Servir l’État aujourd’hui

Par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat, président du conseil d’administration de l’ENA
Discours
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École nationale d’administration, Strasbourg, mercredi 14 mars 2018

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Servir L’État aujourd’hui

Intervention de Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil D’État

Monsieur le directeur de l’ENA,
Madame la directrice de l’INET,
Mesdames et Messieurs,
Chers élèves fonctionnaires,

Lors de vos scolarités respectives à l’ENA ou à l’INET et, notamment, lors des stages que vous effectuerez, vos formateurs auront à cœur de vous transmettre les outils intellectuels et pratiques nécessaires pour vous mettre en capacité de concevoir et appliquer les politiques des collectivités dans lesquelles vous serez affectés ainsi que pour vous inscrire dans les transformations contemporaines de la société et vous aider à penser les réformes de l’action publique qui sont nécessaires à son unité, sa cohésion et son élan. Mais l’acquisition de ces compétences ne doit pas vous dispenser d’une réflexion plus large sur la nature de l’engagement que vous avez pris en faisant le choix de la fonction publique, sur ce que sont l’État et les personnes publiques et ce qu’ils représentent. C’est en tout cas ce que pensait André Malraux dont le nom avait été donné, de son vivant, à la promotion de l’ENA dont je suis issu et à qui nous avions rendu visite à Verrières-le-Buisson peu de temps après le début de notre scolarité. A l’énoncé des matières que nous allions étudier, il s’était exclamé : « Mais enfin, vous préparez un diplôme de technicien ! » pour conclure : « Ce qu’il faut enseigner à l’ENA, ce sont des cours sur la problématique et la philosophie de l’État ».
Cet avertissement me paraît, dans une certaine mesure, aussi juste et pertinent aujourd’hui qu’il y a 42 ans. La question que je veux aborder devant vous – Servir l’État aujourd’hui – peut sembler d’une grande banalité aux élèves fonctionnaires que vous êtes. Pourtant, l’État et les personnes publiques, ce qu’ils sont et ce qu’ils incarnent, ne sauraient être réduits à quelques poncifs ou idées toutes faites sur leurs fonctions, leurs principes et leurs objectifs. Trop souvent l’État et, plus largement, l’action publique sont assimilés aux vertus totalisantes ou aux échecs, tout aussi globaux et rédhibitoires, que nous leur prêtons. Ils sont à la fois en crise, voire totalement dépassés, pour les uns et parés de toutes les vertus pour les autres, même si ces derniers semblent avoir perdu du terrain au cours des dernières décennies. En réalité, traiter de l’action publique est, au-delà des idées reçues, un sujet ample et complexe ; c’est un sujet qui doit être abordé avec réalisme et sans faux-fuyants, parce que l’État et les personnes publiques sont au cœur de la construction de notre identité nationale et de notre organisation politique et qu’ils sont aussi au cœur de notre engagement de fonctionnaires.
L’idéal-type de l’État « moderne », sur lequel je souhaite me concentrer, s’incarne dans un pouvoir souverain sur un territoire délimité[2]. Conformément à son étymologie – stare –, l’État est ce qui nous tient debout ; il est le corps dans lequel s’incarne notre projet commun. Notre pacte social est indissolublement lié à la conception d’un État unitaire sur lequel s’est construite la Nation et qui tire sa légitimité de son rôle de garant de la cohésion nationale et de l’intérêt général. Cet intérêt n’est pas, vous le savez, la somme des intérêts particuliers qui s’expriment dans notre société, ni même un agrégat d’intérêts collectifs. L’intérêt général est, dans notre pays, ce qui nous est commun, ce qui nous rassemble, nous élève au-dessus de nos conditions et transcende les intérêts individuels. Il est, dans notre conception volontariste, l’expression de la volonté générale, exprimée par la Constitution et la loi, interprétée par le juge et mise en œuvre par le pouvoir exécutif. L’État, en faisant primer le Bien commun et l’intérêt général, prend part à l’édification d’une société intégrée et unifiée qui serait autrement traversée par des tensions insoutenables entre les intérêts individuels ou collectifs multiples qui la traversent[3].
Cette représentation de l’État que vous avez aujourd’hui vocation à servir a profondément changé au cours des dernières décennies. Des transformations juridiques, sociales, politiques et économiques souvent radicales ont fait évoluer ses principes et ses fondements. Pourtant, l’État, pas plus que les autres acteurs publics, n’a disparu, ni n’a vocation à s’effacer à moyen terme. En revanche, ces mutations doivent le conduire à se réformer et à repenser son positionnement par rapport aux autres acteurs publics et privés, comme sur la scène internationale, afin de continuer à servir, dans un contexte nouveau, l’intérêt général.
Je souhaiterais par conséquent vous livrer quelques pistes de réflexion sur ce sujet qui, je l’espère, vous permettront de mieux appréhender les missions éminentes qui vous attendent.

