Intervention lors du colloque organisé par le Conseil d’État et le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, le 1er octobre 2010 ayant pour thème : que change la loi « Grenelle 2 » ? Les apports juridiques de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
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Que change la loi « Grenelle 2 » ?
Les apports juridiques de la loi du 12 juillet 2010
portant engagement national pour l’environnement
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Colloque organisé par le Conseil d’Etat et
le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
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Ecole nationale d’administration
Vendredi 1er octobre 2010
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Intervention de Jean-Marc Sauvé[1]
vice-président du Conseil d’Etat
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Mesdames, Messieurs,
Mes chers collègues,
L’organisation d’un colloque ayant pour thème la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement[2], dite loi « Grenelle 2 », seulement deux mois et demi après sa publication au Journal officiel et alors même que cette loi n’a pas encore commencé à produire tous ses effets, est une démarche qui, à certains égards, pourrait paraître singulière.
Cette singularité, pourtant, procède directement des caractéristiques même de cette loi, qui en font un instrument juridique comparable à peu d’autres dans notre ordre juridique.
La première des caractéristiques de la loi « Grenelle 2 » tient à l’ambition globale qu’elle a vocation à traduire dans les faits, à savoir créer une nouvelle « économie écologique » et apporter une réponse d’ensemble à « la dégradation de l’état de notre planète », dont l’exposé des motifs de la loi « Grenelle 1 » s’était fait l’écho[3]. L’objet de la loi « Grenelle 2 » est ainsi de poursuivre, selon une logique d’ensemble, la construction de ce droit encore en gestation qu’est le droit de l’environnement.
La seconde caractéristique de la loi Grenelle 2 tient à la dimension qu’a prise la concrétisation de cette ambition. Cette dimension se traduit par le nombre important des activités humaines impactées par la loi – dont l’intitulé des six titres[4] permet de prendre la mesure-. Cette dimension se traduit aussi par l’importance et la profondeur des changements induits par cette loi, qui peuvent être appréciés par le simple rappel de chiffres qui ont déjà été plusieurs fois mentionnés : la loi « Grenelle 2 », dont la publication des 257 articles a nécessité 124 pages dans la version électronique du Journal officiel[5] et dont l’application demandera sans doute plus d’une centaine de décrets[6] –le chiffre de 180 a même été évoqué[7]- modifie de manière substantielle pas moins de 34 codes[8].
Ces deux caractéristiques de la loi « Grenelle 2 » expliquent aussi les raisons pour lesquelles la juridiction administrative s’est engagée sur la voie d’une association avec le ministère de l’écologie pour l’organisation de cet événement.
Le droit de l’environnement, que la loi a pour ambition d’enrichir et de faire évoluer, est en effet un droit qui relève en propre de la chose publique et à la construction duquel, par nature, la juridiction administrative participe activement (I).
Cette dernière a donc pour responsabilité de contribuer à l’appropriation de cette loi par l’ensemble des acteurs chargés de son application (II).
I. Le droit de l’environnement est un droit qui relève en propre de la chose publique et à la construction duquel, par nature, la juridiction administrative participe activement.
Si des incertitudes demeurent sur le périmètre exact du champ du droit de l’environnement[9], l’objectif de protection de l’environnement ou, plus exactement, celui de développement durable qui est au cœur de la loi « Grenelle 2 » est un objectif qui est inhérent à la chose publique, qui lui est même consubstantiel : par sa nature même et par sa dimension globale, il dépasse en effet les intérêts particuliers immédiats au profit d’une vision d’ensemble et sur le long terme de l’humanité. L’objectif de développement durable n’est donc pas l’affaire des seuls particuliers. Il engage la puissance publique, tous les pouvoirs publics, et la société dans son ensemble.
Cette dimension globale – qui relève de la conception volontariste de la notion d’intérêt général-, est particulièrement visible dans les grands textes nationaux et internationaux qui ont trait à la protection de l’environnement ou même, plus largement, aux droits fondamentaux. L’on peut penser à cet égard, notamment, à la Charte de l’environnement de 2004, qui rappelle que « l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains », mais aussi à la Convention de Rio[10] ou à la Convention d’Aarhus[11], qui contiennent des dispositions similaires. La Cour européenne des droits de l’homme rattache également l’impératif de protection des personnes contre certaines atteintes portées à l’environnement aux droits fondamentaux protégés par la Convention[12].
Le droit de l’environnement et l’objectif de développement durable sont ainsi l’expression d’un « enjeu global »[13], qui dépasse les intérêts particuliers et relève donc, en propre, de la mise en œuvre de l’intérêt général, dans la conception volontariste de cette notion que vise à exprimer et protéger le droit public. Le droit de l’environnement est donc un droit public par son objet.
