Le Conseil d’Etat transmet une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel
Le Conseil d’Etat a décidé de renvoyer la question prioritaire de constitutionnalité dont il a été saisi dans le cadre des protestations formées contre les élections au conseil régional d’Île-de-France.
Après la séance qui s’était tenue le 3 décembre 2010 sur ces protestations, l’assemblée du contentieux du Conseil d’Etat avait décidé de rouvrir l’instruction et de soumettre au contradictoire la question prioritaire de constitutionnalité dont il avait été saisi par une note en délibéré déposée par une partie concernant les dispositions qui prévoient des sanctions (inéligibilité, sanctions financières) pour un candidat dont le compte est écarté (articles L. 52-11-1, L. 52-12, L. 52-15, L. 118-3 et L. 341-1 du code électoral).
Au terme de ce débat contradictoire, le Conseil d’Etat a estimé qu’il y avait lieu de transmettre au Conseil constitutionnel la question posée.
Sur le plan de la procédure, le Conseil d’Etat a tout d’abord rappelé que lorsque, comme c’était le cas en l’espèce, il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge d'en prendre connaissance avant de rendre sa décision. La décision précise, conformément à la jurisprudence, qu’en dehors des hypothèses où il est tenu de rouvrir l’instruction à peine d’irrégularité de sa décision, (cas où la note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait décisive dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou qu’il devrait relever d'office), le juge a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, comme il l’a fait en l’espèce.
Examinant ensuite la question posée, le Conseil d’Etat a jugé que, bien que dans sa décision n° 89-271 DC du 11 janvier 1990, le Conseil constitutionnel ait déjà déclaré conformes à la Constitution les dispositions de l’article 1er de la loi du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques, duquel sont issus les articles L. 52-12 et L. 52-15 du code électoral, ainsi que les dispositions de l’article 6 de cette loi, duquel est issu l’article L. 118-3 du même code, il y avait lieu de renvoyer la question pour deux raisons :
- en premier lieu, l’article L. 118-3 du code électoral prévoyant que le juge peut déclarer inéligible un candidat dont le compte de campagne fait apparaître un dépassement du plafond de dépenses a été substantiellement modifié par le législateur depuis la décision du Conseil constitutionnel ;
- en deuxième lieu, certaines modifications des règles applicables au financement des campagnes électorales ont conduit à une augmentation significative des cas de manquements susceptibles de justifier le rejet du compte d’un candidat et d’entraîner le prononcé de son inéligibilité, ainsi qu’à une aggravation des conséquences, autres que l’inéligibilité résultant de la méconnaissance de la législation sur les comptes de campagne.
Le Conseil d’Etat a regardé ces évolutions comme traduisant un changement dans les circonstances de droit de nature à justifier, au regard des règles relatives à l’examen des questions prioritaires de constitutionnalité, que la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions en cause soit à nouveau soumise au Conseil constitutionnel.
Enfin, le Conseil d’Etat a estimé que le moyen tiré de ce que les dispositions contestées porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux principes de nécessité, d’individualisation et de proportionnalité des peines, soulevait une question présentant un caractère sérieux, justifiant de transmettre la question au Conseil constitutionnel.
Le Conseil d’État a sursis à statuer sur l’élection jusqu’à ce que le Conseil constitutionnel se prononce sur la question transmise.
Conseil d'État, 28 janvier 2011, n° 338199, Monsieur Huchon