 I. L’État est confronté, depuis plusieurs dernières décennies, à de profondes mutations qui interrogent, voire mettent en cause, sa pertinence et sa légitimité.

A. L’internationalisation du droit et la globalisation de l’économie mettent en doute sa capacité à demeurer un acteur pertinent des politiques publiques et de la promotion de l’intérêt général.

  1. Longtemps, l’État a été théorisé comme étant la puissance suprême dans l’ordre interne[4]. Il a acquis, au sortir du Moyen-Âge, le monopole de la contrainte physique légitime[5], de la force légale. L’État est ainsi devenu la source du caractère obligatoire du droit positif[6]. La territorialité de sa puissance a été la racine de son autorité, comme de l’existence et, surtout, de l’effectivité du droit[7]. Pour Jean Bodin, cette souveraineté absolue sur un territoire était à la fois l’attribut et le signe distinctif de l’État[8]. C’était une souveraineté parfaite - et non absolutiste -, c'est-à-dire une souveraineté qui n’était ni divisée, ni partagée et qui appartenait entièrement au souverain, le peuple aujourd’hui, ce dernier ne pouvant être contraint par aucune règle extérieure à sa volonté[9]. Aujourd’hui, cette conception de la souveraineté et cette vision d’une production normative qui serait un monopole étatique[10] subissent des assauts répétés. D’une part, la globalisation des rapports économiques et la multiplication des échanges ont mis en lumière des problématiques dont le traitement dépasse le strict champ du cadre national[11] : la lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement durable, la protection des droits de l’homme ou encore la lutte contre le terrorisme et son financement. L’expansion des sociétés multinationales et le découplage entre l’action des grands opérateurs économiques et les territoires étatiques, c’est-à-dire la déterritorialisation et la mondialisation de l’économie, ont aussi fait émerger des enjeux globaux relatifs à la protection des consommateurs et des travailleurs, ainsi qu’à la préservation de la stabilité de l’économie mondiale ou à la lutte contre la corruption que des normes exclusivement étatiques ne sont pas aptes à encadrer avec efficacité[12]. D’autre part, les sources du droit se sont internationalisées sous l’effet de l’interdépendance croissante des États. La globalisation de l’économie, la mobilité des personnes et les stratégies transnationales des entreprises ont mis à mal l’ancrage exclusivement national du droit qui s’accommode de plus en plus difficilement de l’application de règles nationales à des situations souvent transfrontalières ou empreintes d’une forte dimension internationale.

  2. Dans ce contexte, les États ne peuvent plus appréhender et résoudre seuls les nouvelles problématiques économiques, sociales, environnementales et juridiques qui se présentent à eux. L’action étatique est limitée, voire dépassée, par des phénomènes globaux et par d’autres acteurs, tout aussi puissants, qui paraissent même parfois plus aptes à prendre en charge ces problématiques. Les entreprises multinationales ou leurs émanations ont, par exemple, pris l’initiative de développer des outils de droit souple visant à assurer la lutte contre certains risques de dimension mondiale, d’une manière dont l’efficacité est cependant souvent questionnée faute de mécanismes appropriés de contrôle et de sanction. C’est le cas, notamment, des programmes de responsabilité sociale et environnementale des entreprises (RSE). C’est aussi le cas des programmes de conformité destinés à montrer aux investisseurs et aux acteurs de la société civile qu’une entreprise respecte les règles éthiques et déontologiques ou économiques de son secteur, comme en matière de protection des travailleurs ou de l’environnement. En outre, l’interdépendance des États en a conduit certains, spécialement en Europe, à se regrouper en créant volontairement un nouvel ordre juridique, comme c’est le cas avec l’Union européenne. Ce faisant, ces États, et d’abord le nôtre, ont accepté, au même titre que pour le droit international[13], de se soumettre à un droit qui n’est plus l’émanation exclusive de leur puissance souveraine, mais qui résulte d’une négociation permanente et d’un consensus global entre États et, plus encore, de décisions prises à la majorité qualifiée, dans le cadre d’un processus normatif faisant une large place à des institutions supranationales. Le pouvoir normatif de l’Union européenne a fait entrer en droit interne, grâce aux mécanismes de primauté[14] et d’effet direct[15], des règles nouvelles, parfois empruntées à d’autres droits nationaux et, dans d’autres cas, issues de l’hybridation entre les systèmes juridiques des États membres. Il en résulte que ces États ne disposent plus d’une compétence exclusive, même dans les matières fiscale ou sociale, domaines qui, sans être régaliens, sont pourtant étroitement liés à des conceptions nationales et qui, comble du paradoxe, n’entrent même pas directement dans le champ de compétence de l’Union européenne.