Il est aussi un droit public par ses méthodes de création et les principes qui guident son application. Il est en effet un « droit de l’agora » ou, à tout le moins, un droit dans lequel les principes de transparence et de participation du public occupent une place fondamentale. La loi Grenelle 2 elle-même, qui est le fruit d’une importante concertation menée entre les différents acteurs, publics ou privés, concernés par la protection de l’environnement en est un exemple, tout comme le sont également les mesures qu’elle met en œuvre, dont certaines ont vocation à traduire de manière plus complète et plus effective le principe de participation du public inscrit à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Ce dernier article, qui assigne aux politiques publiques l’objectif de concilier « la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social », témoigne également de ce que la mise en œuvre du droit de l’environnement en appelle à des méthodes qui sont à bien des égards caractéristiques du droit public. L’on peut penser en particulier à celle qui vise à concilier entre eux plusieurs intérêts publics ou des intérêts publics et des intérêts privés.
Très naturellement, la juridiction administrative prend donc une part active à la construction du droit de l’environnement.
Dans ses formations consultatives, le Conseil d’Etat participe à l’élaboration de ce droit. Les avis qu’il rend sur les textes qui lui sont soumis –comme sur les lois Grenelle 1 ou 2- contribuent notamment à la définition des principales notions du droit de l’environnement, comme par exemple la notion de « décision publique ayant une incidence sur l’environnement » qui figure à l’article 7 de la Charte[14]. Le Conseil d’Etat s’efforce de donner à ces notions la portée large qui se déduit de leur lien avec le droit de l’environnement, tout en conciliant cette portée avec les nécessités de la mise en œuvre concrète de l’action publique[15].
La juridiction administrative prend aussi une part active à la réflexion d’ensemble sur le droit de l’environnement et ses évolutions. Les considérations générales du rapport public de cette année constituent ainsi un document de référence qui analyse sur le long terme et dans sa globalité le droit de l’eau. Le colloque d’aujourd’hui témoigne d’une même orientation, tout comme l’organisation d’un nouveau cycle des conférences du Conseil d’Etat sur le thème de la démocratie environnementale, dont la première se tiendra le 17 novembre prochain. L’organisation d’un colloque sur l’eau en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental participe de cette même volonté de réflexion et de débat avec l’ensemble des acteurs du droit de l’environnement. Cet événement se tiendra au Palais d’Iéna le 19 janvier 2011.
Au travers de ses activités contentieuses, la juridiction administrative contribue également de manière active à la création et à l’application du droit de l’environnement. Elle a ainsi commencé à préciser la portée et les conditions d’application des principes nouveaux dont ce droit est le vecteur. Tel est le sens de la décision d’Assemblée Commune d’Annecy du 3 octobre 2008, sur les articles 3 et 7 de la Charte de l’environnement ou de la décision du 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », à propos des antennes-relais. Cette dernière décision a précisé la portée du principe de précaution, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2008[16]. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes qui a reconnu la responsabilité de l’Etat dans la pollution par les algues vertes montre également la contribution qu’apporte la juridiction administrative à la définition des obligations qui pèsent sur les collectivités publiques en matière de protection de l’environnement.
II. Il est donc de la responsabilité de la juridiction administrative de contribuer à l’appropriation de la loi « Grenelle 2 » par l’ensemble des acteurs chargés de son application.
A la fois du fait de l’ampleur de son ambition, mais aussi de la globalité de son champ d’action et par l’importance des innovations qu’elle apporte, la loi « Grenelle 2 » est, plus encore que d’autres, une loi qui nécessite un processus d’appropriation par ceux qui ont la charge de l’appliquer, au premier chef, les collectivités publiques, mais aussi les juges, administratif et judiciaire et, bien évidemment, le corps social dans son ensemble –entreprises, associations et citoyens–.
Le présent colloque contribue à cette dynamique d’appropriation en s’efforçant d’atteindre deux objectifs.
Le premier de ces objectifs est de restituer l’intelligence de la loi. Cela a été évoqué : la loi « Grenelle 2 », est une loi dense, riche et, à bien des égards, foisonnante et technique. Pourtant les dimensions du texte ne doivent pas faire oublier que cette loi est fondée sur une logique et sur des grandes dynamiques, autour desquelles ce colloque est, justement, structuré. La vocation globale de la loi « Grenelle 2 » est ainsi restituée par le thème des quatre tables rondes, qui vont permettre d’envisager à la fois la dimension transversale du texte – au travers des évolutions qu’il apporte en matière de gouvernance et responsabilité-, mais aussi sa dimension sectorielle. Quant aux instruments de la politique de développement durable créés par la loi, ils ont vocation à être présentés et appréciés au sein de chaque table ronde. Il en va ainsi des nouveaux régimes de police administrative que crée la loi ou des nouvelles compétences qu’elle confie aux acteurs du développement durable [17]. Il en va de même des nouveaux documents de planification - comme la trame verte et la trame bleue[18]-. Seront également présentés les différents dispositifs d’incitation ou d’orientation que contient le texte, tels que, par exemple, la nouvelle obligation qui pèse sur les entreprises, de présenter un bilan social et environnemental contenant des informations sur leurs engagements en faveur du développement durable[19].
