnels ayant adhéré au programme d’assurance qualité de l’organisme.
Les faits et la procédure :
Par un décret n° 2016-545 du 3 mai 2016, le Premier ministre a introduit dans le code de la santé publique un article R. 2131-2-3 donnant compétence au ministre chargé de la santé pour arrêter, dans le cadre de l'évaluation et du contrôle de qualité de certains examens de diagnostic prénatal, les données que les biologistes médicaux doivent transmettre à l'Agence de la biomédecine, les modalités de cette transmission, les organismes bénéficiant de la mise à disposition de ces données, les modalités d'évaluation par l'Agence de la biomédecine ainsi que les destinataires de cette évaluation.
Sur le fondement de cet article, la ministre des affaires sociales et de la santé a pris, le 11 mai 2016, un arrêté modifiant l’annexe d’un précédent arrêté du 23 juin 2009 fixant les règles de bonnes pratiques en matière de dépistage et de diagnostic prénatals avec utilisation des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21. L’arrêté du 11 mai 2016 précise notamment :
- les données transmises par les biologistes médicaux et leurs destinataires ;
- les données transmises par l’Agence de la biomédecine et leurs destinataires.
La fondation Jérôme Lejeune, le collectif contre l’handiphobie et des particuliers ont demandé l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret et de cet arrêté. L’essentiel de la requête mettait en cause la conformité du traitement informatique des données ainsi collectées aux principes constitutionnels et issus de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi qu’à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette l’essentiel du recours de la fondation Jérôme Lejeune et autres.
Le Conseil d’État rappelle tout d’abord que le dispositif d’évaluation mis en œuvre par les textes attaqués répond à l’objectif d’intérêt général d’amélioration des pratiques des professionnels et de recherche d’une plus grande fiabilité des tests de dépistage, en vue notamment de diminuer le recours aux méthodes invasives de diagnostic telles que les amniocentèses. Il juge qu’en tant que telle, cette évaluation ne porte aucune atteinte au principe constitutionnel du respect de la dignité de la personne humaine ni aux principes de droit à la vie ou de non-discrimination protégés notamment par les stipulations des articles 2 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
S’agissant de la conformité du dispositif à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, le Conseil d’État rappelle que la collecte, l’enregistrement, la conservation, la consultation et la communication de données à caractère personnel doivent être justifiées par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnées à cet objectif.
Il juge que l’obligation faite aux biologistes médicaux de transmettre à l’Agence de biomédecine certaines données relatives aux modalités d’analyse des marqueurs sériques maternels de la trisomie 21, aux caractéristiques des femmes examinées et aux résultats obtenus à la suite des examens répond de manière adéquate et proportionnée à l’objectif d’intérêt général d’amélioration des pratiques des professionnels et de recherche d’une plus grande fiabilité des tests de dépistage. De même, la diffusion, à chaque réseau de périnatalité et à chaque organisme agréé par l’Agence de biomédecine pour l’accréditation de la qualité de la pratique professionnelle du dépistage de la trisomie 21, de celles de ces données ainsi collectées qui concernent les femmes suivies par les professionnels adhérant au réseau ou les échographistes ayant adhéré au programme d’assurance qualité de l’organisme met en œuvre de manière adéquate et proportionnée l’objectif d’intérêt général poursuivi.
Il constate en revanche que le ministre n’a pas démontré en quoi la mise à disposition, prévue par l’annexe de l’arrêté du 23 juin 2009 modifiée par l’arrêté du 11 mai 2016, de l’ensemble des données à caractère personnel recueillies sur le territoire national à la Fédération française des réseaux de périnatalité et de tous les organismes agréés par la Haute Autorité de santé, était justifiée.
En conséquence, le Conseil d’État rejette l’essentiel de la requête. Il annule toutefois sur ce dernier point l’arrêté du 11 mai 2016. Cet arrêté reste donc en vigueur, à l’exception du point 4.3 de l’annexe II de l’arrêté du 23 mai 2009 que l’arrêté du 11 mai 2016 a modifié et que le Conseil d’État annule.