  3. Notre perception de l’État et de sa souveraineté est ainsi modifiée au point que, d’une puissance exerçant une souveraineté absolue au sens de Bodin[16], l’État apparaît aujourd’hui concurrencé, voire dépassé.

B. L’État est aussi, de nos jours, affaibli par une perte de confiance dans sa capacité à pouvoir encore porter un projet collectif.

  1. Ce qui avait constitué la base de la citoyenneté moderne, à savoir la séparation entre la sphère publique et la sphère privée, entre la famille où règnent des individus et la cité où agissent des citoyens guidés par le service de l’intérêt général, est aujourd’hui fragilisé. L’individu et la personne humaine sont en effet devenus une source, sinon unique, du moins centrale, de la vie sociale ainsi que le point d’application de l’ensemble des décisions politiques. L’essor du mouvement des droits de l’homme depuis la Renaissance et la Réforme et la réaffirmation de certaines thèses jusnaturalistes sous la Révolution française[17] ont contribué à une reconnaissance croissante des droits de la personne. Le libéralisme politique et économique, le respect de la diversité et l’attachement à la tolérance, moins comme vertu personnelle que comme principe d’organisation de la vie collective, se sont épanouis dans un contexte marqué par la défiance à l’égard des puissances publiques et des doctrines fondées sur le salut, les religions, ou l’émancipation du genre humain, comme le marxisme. La place et l’importance des droits subjectifs se sont dans ce contexte, lentement mais fortement, affirmées. Aujourd’hui, les citoyens s’estiment détenteurs de droits particuliers, dont l’État aurait pour mission principale de garantir la protection et l’effectivité[18]. Cette évolution qui est au fondement de nos valeurs démocratiques et des principes de l’État de droit a, dans certains cas, été poussée à l’extrême. L’État n’est plus suffisamment regardé comme un ensemble d’institutions, de décisions, d’actions et d’ambitions n’exprimant et ne servant que l’intérêt national et général[19]. Il est considéré moins comme l’instrument de la réalisation d’un Bien commun à l’ensemble des membres de la collectivité nationale, que comme une entité devant être cantonnée pour ne pas empiéter sur les droits individuels : son but principal devrait même être de les garantir, ce que la pensée libérale assume pleinement. Les citoyens entendent, au-delà du libre exercice de leurs droits, faire valoir leur individualité et leurs intérêts propres dans la sphère publique et même contre les personnes publiques, ce qui rend la convergence des intérêts privés et publics problématique et leur conciliation particulièrement délicate. Entendons-nous bien : la liberté de la personne, comme l’égalité entre citoyens, ne sont pas négociables, ni dérogeables. Mais l’interaction entre les citoyens pour atteindre efficacement des objectifs communs et, notamment, un Bien commun délibéré démocratiquement est également fondamentale et ne doit pas être sous-estimée. D’Aristote à Hannah Arendt, en passant par Cicéron, Bodin ou Diderot, nombreux sont les philosophes qui ont rappelé la singularité de la Cité, de la République ou de l’État pour construire un bien partagé en commun et souligné l’importance de l’accord, de l’association et de l’interaction sociale pour atteindre un tel but. Parmi toutes les citations possibles, je retiens la définition que donne Cicéron de la République dans De Republica : « La République, c’est la chose du peuple, mais un peuple n’est pas un rassemblement quelconque de gens réunis n’importe comment ; c’est le rassemblement d’une multitude d’individus qui se sont associés en vertu d’un accord sur le droit et d’une communauté d’intérêts »[20]. Et l’Encyclopédie de Diderot souligne : « une multitude n’est qu’un assemblage de plusieurs personnes, dont chacune a sa volonté particulière ; au lieu que l’État est une société animée par une seule âme qui en dirige tous les mouvements d’une manière constante, relativement à l’utilité commune »[21]. Par contraste, dans notre société atomisée, l’intérêt général, s’il survit, ne semble être que la somme des intérêts particuliers, à rebours de ce qu’a toujours été la conception française de l’intérêt général. L’individualisation et l’émiettement de nos sociétés, encore accrus par le développement spectaculaire des plateformes numériques, affaiblissent la poursuite par l’État du Bien commun et la dimension collective du projet étatique semble s’effacer devant la primauté des intérêts individuels.