Restituer l’intelligence de la loi, c’est aussi analyser la portée et les effets de la traduction qu’elle donne aux objectifs qui lui sont assignés. Comment cette loi s’articule-t-elle avec les autres législations dont la vocation est également la protection de l’environnement[20] ? Les évolutions apportées par la loi en matière de simplification et d’harmonisation des procédures de consultation du public permettent-elles de garantir une participation effective des citoyens qui soit conforme au principe posé par l’article 7 de la Charte de l’environnement ? Quels sont les effets de cette participation accrue du public sur le processus décisionnel de l’administration ? Les nouveaux outils juridiques créés permettent-ils d’opérer une conciliation suffisamment réelle et solide entre des intérêts –à bien des égards divergents- qu’ils ont vocation à satisfaire ?
Le second objectif de ce colloque est de contribuer à une réflexion approfondie sur la mise en œuvre concrète des dispositions de la loi « Grenelle 2 ». Il s’agit ainsi, notamment, d’envisager des pistes d’interprétation de cette loi qui favoriseront sa bonne insertion dans son environnement juridique. Les débats d’aujourd’hui pourront évoquer l’articulation de la loi avec le droit international, en analysant par exemple sa conformité au droit de l’Union – avec le paquet climat énergie ou la directive du 27 juin 1985[21] par exemple- ou aux autres conventions internationales. En ce qui concerne l’environnement juridique national de la loi, la question se pose plus particulièrement de l’articulation et de l’harmonisation entre les nouveaux documents de planification qu’elle crée et les documents existants qu’elle renouvelle.
Alors que les décrets d’application et les ordonnances sont en cours d’élaboration, ce colloque a également vocation à prolonger la concertation qui a conduit à l’adoption de la loi, concertation qui s’est incarnée dans le « Grenelle de l’environnement ». Ce colloque rassemble en effet les principaux acteurs, publics ou privés qui, à des degrés divers, seront chargés de l’appliquer. Leurs échanges permettront de contribuer à la concrétisation et à la mise en œuvre efficace des objectifs poursuivis par la loi. Le but de ce colloque est donc, non seulement de concourir à l’amélioration de la prise de décision publique et de son application, mais aussi, bien sûr, de participer à la recherche d’une meilleure qualité de la justice rendue en matière environnementale.
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* *
Je remercie donc tout particulièrement M. Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, de nous avoir fait l’honneur et le plaisir d’ouvrir ce colloque et d’avoir bien voulu associer son ministère à son organisation. Je remercie également chacun des intervenants des quatre tables rondes pour leur contribution active, de même que Madame le président Hagelsteen, qui assurera la présidence des deux premières tables, ainsi que Madame le professeur Morand-Deviller qui présidera celles de cet après-midi et qui a accepté de clore cette journée. Je salue et remercie également l’ENA, qui nous accueille aujourd’hui. Je remercie, enfin, la section du rapport et des études du Conseil d’Etat qui a organisé cet évènement et je forme le vœu que les travaux de ce jour soient féconds et puissent conduire à approfondir notre réflexion sur le droit de l’environnement et sur les apports de la loi du 12 juillet 2010.
[1]Texte écrit en collaboration avec M. Timothée Paris, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
[2]Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
[3]Voir sur ce point l’exposé des motifs du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
[4]Bâtiments et urbanisme (Titre Ier), transports (Titre II), énergie et climat (Titre III), biodiversité (titre IV), risques, santé, déchets (Titre V), gouvernance (Titre VI).
[5]Journal officiel de la République française du 13 juillet 2010.
[6]Ce chiffre est évoqué par P. Billet, « Grenelle II de l’environnement : les principales mesures », La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 29, 19 juillet 2010, §58.
[7]Ce chiffre est évoqué par Y. Jégouzo, « La loi Grenelle II (première partie), AJDA 20 septembre 2010, p. 1685.
[8]Ce chiffre est évoqué par B. Berger, D. Courilleau et M.-P. Maître, In « Grenelle II : l’impact sur les entreprises », Environnement et développement durable, août-septembre 2010, p. 11.
[9]Voir par ex J. de Lanversin, « Contribution du juge au développement du droit de l’environnement », Mélanges M. Waline, Le juge et le droit public, t. II, 1974, p. 519 : « le mot [environnement] …correspond à une idée relativement claire dans son noyau central et imparfaitement précise dans ses contours ».
[10]La Convention de Rio, ouverte à la signature le 25 juin 1992, a ainsi affirmé que « la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune de l’humanité ».
[11]Cette convention signée le 25 juin 1998 affirme par exemple « qu'une protection adéquate de l'environnement est essentielle au bien-être de l'homme ainsi qu'à la jouissance des droits fondamentaux, y compris du droit à la vie lui-même ».
