Droit à pension

Décision de justice
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Le Conseil d’État estime que les avantages de pension liés au congé de maternité qui ont été maintenus à titre transitoire par le législateur français sont conformes au droit de l’Union européenne.

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L’essentiel

Etaient en cause deux avantages de pension octroyés aux fonctionnaires qui ont interrompu leur activité au moins deux mois pour s’occuper de leur enfant. Ces avantages bénéficient donc systématiquement aux mères de famille ayant dû prendre un congé de maternité. Ce sont :
- la bonification d’un an par enfant, qui a été maintenue par le législateur pour les parents d’enfants nés avant 2004 ;
- la faculté de départ anticipé pour les parents de trois enfants, qui a été mise en extinction par le législateur.

Le Conseil d’État s’est prononcé sur la compatibilité de ces avantages avec le droit de l’Union européenne : il a jugé qu’ils ne constituaient pas des discriminations indirectes prohibées.

Il a en effet estimé que ces avantages sont justifiés par l’objectif de compenser les retards et préjudices de carrière dont les femmes ont, de fait, été victimes par le passé.

Les faits et la procédure

Un fonctionnaire a demandé à son administration de pouvoir bénéficier d’un départ anticipé à la retraite avec jouissance immédiate du droit à pension. Cette demande lui a été refusée par une décision du 20 décembre 2010 que ce fonctionnaire a attaquée devant le tribunal administratif. Celui-ci ayant rejeté son recours, l’intéressé a contesté ce jugement devant le Conseil d’État par la voie d’un pourvoi en cassation.

Le cadre juridique

Le code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit plusieurs avantages bénéficiant aux hommes et aux femmes qui ont interrompu leur carrière afin d’élever leurs enfants. En particulier, le code prévoit que l’interruption de l’activité professionnelle pour s’occuper d’un enfant né avant 2004 donne droit à une bonification d’un an qui s’ajoute à la durée des services effectifs pris en compte pour calculer la pension. En outre, au moment où s’est noué le litige, le code prévoyait également que les parents de trois enfants qui avaient, dans certaines conditions, interrompu leur activité professionnelle pour s’occuper de leurs enfants, pouvaient prendre leur retraite de façon anticipée, sans avoir atteint l’âge minimal de départ à la retraite.

Il faut signaler que la législation prévoyant ces avantages a évolué et que ces avantages ont été réduits ou mis en extinction, notamment par la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

L’application au cas d’espèce

Les avantages prévus par le code des pensions pour les parents d’enfants bénéficient tant aux hommes qu’aux femmes et ne constituent donc pas une discrimination directe fondée sur le sexe. Cependant, la réglementation prévoit que ces avantages sont acquis lorsqu’un fonctionnaire interrompt sa carrière au moins deux mois, pour s’occuper d’un enfant, dans le cadre de divers congés, dont le congé de maternité. En raison de la faible durée d’interruption exigée par les textes, les femmes bénéficient donc automatiquement des avantages dès lors qu’elles ont dû prendre un congé de maternité de deux mois tandis que les hommes ne peuvent en bénéficier que s’ils ont choisi de prendre un congé pour s’occuper de leurs enfants, notamment un congé parental.

Pour refuser au requérant les avantages qu’il demandait au titre de ses trois enfants, l’administration lui avait opposé qu’il ne remplissait pas les conditions prévues par le code. Le requérant soutenait que les dispositions du code ne faisaient certes pas directement une différence entre les sexes mais qu’elles constituaient cependant une discrimination indirecte interdite par le droit de l’Union européenne dès lors que, dans les faits, les femmes bénéficiaient systématiquement de l’avantage tandis que les hommes n’en bénéficiaient que plus rarement.

La Cour de justice de l’Union européenne a eu récemment l’occasion de se prononcer sur ce dispositif, par sa décision du 17 juillet 2014, Maurice Leone et Blandine Leone/Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (aff. C-173/13). Dans cet arrêt, la Cour de justice de l’Union européenne a confirmé que ces avantages bénéficient dans les faits à un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes. Elle a jugé qu’une telle différence de traitement n’est admissible que si elle est justifiée par des facteurs objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe, tels qu’un objectif légitime de politique sociale, et si ces avantages sont bien nécessaires pour atteindre cet objectif. Elle a jugé que, sur la base des indications contenues dans son arrêt, il revenait à la juridiction nationale de déterminer si le dispositif français du code des pensions constituait ou non une discrimination indirecte.

Dans sa décision, le Conseil d’État relève lui aussi que ce dispositif bénéficie davantage aux femmes qu’aux hommes mais il constate que, statistiquement, les femmes qui interrompent leur carrière, même ponctuellement,  en raison des contraintes liées à la présence d’enfants au foyer bénéficient de pensions plus faibles que les hommes. Selon les données d’une étude statistique du service des retraites de l’État, si une femme fonctionnaire sans enfant perçoit à la fin de sa carrière une pension moyenne supérieure de 2,6 % à celle des hommes également sans enfant, les femmes avec enfants perçoivent en moyenne des pensions inférieures à celles des hommes ayant le même nombre d’enfants. En outre, ces écarts entre les pensions perçues par les femmes et les hommes s’accroissent avec le nombre d’enfants : les pensions des femmes fonctionnaires, rapportées à celles des hommes, sont ainsi inférieures de 9,8 % pour un enfant, de 11,5 % pour deux enfants, de 13,3 % pour trois enfants et de 23 % pour quatre enfants. Selon ces estimations, si la bonification par enfant était supprimée, les écarts passeraient à 12,7 % pour un enfant, 17,3 % pour deux enfants, 19,3 % pour trois enfants et à près de 30 % pour quatre enfants.

Le Conseil d’État en déduit que le législateur pouvait légitimement se fixer comme objectif de politique sociale de compenser ces inégalités de pension constatées dans les faits. Dans sa décision, le Conseil d’État insiste sur le fait que l’intention du législateur n’est pas, en instituant ces avantages, d’améliorer la situation professionnelle actuelle des mères de famille ou de prévenir ces inégalités pour l’avenir mais de compenser partiellement, dans la mesure du possible, les retards et les préjudices de carrière dont les femmes ont été victimes et qui résultent d’une situation passée. Ainsi, s’agissant de la bonification pour enfant, cet avantage ne bénéficie ainsi qu’aux mères d’enfants nés avant le 1er janvier 2004. S’agissant de la faculté de départ anticipé offerte aux parents de trois enfants, le législateur a progressivement mis en extinction cet avantage.  Ces dispositions ne sont donc que destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître.

Dans ces conditions, le Conseil d’État a estimé que ces avantages ne constituaient pas des discriminations indirectes prohibées par le droit de l’Union européenne. Il a par conséquent rejeté le pourvoi.