  2. Ne sachant plus, ou ne paraissant plus savoir porter les aspirations collectives de la société, l’État est comme frappé de désenchantement, ainsi qu’en témoigne la perte de confiance des citoyens dans la capacité de ce modèle à répondre à leurs aspirations. Cette désaffection résulte, notamment, du sentiment, dans le contexte du populisme propre à nos sociétés, que les principes et les valeurs de la République sont devenus de simples proclamations formelles qui ne trouvent qu’une concrétisation partielle dans la vie quotidienne des personnes. Il est en particulier reproché à notre modèle républicain de ne pas savoir – ou de ne plus savoir – répondre aux attentes des citoyens, favoriser leur intégration et leur promotion et, pire encore, lutter contre le décrochage d’une partie de la population exposée au risque de se sentir déclassée et laissée pour compte. Ces divisions et le sentiment d’exclusion qui en résulte affaiblissent le caractère unitaire et universel que la Révolution française avait mis au cœur de la citoyenneté et de notre conception de l’État.

Enfin, les contraintes budgétaires auxquelles l’État est aujourd’hui soumis et la nécessité d’améliorer la performance et l’efficience de l’administration limitent ses marges de manœuvre et banalisent trop souvent son action et ses moyens d’intervention. Le rapprochement des modalités d’action de l’État de celles des acteurs privés efface ainsi en partie son particularisme, comme en témoigne le développement des hypothèses d’association des acteurs privés à l’administration ou encore l’application du droit de la concurrence à la plupart des branches de l’action publique. Alors que la jurisprudence administrative s’était construite sur un constant équilibre entre l’intérêt général et les droits individuels qui attestait de la singularité et de l’éminence du rôle de l’État, l’exorbitance de ce droit se trouve en retour questionnée[22].
Plusieurs mouvements simultanés – l’internationalisation des économies et la globalisation du droit autant que l’hyper-individualisation de notre société – interrogent ainsi la capacité de l’État à poursuivre la satisfaction de l’intérêt général.

 II. Dans ce contexte, le rôle de l’État doit être repensé pour lui permettre de continuer à assurer la mission qui est la sienne : celle d’unifier nos concitoyens au sein d’une même communauté et autour d’un projet partagé.

Il ne s’agit nullement de tirer un trait sur l’État et de l’écarter comme obsolète, car malgré tous les maux dont il est régulièrement accablé, nous attendons aujourd’hui de l’État, spécialement en France, qu’il porte le projet commun qui permettra de faire face aux profondes transformations de la vie économique et sociale pour mieux les appréhender, les réguler et les maîtriser. A chaque évolution vécue comme inquiétante, c’est à l’État qu’il est fait appel que ce soit pour prévenir et amortir les chocs, pour protéger les personnes et panser leurs plaies, pour faire vivre la cohésion sociale et territoriale, pour imprimer un cap nouveau aux politiques économiques, écologiques et sociales les plus déterminantes ou pour donner sens et cohérence à l’inscription de notre pays dans le monde global. Le paradoxe est bien là : alors même qu’il semble soumis à des « crises » multiples qui en fragilisent sa légitimité, le besoin d’État n’a en réalité jamais été aussi pressant. Ce n’est donc pas tant sa disparition ou sa succession qu’il faut penser, que sa réforme et sa transformation.

A. Pour continuer à porter les aspirations collectives de nos concitoyens, l’État doit définir des orientations claires et prendre appui sur une action publique rénovée et efficace.

  1. L’État doit demeurer le garant de l’équilibre entre la sauvegarde du Bien commun et la protection des droits individuels des personnes, les seconds étant d’ailleurs inclus dans le premier. Cela suppose notamment qu’il se positionne comme un repère[23] et qu’il réaffirme avec force les valeurs qui sont à la racine de notre pacte social. Il est ainsi indispensable de redéfinir les finalités qu’il poursuit et qu’il se réengage dans un projet collectif de long terme au service de la collectivité. L’État doit, pour cela, définir un véritable projet politique et accepter de porter avec conviction et engagement la réalisation des objectifs fixés. Les bouleversements économiques, technologiques et sociaux auxquels nous sommes confrontés imposent, aujourd’hui plus que jamais, d’avoir une vision claire de l’avenir de la collectivité, de faire preuve de lucidité et de pertinence dans les analyses, de proposer des choix courageux et de conduire un changement profond dans la durée. L’État ne saurait se mettre en retrait des mutations qui affectent en profondeur notre société. Il en va de sa légitimité, comme de sa survie. Il doit regarder en face ces phénomènes nouveaux, chercher à en comprendre les forces et le fonctionnement pour mieux les réguler, les encadrer ou prendre appui sur eux. L’action de l’État tire sa légitimité du service de l’intérêt général. Mais cette finalité l’oblige, autant qu’elle l’honore : il est par conséquent de sa responsabilité de continuer à servir l’intérêt général, au milieu des bouleversements actuels, en définissant des orientations et des objectifs clairs et communs à l’ensemble des citoyens. L’État ne peut pas, ne peut plus, se contenter de gérer les affaires courantes ou de réagir à des crises ou des sollicitations extérieures, comme à autant de stimuli auxquels il ne ferait que se soumettre ou dont il ne ferait que tirer les conséquences. Il doit prendre à bras le corps les problèmes trop longtemps niés, négligés ou reportés de surcoût, d’inadaptation et d’inefficacité de l’action publique et s’inscrire dans une attitude délibérément prospective et proactive.