[12]Voir par exemple CEDH 3ème sect 30 mars 2010, Bacila c/ Roumanie : « La Cour rappelle que des atteintes graves à l'environnement peuvent affecter le bien-être des personnes et les priver de la jouissance de leur domicile de manière à nuire à leur vie privée et familiale / Par ailleurs, elle souligne que l'article 8 ne se borne pas à astreindre l'Etat à s'abstenir d'ingérences arbitraires de la part des pouvoirs publics : à cet engagement plutôt négatif peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale. En tout état de cause, que l'on aborde la question sous l'angle de l'obligation positive de l'Etat d'adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits de l'individu en vertu du premier paragraphe de l'article 8, ou sous celui d'une ingérence d'une autorité publique, à justifier selon le second paragraphe, les principes applicables sont assez voisins / Il y a, avant tout, pour les Etats, notamment dans le cas d'une activité dangereuse, une obligation positive de mettre en place une réglementation adaptée aux spécificités de ladite activité, notamment au niveau du risque qui pourrait en résulter. Cette obligation doit régir l'autorisation, la mise en fonctionnement, l'exploitation, la sécurité et le contrôle de l'activité en question, ainsi qu'imposer à toute personne concernée par celle-ci l'adoption de mesures d'ordre pratique propres à assurer la protection effective des citoyens dont la vie risque d'être exposée aux dangers inhérents au domaine en cause ». Voir également CEDH López Ostra c. Espagne, 9 décembre 1994, § 51, série A no 303-C et Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1998-I.
[13]Selon le titre d’un article de F.-G. Trébulle, Le développement durable, un enjeu global, In Cahiers de droit de l’entreprise n°3, mai 2010, dossier 12.
[14] Cette notion de « décision publique est ainsi interprétée, conformément à la lettre et à l’esprit de la Charte de l’environnement, à la fois de manière large, puisqu’elle englobe toutes les décisions, réglementaires ou non, mais aussi de manière pragmatique, puisqu’elle n’inclut pas les textes à vocation uniquement procédurale. N’est ainsi pas regardé comme une décision publique ayant une incidence sur l’environnement le décret pris pour l’application de l’article L. 123-1 du code de l’environnement, qui précise suffisamment les règles applicables à la définition des seuils et critères techniques servant à identifier les opérations devant être précédées d’une enquête publique, ni une ordonnance qui se borne à mettre en place des procédures coercitives et des sanctions pour assurer l’effectivité de dispositions substantielles préexistantes, résultant du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets. En revanche, sont regardées comme des décisions pour lesquelles la consultation du public est nécessaire celles qui ont un impact direct sur l’environnement : l’Assemblée générale a ainsi admis que les arrêtés ministériels fixant les prescriptions générales applicables aux différentes catégories d’installations classées et les décrets de nomenclature, qui en fixent le champ, sont des décisions au sens de l’article 7. De même, les décisions du préfet délivrant l’enregistrement des ICPE, comme les décisions d’autorisation pour les installations qui y sont soumises, constituent des décisions relevant de l’article 7. (Voir sur ce point le rapport d’activité 2010 du Conseil d’Etat, p. 93 et sq.).
[15]La définition des principes qui guident les modalités de consultation du public procède également d’une même logique : le Conseil d’Etat a ainsi défini la nécessaire adaptation des modalités de consultation du public à la nature des décisions concernées. Il considère par exemple qu’en principe, la consultation d’une instance dont la composition assure la représentation adéquate du public concerné par une décision pourrait satisfaire aux obligations de la charte, à condition que le législateur exprime clairement ce choix et en définisse les modalités. Ainsi, en ce qui concerne les décrets de nomenclature et les arrêtés ministériels de prescriptions générales se rapportant aux installations classées pour la protection de l’environnement, il a admis que la publication des projets de décret, dans des conditions permettant au public de faire des observations, avant la consultation du Conseil supérieur des installations classées, satisfaisait à l’obligation posée par l’article 7 de la charte.
[16]CC, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
[17]Par exemple le régime général de police administrative que met en place la loi pour assurer le respect des prescriptions administratives environnementales qui doivent désormais figurer dans la décision d’autorisation du projet, mais aussi les nouvelles prérogatives attribuées en matière de gestion de l’eau aux collectivités territoriales, syndicats mixtes et agences de l’eau. V. notamment article 164 de la loi qui modifie l’article L. 1321-2 du code de la santé publique.
[18]Article 121 de la loi, nouveau titre VII du livre III du code de l’environnement. Seront aussi présentés les différents documents de planification que crée la loi ou qu’elle fait évoluer qui visent à protéger le maillage écologique du territoire en prenant en considération les activités humaines, aux plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement des espèces protégées (Article 129 de la loi, articles Art. L. 414-9 du code de l’environnement), aux directives territoriales d’aménagement et de développement durable (Article 13 de la loi, chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme) ou encore aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (article 68 de la loi, section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code de l'environnement).
[19]Article 225 de la loi, article L. 225-102-1 du code de commerce. L’on peut également penser aux nouvelles obligations en matière d’isolation thermique ou d’études énergétiques (Voir sur ce point le chapitre Ier du titre Ier de la loi, consacré à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments).
[20]La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, par exemple contient aussi d’importantes évolutions en matière de développement durable, tout comme la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. L’on peut aussi penser à la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés ou a celle du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale.
[21]Directive n° 85/337/CEE du 27/06/85 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement
Que change la loi « Grenelle 2 » ?
Les apports juridiques de la loi du 12 juillet 2010
portant engagement national pour l’environnement
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Colloque organisé par le Conseil d’Etat et
le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat
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Ecole nationale d’administration
Vendredi 1er octobre 2010
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Intervention de Jean-Marc Sauvé[1]
vice-président du Conseil d’Etat
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Mesdames, Messieurs,
Mes chers collègues,
L’organisation d’un colloque ayant pour thème la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement[2], dite loi « Grenelle 2 », seulement deux mois et demi après sa publication au Journal officiel et alors même que cette loi n’a pas encore commencé à produire tous ses effets, est une démarche qui, à certains égards, pourrait paraître singulière.
