Le Conseil d’État annule en raison de vices de procédure la création de l’Ecole normale supérieure de Lyon et précise à cette occasion les conséquences des irrégularités de procédure sur la légalité des actes administratifs.
Le Conseil d'État était saisi d'une requête tendant à l'annulation du décret n° 2009‑1533 du 10 décembre 2009 portant création de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon résultant du regroupement de l'ENS de Lyon et de l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud, et définissant les statuts de la nouvelle école. Plusieurs vices de procédure étaient invoqués.
Il a tout d'abord précisé qu'en principe, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que si ce vice :
- a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ;
- ou s'il a privé les personnes intéressées d'une garantie.
En l'espèce, il a jugé que deux vices de procédure étaient de nature à entacher d'illégalité le décret attaqué :
- les comités techniques paritaires n'avaient pas été consultés avant la délibération des conseils d'administration des deux établissements, ce qui avait privé les représentants du personnel d'une garantie ;
- la circonstance que, pour prendre parti sur le principe de la fusion, les conseils d'administration des deux ENS ont émis leur avis lors d'une réunion organisée en commun, sous la présidence unique du président de l'un des deux établissements y compris pendant le débat et le scrutin, modalités de délibération qui ont été susceptibles d'exercer une influence sur le sens du décret attaqué.
Par conséquent, le Conseil d'État a annulé le décret attaqué. Il a en outre différé l'effet de cette annulation au 30 juin 2012.
Le Conseil d'État était saisi d'un recours pour excès de pouvoir contre le décret n° 2009-1533 du 10 décembre 2009 portant création de l'Ecole normale supérieure (ENS) de Lyon résultant du regroupement de l'ENS de Lyon et de l'ENS de Fontenay-Saint-Cloud, et définissant les statuts de la nouvelle école.
En réponse aux moyens invoquant des irrégularités dans la procédure préalable à l'adoption du décret, l'administration se prévalait des dispositions de l'article 70 de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit au terme desquelles : « Lorsque l'autorité administrative, avant de prendre une décision, procède à la consultation d'un organisme, seules les irrégularités susceptibles d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision prise au vu de l'avis rendu peuvent, le cas échéant, être invoquées à l'encontre de la décision ».
Le Conseil d'État a tout d'abord jugé qu'en vertu d'un principe dont s'inspire la règle ainsi énoncée par la loi, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que si ce vice :
- a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ;
- ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
Il a précisé que l'application du principe ainsi reconnu n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.
Le Conseil d'État a ensuite appliqué ce principe au cas d'espèce qui lui était soumis.
En vertu de la procédure prévue par l'article L. 711‑1 du code de l'éducation, les Ecoles normales supérieures (ENS) « peuvent demander, par délibération statutaire du conseil d'administration prise à la majorité absolue des membres en exercice, le regroupement au sein d'un nouvel établissement ou d'un établissement déjà constitué ».
En premier lieu, le Conseil d'État a jugé que le défaut de consultation de chacun des deux comités techniques paritaires sur le principe de la fusion entre les deux ENS, préalablement à la réunion des conseils d'administration des deux écoles, avait privé les représentants du personnel d'une garantie et constitué une irrégularité de nature à entacher la légalité du décret attaqué.
En deuxième lieu, il a estimé que les modalités de délibération des conseils d'administration des deux ENS, qui ont émis leur avis lors d'une réunion organisée en commun, sous la présidence unique du président de l'un des deux établissements y compris pendant le débat et le scrutin, avaient été susceptibles d'exercer une influence sur le sens des délibérations qu'ils ont adoptées, et par suite, sur celui du décret.
En conséquence, le Conseil d'État a annulé le décret attaqué dans son ensemble.
Toutefois, au regard des effets manifestement excessifs que produirait le caractère rétroactif de cette annulation en raison du risque de mise en cause des nombreux actes individuels et contractuels pris sur le fondement du décret, et de la nécessité de permettre au ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de prendre les dispositions nécessaires pour assurer la continuité du service public, le Conseil d'État a différé l'effet de son annulation au 30 juin 2012 et réputé définitifs les effets produits par le décret avant cette date.
CE, Assemblée, 23 décembre 2011, M. Claude D. et autres, n°335033.