  2. L’engagement civique et la participation à la vie de la cité doivent aussi être encouragés par de nouvelles formes d’expression et d’action. Une consultation plus régulière des citoyens doit ainsi être envisagée pour refonder la confiance dans l’action de l’État. La souveraineté ne peut plus s’exprimer par éclipses lors des séquences électorales, le peuple n’ayant qu’à se taire entretemps. L’essor des réseaux numériques qui, d’une certaine manière, met en péril le lien social peut à cet égard être une chance, en favorisant le renouvellement des formes d’engagement civique et la participation directe des personnes à la prise de décision publique. Avec le développement d’internet se sont ainsi multipliées les consultations citoyennes sur des choix politiques[24], de même que les pétitions en ligne ou les groupes de mobilisation sur des intérêts ou des idéaux communs[25].
    De nouvelles formes d’action, et pas seulement d’expression, doivent aussi être encouragées : car si l’État et les autres collectivités publiques ont une responsabilité éminente dans la quête et la satisfaction du Bien commun, celle-ci ne saurait être exclusive. Notre société porte en elle-même d’importantes capacités de diagnostic, d’écoute, de délibération et d’action collective, par le truchement, notamment, d’associations, de fondations ou de mouvements capables de prendre appui sur l’engagement, souvent bénévole, de beaucoup de compatriotes. Si, après les attentats terroristes contre Charlie Hebdo et l’Hyper Casher, j’ai proposé au Président de la République, avec Claude Onesta, la création d’une réserve citoyenne, c’est parce que je crois au formidable potentiel de fraternité que recèle notre société et à sa capacité à apporter des réponses pertinentes à beaucoup de besoins essentiels, de détresses et de solitudes auxquelles les services publics ne sont pas en mesure de faire face.[26] Ce potentiel doit pouvoir être mobilisé avec l’appui de l’État et des autres personnes publiques. L’idée de créer un service national universel rejoint dans une certaine mesure cette volonté intégratrice visant à recréer du lien social et à encourager l’engagement des citoyens au bénéfice de la collectivité. En se mettant au service de projets d’intérêt général, la société et les citoyens contribuent aussi à se construire eux-mêmes. Ce n’est pas, à mon sens, un dividende accessoire. Les entreprises ont également un rôle à jouer en la matière. Leur engagement est essentiel, car elles occupent dans notre société une place centrale qui leur confère d’importantes responsabilités, bien au-delà des seuls intérêts de leurs actionnaires. Le rapport remis par Jean-Dominique Senard et Nicole Notat la semaine passée le souligne clairement, en proposant d’inscrire dans le code civil l’idée que les entreprises poursuivent leur intérêt propre en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux de leur activité[27]. Sans l’implication de l’État, cette mobilisation ou cette inflexion du rôle d’acteurs majeurs de la vie sociale au service du Bien commun serait une vue de l’esprit.

  3. Sur le plan strictement économique, l’État n’est certes plus l’acteur interventionniste qu’il a été au lendemain de la Seconde guerre mondiale, mais ce désengagement n’implique pas la disparition de son rôle. Au contraire, la préservation de l’équilibre entre les nombreux intérêts particuliers en présence et la satisfaction d’un intérêt général multiforme justifie que l’État conserve une fonction essentielle d’impulsion et de régulation. Si l’on en doutait, l’ouverture à la concurrence de pans entiers de notre économie montre l’intense besoin de règles du jeu et de régulation. Car la concurrence libre et non faussée, si souvent brocardée, implique de lutter contre les multiples formes d’abus de position dominante. Cela implique aussi que l’État contribue à renforcer la compétitivité de nos entreprises, aide à leur création et leur développement dans le respect du droit de l’Union et accompagne, par la construction d’un cadre juridique pertinent, les mutations auxquelles les entreprises comme les citoyens sont confrontés. L’irruption d’Internet dans l’économie et l’essor des plateformes numériques révèlent, par exemple, la nécessité pour l’État de se saisir de ces nouveaux enjeux et d’y adapter le droit existant, le cas échéant pour permettre à la société dans son ensemble d’en tirer profit et pour éviter que le développement de ces nouvelles technologies ne soit bridé par des réglementations inadaptées ou obsolètes ou qu’il ne débouche au contraire sur des monopoles et des comportements prédateurs.