Cette singularité, pourtant, procède directement des caractéristiques même de cette loi, qui en font un instrument juridique comparable à peu d’autres dans notre ordre juridique.
La première des caractéristiques de la loi « Grenelle 2 » tient à l’ambition globale qu’elle a vocation à traduire dans les faits, à savoir créer une nouvelle « économie écologique » et apporter une réponse d’ensemble à « la dégradation de l’état de notre planète », dont l’exposé des motifs de la loi « Grenelle 1 » s’était fait l’écho[3]. L’objet de la loi « Grenelle 2 » est ainsi de poursuivre, selon une logique d’ensemble, la construction de ce droit encore en gestation qu’est le droit de l’environnement.
La seconde caractéristique de la loi Grenelle 2 tient à la dimension qu’a prise la concrétisation de cette ambition. Cette dimension se traduit par le nombre important des activités humaines impactées par la loi – dont l’intitulé des six titres[4] permet de prendre la mesure-. Cette dimension se traduit aussi par l’importance et la profondeur des changements induits par cette loi, qui peuvent être appréciés par le simple rappel de chiffres qui ont déjà été plusieurs fois mentionnés : la loi « Grenelle 2 », dont la publication des 257 articles a nécessité 124 pages dans la version électronique du Journal officiel[5] et dont l’application demandera sans doute plus d’une centaine de décrets[6] –le chiffre de 180 a même été évoqué[7]- modifie de manière substantielle pas moins de 34 codes[8].
Ces deux caractéristiques de la loi « Grenelle 2 » expliquent aussi les raisons pour lesquelles la juridiction administrative s’est engagée sur la voie d’une association avec le ministère de l’écologie pour l’organisation de cet événement.
Le droit de l’environnement, que la loi a pour ambition d’enrichir et de faire évoluer, est en effet un droit qui relève en propre de la chose publique et à la construction duquel, par nature, la juridiction administrative participe activement (I).
Cette dernière a donc pour responsabilité de contribuer à l’appropriation de cette loi par l’ensemble des acteurs chargés de son application (II).
I. Le droit de l’environnement est un droit qui relève en propre de la chose publique et à la construction duquel, par nature, la juridiction administrative participe activement.
Si des incertitudes demeurent sur le périmètre exact du champ du droit de l’environnement[9], l’objectif de protection de l’environnement ou, plus exactement, celui de développement durable qui est au cœur de la loi « Grenelle 2 » est un objectif qui est inhérent à la chose publique, qui lui est même consubstantiel : par sa nature même et par sa dimension globale, il dépasse en effet les intérêts particuliers immédiats au profit d’une vision d’ensemble et sur le long terme de l’humanité. L’objectif de développement durable n’est donc pas l’affaire des seuls particuliers. Il engage la puissance publique, tous les pouvoirs publics, et la société dans son ensemble.
Cette dimension globale – qui relève de la conception volontariste de la notion d’intérêt général-, est particulièrement visible dans les grands textes nationaux et internationaux qui ont trait à la protection de l’environnement ou même, plus largement, aux droits fondamentaux. L’on peut penser à cet égard, notamment, à la Charte de l’environnement de 2004, qui rappelle que « l’environnement est le patrimoine commun des êtres humains », mais aussi à la Convention de Rio[10] ou à la Convention d’Aarhus[11], qui contiennent des dispositions similaires. La Cour européenne des droits de l’homme rattache également l’impératif de protection des personnes contre certaines atteintes portées à l’environnement aux droits fondamentaux protégés par la Convention[12].
Le droit de l’environnement et l’objectif de développement durable sont ainsi l’expression d’un « enjeu global »[13], qui dépasse les intérêts particuliers et relève donc, en propre, de la mise en œuvre de l’intérêt général, dans la conception volontariste de cette notion que vise à exprimer et protéger le droit public. Le droit de l’environnement est donc un droit public par son objet.
Il est aussi un droit public par ses méthodes de création et les principes qui guident son application. Il est en effet un « droit de l’agora » ou, à tout le moins, un droit dans lequel les principes de transparence et de participation du public occupent une place fondamentale. La loi Grenelle 2 elle-même, qui est le fruit d’une importante concertation menée entre les différents acteurs, publics ou privés, concernés par la protection de l’environnement en est un exemple, tout comme le sont également les mesures qu’elle met en œuvre, dont certaines ont vocation à traduire de manière plus complète et plus effective le principe de participation du public inscrit à l’article 7 de la Charte de l’environnement.
Ce dernier article, qui assigne aux politiques publiques l’objectif de concilier « la protection et la mise en valeur de l'environnement, le développement économique et le progrès social », témoigne également de ce que la mise en œuvre du droit de l’environnement en appelle à des méthodes qui sont à bien des égards caractéristiques du droit public. L’on peut penser en particulier à celle qui vise à concilier entre eux plusieurs intérêts publics ou des intérêts publics et des intérêts privés.