B. Plus largement, l’État doit s’inscrire dans le monde globalisé et prendre part à la régulation de la société internationale.

L’interdépendance des Etats et la déterritorialisation du droit et des politiques doit conduire à penser la souveraineté dans une vision globale. Dans ce cadre, les défis sont majeurs. Sans verser dans le catastrophisme, nous ne pouvons ignorer les conséquences très graves de l’effondrement de la biodiversité et du réchauffement climatique : la température au sol de l’Arctique est de 2,8 degrés supérieure à ce qu’elle était au début du XXème siècle, elle pourrait encore augmenter de 2 degrés d’ici la fin de ce siècle et des archipels et des littoraux entiers sont en voie de submersion. De même, ne peut-on que frémir lorsque l’on mesure que les dettes publiques et privées représentent 240 % du PIB mondial et que la politique de « Quantitative easing » des banques centrales conduit à créer annuellement des volumes importants de liquidités supplémentaires, les dettes additionnelles étant incapables de produire à due proportion de la valeur ajoutée.

  1. Ces situations imposent que l’on élève notre niveau d’ambition et que l’on réfléchisse, dans un monde devenu très interdépendant, à la conception et la mise en œuvre d’un Bien commun universel, par-delà les frontières des États-Nations. Ce projet est certes aujourd’hui hors de portée, pour ne pas dire en grande partie utopique. Mais dès maintenant, les États doivent adapter leurs modalités d’intervention à la globalisation du droit et de l’économie. Alors que les problématiques rencontrées sont de plus en plus souvent transnationales, les normes étatiques ne justifient plus de la même efficacité que par le passé. Faute de toujours pouvoir édicter des règles contraignantes, les États se tournent de plus en plus vers des instruments de droit plus ou moins souple qui tendent à influencer les comportements des acteurs économiques et non-gouvernementaux plutôt qu’à les régir directement. Au demeurant, ces instruments permettent de pallier certaines insuffisances du droit classique, soit que ce dernier soit confronté à des phénomènes qui excèdent les limites territoriales ou les pouvoirs de l’État, soit que le droit classique se heurte à des problématiques nouvelles qu’il ne maîtrise pas ou qui requièrent l’adhésion du public visé, comme en matière de lutte contre la corruption ou contre le réchauffement climatique[28]. Par le recours à des dispositifs plus souples et participatifs, les États associent les acteurs concernés à l’élaboration des règles applicables, avec la volonté de peser de manière moins contraignante sur les comportements et les rapports économiques et sociaux et de provoquer ou favoriser les évolutions recherchées de manière plus consentie et, par conséquent, plus efficace[29]. Les États ne sont, par conséquent, pas mis hors-jeu : ils  disposent d’un pouvoir d’influence et de référence qu’ils mettent en œuvre par l’édiction de règles de fond, l’émission de recommandations et l’incitation à adopter de nouvelles procédures, sous peine de sanctions le cas échéant.

  2. En second lieu, les États doivent affronter les difficultés nées du dépassement des frontières, notamment d’un point de vue juridique. L’encadrement de certaines pratiques par des normes exclusivement nationales a montré, comme je le disais, toutes ses limites. Cela implique que les États acceptent une plus forte coopération entre eux, que ce soit au niveau régional ou international. Les organisations internationales, par leur rôle global, ont un rôle essentiel à jouer pour définir les orientations et les règles que les acteurs nationaux, institutionnels ou économiques, doivent respecter, autant que pour préciser les modalités de réalisation de leurs objectifs. Les États doivent aussi définir ensemble des règles nouvelles, notamment pour prévenir le réchauffement climatique[30] ou pour assurer la stabilité du système financier mondial[31]. L’action d’harmonisation et d’unification du droit opérée par l’Union européenne contribue ainsi à assurer un respect transnational de certains objectifs mondiaux, spécialement dans les domaines du numérique, de l’environnement, de la finance ou en matière sociale. Bien entendu, cette coopération nécessite l’articulation harmonieuse des différents niveaux de décision. C’est ce que les autorités nationales et, en particulier, les juges se sont attachés à faire grâce aux principes de subsidiarité[32] et de marge d’appréciation et aux mécanismes de renvoi préjudiciel[33], d’interprétation conforme[34] et de protection équivalente[35], ce qui a permis jusqu’à présent d’éviter des conflits majeurs et des crises systémiques partant de désordres juridiques. Par ailleurs, le recours à des dispositifs juridiques ayant une portée extraterritoriale doit inciter les États à s’attaquer à des problématiques globales, comme la lutte contre le terrorisme ou la corruption, tout en responsabilisant les acteurs économiques ou non-gouvernementaux : ceux-ci sont de plus en plus souvent invités à mettre en œuvre des dispositifs internes de conformité pour éviter d’être sanctionnés, parfois très lourdement, par des dispositifs pénaux ou quasi-pénaux nationaux ou étrangers.Parallèlement, les États mettent ou doivent mettre en place des mécanismes puissants de lutte contre la corruption, y compris par la voie de la transaction [36].