Très naturellement, la juridiction administrative prend donc une part active à la construction du droit de l’environnement.
Dans ses formations consultatives, le Conseil d’Etat participe à l’élaboration de ce droit. Les avis qu’il rend sur les textes qui lui sont soumis –comme sur les lois Grenelle 1 ou 2- contribuent notamment à la définition des principales notions du droit de l’environnement, comme par exemple la notion de « décision publique ayant une incidence sur l’environnement » qui figure à l’article 7 de la Charte[14]. Le Conseil d’Etat s’efforce de donner à ces notions la portée large qui se déduit de leur lien avec le droit de l’environnement, tout en conciliant cette portée avec les nécessités de la mise en œuvre concrète de l’action publique[15].
La juridiction administrative prend aussi une part active à la réflexion d’ensemble sur le droit de l’environnement et ses évolutions. Les considérations générales du rapport public de cette année constituent ainsi un document de référence qui analyse sur le long terme et dans sa globalité le droit de l’eau. Le colloque d’aujourd’hui témoigne d’une même orientation, tout comme l’organisation d’un nouveau cycle des conférences du Conseil d’Etat sur le thème de la démocratie environnementale, dont la première se tiendra le 17 novembre prochain. L’organisation d’un colloque sur l’eau en partenariat avec le Conseil économique, social et environnemental participe de cette même volonté de réflexion et de débat avec l’ensemble des acteurs du droit de l’environnement. Cet événement se tiendra au Palais d’Iéna le 19 janvier 2011.
Au travers de ses activités contentieuses, la juridiction administrative contribue également de manière active à la création et à l’application du droit de l’environnement. Elle a ainsi commencé à préciser la portée et les conditions d’application des principes nouveaux dont ce droit est le vecteur. Tel est le sens de la décision d’Assemblée Commune d’Annecy du 3 octobre 2008, sur les articles 3 et 7 de la Charte de l’environnement ou de la décision du 19 juillet 2010, Association du quartier « Les Hauts de Choiseul », à propos des antennes-relais. Cette dernière décision a précisé la portée du principe de précaution, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel du 19 juin 2008[16]. L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes qui a reconnu la responsabilité de l’Etat dans la pollution par les algues vertes montre également la contribution qu’apporte la juridiction administrative à la définition des obligations qui pèsent sur les collectivités publiques en matière de protection de l’environnement.
II. Il est donc de la responsabilité de la juridiction administrative de contribuer à l’appropriation de la loi « Grenelle 2 » par l’ensemble des acteurs chargés de son application.
A la fois du fait de l’ampleur de son ambition, mais aussi de la globalité de son champ d’action et par l’importance des innovations qu’elle apporte, la loi « Grenelle 2 » est, plus encore que d’autres, une loi qui nécessite un processus d’appropriation par ceux qui ont la charge de l’appliquer, au premier chef, les collectivités publiques, mais aussi les juges, administratif et judiciaire et, bien évidemment, le corps social dans son ensemble –entreprises, associations et citoyens–.
Le présent colloque contribue à cette dynamique d’appropriation en s’efforçant d’atteindre deux objectifs.
Le premier de ces objectifs est de restituer l’intelligence de la loi. Cela a été évoqué : la loi « Grenelle 2 », est une loi dense, riche et, à bien des égards, foisonnante et technique. Pourtant les dimensions du texte ne doivent pas faire oublier que cette loi est fondée sur une logique et sur des grandes dynamiques, autour desquelles ce colloque est, justement, structuré. La vocation globale de la loi « Grenelle 2 » est ainsi restituée par le thème des quatre tables rondes, qui vont permettre d’envisager à la fois la dimension transversale du texte – au travers des évolutions qu’il apporte en matière de gouvernance et responsabilité-, mais aussi sa dimension sectorielle. Quant aux instruments de la politique de développement durable créés par la loi, ils ont vocation à être présentés et appréciés au sein de chaque table ronde. Il en va ainsi des nouveaux régimes de police administrative que crée la loi ou des nouvelles compétences qu’elle confie aux acteurs du développement durable [17]. Il en va de même des nouveaux documents de planification - comme la trame verte et la trame bleue[18]-. Seront également présentés les différents dispositifs d’incitation ou d’orientation que contient le texte, tels que, par exemple, la nouvelle obligation qui pèse sur les entreprises, de présenter un bilan social et environnemental contenant des informations sur leurs engagements en faveur du développement durable[19].
Restituer l’intelligence de la loi, c’est aussi analyser la portée et les effets de la traduction qu’elle donne aux objectifs qui lui sont assignés. Comment cette loi s’articule-t-elle avec les autres législations dont la vocation est également la protection de l’environnement[20] ? Les évolutions apportées par la loi en matière de simplification et d’harmonisation des procédures de consultation du public permettent-elles de garantir une participation effective des citoyens qui soit conforme au principe posé par l’article 7 de la Charte de l’environnement ? Quels sont les effets de cette participation accrue du public sur le processus décisionnel de l’administration ? Les nouveaux outils juridiques créés permettent-ils d’opérer une conciliation suffisamment réelle et solide entre des intérêts –à bien des égards divergents- qu’ils ont vocation à satisfaire ?