 L’État, en tant que matrice de la Nation et incarnation de notre désir de vivre-ensemble, est un esprit, autant qu’un projet, auquel il faut redonner consistance. Ce projet est l’essence même de notre État. Il n’est pas circonscrit dans nos frontières et peut prendre des formes très diverses, seuls le repli et la fermeture ne pouvant constituer une option valable. Pour se réaliser, ce projet requiert, dans les services de l’État, des grands opérateurs publics, comme des collectivités territoriales, une fonction publique qui agisse avec imagination, courage, résolution et compétence au service de nos concitoyens et qui sache s’adapter aux transformations économiques, sociales et technologiques extrêmement rapides que nous connaissons. Une fonction publique qui soit en outre, c’est une évidence, irréprochable sur le plan éthique et qui sache aussi renoncer aux poisons du corporatisme. Par les principes qu’il promeut et les objectifs qu’il poursuit, le service public a une mission sans précédent de conduite du changement,  ainsi que de concrétisation et de mise en œuvre effective des valeurs qui sont le socle de notre société et qui, autrement, ne seraient que des paroles aussi creuses que vaines. Je veux, à cet égard, mentionner les valeurs républicaines – celles de liberté, d’égalité et de fraternité –, mais aussi les valeurs professionnelles des agents publics – le sens de la légalité bien sûr, mais aussi l’efficacité, l’adaptabilité, la continuité, la probité et l’exemplarité – et les valeurs humaines – l’engagement personnel, le respect des personnes et le sens de la solidarité. Ce sont ces valeurs qu’il vous faudra faire vivre au cours de votre carrière en ayant toujours à cœur de porter le projet de l’État et des collectivités que vous servirez, en France et hors de nos frontières. A l'aube de votre carrière et au crépuscule de la mienne, je forme pour chacun d’entre vous des vœux ardents et chaleureux pour la réussite de votre vie professionnelle au service de la collectivité, un service qui soit utile et fécond. S’il me reste un conseil, un seul à vous donner, ne lâchez jamais rien et gardez-vous toujours du piège de l’indifférence et, pire encore, du cynisme.

[1]Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[2]J. Chevallier, L’État post-moderne, LGDJ, 4ème édition, 2014, p. 22.

[3]J. Chevallier, op.cit. note 2, p. 22.

[4] E. Maulin, « Souveraineté », in D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1438.

[5] M. Weber, Economie et société, 1922 et N. Elias, Civilisation des mœurs, 1939.

[6]E. Maulin, op.cit. note 4, p. 1435.

[7] F. Poirat, « Territoire », in D. Alland et S. Rials, Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1475.

[8]J. Bodin, Les six livres de la République, 1576 cité par J. Chevallier, L’État, Dalloz, 2ème édition, 2011, p. 27.

[9]J-F. Spitz, Bodin et la souveraineté, PUF, 1998, pp. 6-7. Cela ne signifie cependant pas une souveraineté sans limite, la loi naturelle et la loi divine ayant vocation à créer le cadre de l’action de l’État.

[10] G. della Cananéa, « Grands systèmes de droit administratif et globalisation du droit », in P. Gonod, F. Melleray et P. Yolka (dir), Traité de droit administratif, T.1., Dalloz, 2011, p. 775.

[11]J-B. Auby, La globalisation, le droit et l’État, LGDJ, 2010, 2ème édition.

[12]A. Geslin, « Le champ de la régulation », RFDA, 2010, p. 731.

[13]Ainsi, en France, l’article 55 de la Constitution de 1958 prévoit le principe de la primauté du droit international sur les normes internes de valeur infra-constitutionnelle. L’effet direct de ces normes dépend du respect des critères dégagés dans CE Ass., 11 avril 2012, GISTI et FAPIL, Rec. 142, n° 322326. Peut ainsi être reconnue d’effet direct, une stipulation qui n’a « pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et ne requiert l’intervention d’aucun acte complémentaire pour produire des effets à l’égard des particuliers ». Voir G. della Cananéa, op.cit. note 10, p. 796.