Le second objectif de ce colloque est de contribuer à une réflexion approfondie sur la mise en œuvre concrète des dispositions de la loi « Grenelle 2 ». Il s’agit ainsi, notamment, d’envisager des pistes d’interprétation de cette loi qui favoriseront sa bonne insertion dans son environnement juridique. Les débats d’aujourd’hui pourront évoquer l’articulation de la loi avec le droit international, en analysant par exemple sa conformité au droit de l’Union – avec le paquet climat énergie ou la directive du 27 juin 1985[21] par exemple- ou aux autres conventions internationales. En ce qui concerne l’environnement juridique national de la loi, la question se pose plus particulièrement de l’articulation et de l’harmonisation entre les nouveaux documents de planification qu’elle crée et les documents existants qu’elle renouvelle.
Alors que les décrets d’application et les ordonnances sont en cours d’élaboration, ce colloque a également vocation à prolonger la concertation qui a conduit à l’adoption de la loi, concertation qui s’est incarnée dans le « Grenelle de l’environnement ». Ce colloque rassemble en effet les principaux acteurs, publics ou privés qui, à des degrés divers, seront chargés de l’appliquer. Leurs échanges permettront de contribuer à la concrétisation et à la mise en œuvre efficace des objectifs poursuivis par la loi. Le but de ce colloque est donc, non seulement de concourir à l’amélioration de la prise de décision publique et de son application, mais aussi, bien sûr, de participer à la recherche d’une meilleure qualité de la justice rendue en matière environnementale.
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Je remercie donc tout particulièrement M. Borloo, ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, de nous avoir fait l’honneur et le plaisir d’ouvrir ce colloque et d’avoir bien voulu associer son ministère à son organisation. Je remercie également chacun des intervenants des quatre tables rondes pour leur contribution active, de même que Madame le président Hagelsteen, qui assurera la présidence des deux premières tables, ainsi que Madame le professeur Morand-Deviller qui présidera celles de cet après-midi et qui a accepté de clore cette journée. Je salue et remercie également l’ENA, qui nous accueille aujourd’hui. Je remercie, enfin, la section du rapport et des études du Conseil d’Etat qui a organisé cet évènement et je forme le vœu que les travaux de ce jour soient féconds et puissent conduire à approfondir notre réflexion sur le droit de l’environnement et sur les apports de la loi du 12 juillet 2010.
[1] Texte écrit en collaboration avec M. Timothée Paris, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’Etat.
[2] Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement.
[3] Voir sur ce point l’exposé des motifs du projet de loi de programme relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement.
[4] Bâtiments et urbanisme (Titre Ier), transports (Titre II), énergie et climat (Titre III), biodiversité (titre IV), risques, santé, déchets (Titre V), gouvernance (Titre VI).
[5] Journal officiel de la République française du 13 juillet 2010.
[6] Ce chiffre est évoqué par P. Billet, « Grenelle II de l’environnement : les principales mesures », La Semaine juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 29, 19 juillet 2010, §58.
[7] Ce chiffre est évoqué par Y. Jégouzo, « La loi Grenelle II (première partie), AJDA 20 septembre 2010, p. 1685.
[8] Ce chiffre est évoqué par B. Berger, D. Courilleau et M.-P. Maître, In « Grenelle II : l’impact sur les entreprises », Environnement et développement durable, août-septembre 2010, p. 11.
[9] Voir par ex J. de Lanversin, « Contribution du juge au développement du droit de l’environnement », Mélanges M. Waline, Le juge et le droit public, t. II, 1974, p. 519 : « le mot [environnement] …correspond à une idée relativement claire dans son noyau central et imparfaitement précise dans ses contours ».
[10] La Convention de Rio, ouverte à la signature le 25 juin 1992, a ainsi affirmé que « la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune de l’humanité ».
[11] Cette convention signée le 25 juin 1998 affirme par exemple « qu'une protection adéquate de l'environnement est essentielle au bien-être de l'homme ainsi qu'à la jouissance des droits fondamentaux, y compris du droit à la vie lui-même ».
[12] Voir par exemple CEDH 3ème sect 30 mars 2010, Bacila c/ Roumanie : « La Cour rappelle que des atteintes graves à l'environnement peuvent affecter le bien-être des personnes et les priver de la jouissance de leur domicile de manière à nuire à leur vie privée et familiale / Par ailleurs, elle souligne que l'article 8 ne se borne pas à astreindre l'Etat à s'abstenir d'ingérences arbitraires de la part des pouvoirs publics : à cet engagement plutôt négatif peuvent s'ajouter des obligations positives inhérentes à un respect effectif de la vie privée ou familiale. En tout état de cause, que l'on aborde la question sous l'angle de l'obligation positive de l'Etat d'adopter des mesures raisonnables et adéquates pour protéger les droits de l'individu en vertu du premier paragraphe de l'article 8, ou sous celui d'une ingérence d'une autorité publique, à justifier selon le second paragraphe, les principes applicables sont assez voisins / Il y a, avant tout, pour les Etats, notamment dans le cas d'une activité dangereuse, une obligation positive de mettre en place une réglementation adaptée aux spécificités de ladite activité, notamment au niveau du risque qui pourrait en résulter. Cette obligation doit régir l'autorisation, la mise en fonctionnement, l'exploitation, la sécurité et le contrôle de l'activité en question, ainsi qu'imposer à toute personne concernée par celle-ci l'adoption de mesures d'ordre pratique propres à assurer la protection effective des citoyens dont la vie risque d'être exposée aux dangers inhérents au domaine en cause ». Voir également CEDH López Ostra c. Espagne, 9 décembre 1994, § 51, série A no 303-C et Guerra et autres c. Italie, 19 février 1998, § 60, Recueil des arrêts et décisions 1998-I.