[14]CJCE, 15 juillet 1964, Costa c. ENEL, aff. 6/64.

[15]CJCE, 5 février 1963, Van Gend en Loos, aff. 26/62.

[16]J-F. Spitz, op.cit. note 9, pp. 6-7.

[17]Voir, par exemple, l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'Homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression ».

[18]J. Chevallier, op.cit. note 2, p. 102.

[19]Adaptation libre des propos du général de Gaulle dans ses Mémoires de guerre : pour de Gaulle, l’État doit être conçu  « non point comme il l’était hier et comme les partis voudraient qu’il le redevienne, une juxtaposition d’intérêts particuliers d’où ne peuvent sortir jamais que de faibles compromis, mais bien une institution de décision, d’action, d’ambition, n’exprimant et ne servant que l’intérêt national » (Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, Plon, Tome 3, chapitre « L’ordre »).

[20]Cicéron, De Republica, Livre I, 25.

[21]Article de L. de Jaucourt, « L’État »,  dans  L’Encyclopédie de Diderot.

[22]Voir, notamment, F. Melleray (dir), L’exorbitance du droit administratif en questions, LGDJ, 2004.

[23]J. Chevallier, op.cit. note 2, p. 54.

[24] Voir notamment la loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 qui a donné lieu à une vaste consultation du public. Voir également la consultation numérique sur le choix du nom de la nouvelle région issue de la fusion des régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. La décision rendue par le Conseil d’État au sujet de cette procédure défini les principes directeurs qui doivent assurer la loyauté et la sincérité de telles consultations (CE Ass., 19 juillet 2017, Association citoyenne pour Occitanie Pays Catalan, n° 403928).

[25]Etude annuelle 2017 du Conseil d’État, Puissance publique et plateformes numériques : accompagner « l’ubérisation », La Documentation française, p. 91.

[26]Rapport Pour que vive la fraternité. Propositions pour une réserve citoyenne, remis au Président de la République par Claude Onesta et Jean-Marc Sauvé en juillet 2015

[27]Rapport de N. Notat et J-D. Senard, L’entreprise, objet d’intérêt collectif, remisaux ministres de la transition écologique et solidaire, de la justice, de l’économie et des finances et du travail, le 9 mars 2018.

[28]Etude annuelle du Conseil d’État 2013, Le droit souple, La Documentation française, p. 87.

[29]Etude annuelle du Conseil d’État 2013, op.cit. note 27.

[30]Accord de Paris sur le climat, 12 décembre 2015.

[31] Voir, notamment, les accords dits de « Bâle III » qui imposent aux banques de détenir un minimum de capitaux propres pour garantir leur stabilité financière ou le Mécanisme européen de stabilité créé en 2012 au sein de la zone Euro.

[32]Voir, pour le droit de l’Union européenne, l’article 5 du Traité sur l’Union européenne et, pour le droit de la Convention européenne des droits de l’homme les arrêts CEDH ass. plén., 23 juillet 1968, Affaire « linguistique belge », aff. n° 1474/62, pt. 10 ; CEDH plén., 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni, aff. n° 5493/72, pt. 48.

[33]Article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

[34]Par la technique de l’interprétation conforme, le juge national s’assure que les règles internes sont interprétées conformément aux règles et principes du droit de l’Union. Voir, par exemple, CE, 14 mai 2010, Rujovic, n° 312305 et CC, 12 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, n° 2010-605 DC au sujet de la conformité de la QPC au droit de l’Union européenne. La procédure de QPC a aussi été jugée conforme au droit de l’Union européenne par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE, 22 juin 2010, Melki et Abdeli, aff. C-188/10 et C-189/10).

[35]La technique de « l’équivalence de protection » contribue à prévenir les contradictions éventuelles entre les garanties nationales et européennes des droits, en faisant primer sur une logique de hiérarchie des ordres juridiques celle de la nécessaire protection des droits fondamentaux (CEDH, 30 juin 2005, Bosphorus Airways c/ Irlande, n° 45036/98 ; CE Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, n° 287110 ; Cour constitutionnelle allemande, 29 mai 1974, Solange I ; 22 octobre 1986, Solange II ; 7 juin 2000, Solange III).

[36]La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », tire les conséquences de pratiques promues par l’OCDE et plusieurs de ses États membres en permettant d’appliquer la loi française à des personnes étrangères exerçant tout ou partie de leur activité en France et s’étant rendues coupables de faits de corruption (Art. 21). Cette loi instaure également un mécanisme de transaction pénale sans reconnaissance préalable de culpabilité pour les faits de corruption (Art. 22).