[13] Selon le titre d’un article de F.-G. Trébulle, Le développement durable, un enjeu global, In Cahiers de droit de l’entreprise n°3, mai 2010, dossier 12.
[14] Cette notion de « décision publique est ainsi interprétée, conformément à la lettre et à l’esprit de la Charte de l’environnement, à la fois de manière large, puisqu’elle englobe toutes les décisions, réglementaires ou non, mais aussi de manière pragmatique, puisqu’elle n’inclut pas les textes à vocation uniquement procédurale. N’est ainsi pas regardé comme une décision publique ayant une incidence sur l’environnement le décret pris pour l’application de l’article L. 123-1 du code de l’environnement, qui précise suffisamment les règles applicables à la définition des seuils et critères techniques servant à identifier les opérations devant être précédées d’une enquête publique, ni une ordonnance qui se borne à mettre en place des procédures coercitives et des sanctions pour assurer l’effectivité de dispositions substantielles préexistantes, résultant du règlement (CE) no 1013/2006 du Parlement et du Conseil du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets. En revanche, sont regardées comme des décisions pour lesquelles la consultation du public est nécessaire celles qui ont un impact direct sur l’environnement : l’Assemblée générale a ainsi admis que les arrêtés ministériels fixant les prescriptions générales applicables aux différentes catégories d’installations classées et les décrets de nomenclature, qui en fixent le champ, sont des décisions au sens de l’article 7. De même, les décisions du préfet délivrant l’enregistrement des ICPE, comme les décisions d’autorisation pour les installations qui y sont soumises, constituent des décisions relevant de l’article 7. (Voir sur ce point le rapport d’activité 2010 du Conseil d’Etat, p. 93 et sq.).
[15] La définition des principes qui guident les modalités de consultation du public procède également d’une même logique : le Conseil d’Etat a ainsi défini la nécessaire adaptation des modalités de consultation du public à la nature des décisions concernées. Il considère par exemple qu’en principe, la consultation d’une instance dont la composition assure la représentation adéquate du public concerné par une décision pourrait satisfaire aux obligations de la charte, à condition que le législateur exprime clairement ce choix et en définisse les modalités. Ainsi, en ce qui concerne les décrets de nomenclature et les arrêtés ministériels de prescriptions générales se rapportant aux installations classées pour la protection de l’environnement, il a admis que la publication des projets de décret, dans des conditions permettant au public de faire des observations, avant la consultation du Conseil supérieur des installations classées, satisfaisait à l’obligation posée par l’article 7 de la charte.
[16] CC, décision n° 2008-564 DC du 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
[17] Par exemple le régime général de police administrative que met en place la loi pour assurer le respect des prescriptions administratives environnementales qui doivent désormais figurer dans la décision d’autorisation du projet, mais aussi les nouvelles prérogatives attribuées en matière de gestion de l’eau aux collectivités territoriales, syndicats mixtes et agences de l’eau. V. notamment article 164 de la loi qui modifie l’article L. 1321-2 du code de la santé publique.
[18] Article 121 de la loi, nouveau titre VII du livre III du code de l’environnement. Seront aussi présentés les différents documents de planification que crée la loi ou qu’elle fait évoluer qui visent à protéger le maillage écologique du territoire en prenant en considération les activités humaines, aux plans nationaux d’action pour la conservation ou le rétablissement des espèces protégées (Article 129 de la loi, articles Art. L. 414-9 du code de l’environnement), aux directives territoriales d’aménagement et de développement durable (Article 13 de la loi, chapitre III du titre Ier du livre Ier du code de l'urbanisme) ou encore aux schémas régionaux du climat, de l’air et de l’énergie (article 68 de la loi, section 1 du chapitre II du titre II du livre II du code de l'environnement).
[19] Article 225 de la loi, article L. 225-102-1 du code de commerce. L’on peut également penser aux nouvelles obligations en matière d’isolation thermique ou d’études énergétiques (Voir sur ce point le chapitre Ier du titre Ier de la loi, consacré à l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments).
[20] La loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, par exemple contient aussi d’importantes évolutions en matière de développement durable, tout comme la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. L’on peut aussi penser à la loi du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés ou a celle du 1er août 2008 relative à la responsabilité environnementale.
[21]Directiven° 85/337/CEE du 27/06/85 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement