Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
Discours
Passer la navigation de l'article pour arriver après Passer la navigation de l'article pour arriver avant
Passer le partage de l'article pour arriver après
Passer le partage de l'article pour arriver avant

Intervention de Jean-Marc Sauvé à l'Institut Portalis, Aix-en-Provence, Vendredi 17 mars 2017

<a href="/admin/content/location/52512"> Lien à reprendre : > télécharger au format pdf</a>

Le principe de proportionnalité, protecteur des libertés

Institut Portalis, Aix-en-Provence, Vendredi 17 mars 2017

Conférence de Jean-Marc Sauvé[1], vice-président du Conseil d’État

Monsieur le recteur de l’Académie d’Aix-Marseille,

Monsieur le doyen de la Faculté de droit,

Monsieur le directeur de l’Institut Portalis,

Madame le sénateur,

Mesdames et Messieurs les professeurs,

Mesdames les présidentes des juridictions administratives,

Mesdames et Messieurs,

Chers étudiants,

« La police ne doit pas tirer sur les moineaux à coups de canon »[2]. Cette expression imagée du principe de proportionnalité, que l’on doit au juriste allemand Fleiner, place au cœur de cette notion celles, associées, de mesure et d’harmonie. Dans nos esprits, la proportion renvoie à l’image du Parthénon d’Athènes ou de la « rue aux proportions idéales » de Saint-Petersbourg. Elle est en effet omniprésente en architecture, mais aussi en peinture ou en mathématiques. Le nombre d’or n’a-t-il pas été associé à l’idée d’une « divine proportion », celle qui permet d’atteindre, y compris en peinture, un idéal d’harmonie ? La proportion procède de l’idée de la mise en relation de plusieurs éléments ou ordres de données ou de grandeur plus ou moins antagonistes, en quête de cet idéal d’harmonie. En droit aussi, ces rapports de proportion existent et doivent être recherchés ou poursuivis. La relation entre l’individu et la société ou l’État n’est-elle pas celle d’un équilibre à atteindre entre les droits du premier et le service de l’intérêt général ? Plus encore, la proportion est, selon Aristote, la traduction du juste, dès lors que « le juste est un milieu entre des extrêmes qui, autrement, ne seraient plus en proportion »[3]. La proportionnalité est, par conséquent, un « mécanisme de pondération entre des principes juridiques de rang équivalent, simultanément applicables mais antinomiques »[4], qui s’affirme naturellement à la fois comme le garant des libertés individuelles et celui d’autres buts légitimes, comme la sauvegarde de l’intérêt général et, notamment, la protection de l’ordre public ou l’efficacité de l’action publique. L’équilibre entre ces deux branches est affaire de proportion ou de juste milieu, pour paraphraser Aristote.

Le principe de proportionnalité s’est affirmé depuis plus d’un siècle en Europe et en France au service d’une protection efficace des libertés et des droits fondamentaux (I), mais il subit aujourd’hui une influence européenne qui le transforme en profondeur (II).

I - Le principe de proportionnalité s’est imposé comme l’« exigence d’un rapport, d’une adéquation, entre les moyens employés par l’administration et le but qu’elle vise »[5].

A. Ce principe, issu du droit allemand, vise à promouvoir une action publique mesurée et respectueuse des droits fondamentaux.

1. Consacré par la Cour administrative suprême de Prusse dès 1882, avec l’arrêt Kreuzberg[6], le principe de proportionnalité découle aujourd’hui de l’interprétation des articles 19 et 20 de la Loi fondamentale allemande de 1949 qui garantissent la protection des droits fondamentaux[7], d’une part, et la défense de l’État de droit, de l’autre[8]. La puissance publique ne peut limiter la liberté des citoyens que « dans la mesure indispensable à la protection des intérêts publics »[9] : elle doit assurer en priorité la garantie des droits fondamentaux. Entre l’intervention de la puissance publique au nom de l’intérêt général et la sauvegarde des droits et des libertés des citoyens, le principe de proportionnalité permet d’opérer une mise en balance, métaphore de la justice, et de réaliser ainsi un équilibre entre chacun des termes de l’équation[10]. Une mesure restrictive des droits et des libertés doit donc être à la fois appropriée ou adaptée, nécessaire et proportionnée : appropriée, en ce qu’elle doit permettre de réaliser l’objectif légitime poursuivi[11] ; nécessaire, dès lors qu’elle ne doit pas excéder ce qu’exige la réalisation de cet objectif[12] ; et proportionnée, en ce qu’elle ne doit pas, par les charges qu’elle crée, être hors de proportion avec le résultat recherché[13]. Sous cette forme, le principe de proportionnalité ne revêt pas qu’une fonction contentieuse permettant au juge d’arbitrer a posteriori entre des principes antinomiques ; il s’applique plus largement à l’ensemble de l’action publique et s’érige en principe de portée générale[14]. Même le législateur doit le respecter, lorsqu’il édicte les lois et la proportionnalité trouve aussi à s’appliquer horizontalement dans les rapports entre citoyens ou personnes privées[15] : on le voit, par exemple, en ce qui concerne la possibilité pour les employeurs de restreindre l’expression des opinions religieuses des salariés[16].

2. Sous des formes très variées, le principe de proportionnalité est présent dans la quasi-totalité des pays européens[17], mais c’est dans le droit de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’Union européenne qu’il s’exprime le plus nettement. La Convention européenne des droits de l’homme le consacre expressément en prévoyant, dans les paragraphes 2 de ses articles 8 à 11, la possibilité de limiter l’exercice des droits qu’ils protègent lorsque cette restriction « constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire » à la sauvegarde de certains objectifs dont la sécurité nationale, la défense de l’ordre et la protection des droits et libertés d’autrui. Ces stipulations expriment un principe de conciliation permettant d’équilibrer les rapports entre les droits fondamentaux et les objectifs d’intérêt général poursuivis par les autorités étatiques[18]. En dehors de ces cas, la Cour européenne fait un usage quasi-systématique du contrôle de proportionnalité. Elle a aussi fait émerger, sur le fondement de l’article 14 qui prohibe toute discrimination, la notion de « rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens et le but visé »[19]. Le droit de l’Union européenne recourt aussi au principe de proportionnalité, qui s’impose tant aux institutions de l’Union[20] qu’aux États-membres[21] lorsqu’ils appliquent le droit de l’Union. Reconnue comme principe général du droit de l’Union[22], puis consacrée par l’article 5 § 4 du Traité sur l’Union européenne[23], la proportionnalité garantit notamment la substance des libertés économiques fondamentales consacrées par les traités européens[24].

Le principe de proportionnalité a partout le même objet : modérer le pouvoir des autorités publiques aux fins de garantir les droits et l’autonomie des personnes[25] et éviter les atteintes qui, par leur caractère excessif ou trop radical, seraient de nature à porter atteinte à la substance même des droits et des libertés[26]. Il prend toutefois des formes diverses : il est d’ordinaire un simple mécanisme contentieux permettant au juge d’arbitrer entre des principes juridiques concurrents ; il est parfois aussi érigé en véritable principe général.

B. En France, le principe de proportionnalité est devenu un mécanisme structurant du régime de garantie des libertés.

1. Ce principe n’a longtemps bénéficié d’aucune reconnaissance explicite en droit français, ni a fortiori, d’aucune consécration constitutionnelle. Pourtant, la nécessité de préserver la proportionnalité des mesures administratives est sous-jacente à notre droit public et le juge administratif a appliqué discrètement, mais de longue date, une certaine forme de proportionnalité[27]. Mais là où en Allemagne la proportionnalité est entendue comme un principe général, dès lors qu’elle répond à la nécessité de réguler l’interventionnisme étatique, elle n’est en droit français qu’un mécanisme de contrôle juridictionnel[28]. Ce principe non-écrit est cependant « au cœur de la démarche logique du juge de l’excès de pouvoir »[29]. La proportionnalité est, ici aussi, un principe de protection des droits et des libertés en ce qu’elle enclenche un mécanisme de pondération entre les différents intérêts publics et privés en cause[30]. Le contrôle des mesures de police s’est ainsi construit sur l’idée que toute restriction apportée à l’exercice des libertés individuelles au nom de l’ordre public devait être mesurée et nécessaire[31]. « La liberté est la règle et la restriction de police, l’exception »[32], voilà le mot d’ordre de la jurisprudence du Conseil d’État en matière de police[33]. Il en résulte que l’interdiction d’une procession funéraire sur la voie publique[34] ou d’une réunion publique[35] ne peut être légalement prononcée que lorsque les troubles à l’ordre public présentent un degré de gravité tel qu’aucune autre mesure ne pourrait assurer la sauvegarde cet ordre. Cette jurisprudence a connu une large extension et les restrictions apportées à la liberté de réunion[36] ou à la liberté du commerce et de l’industrie[37] font ainsi l’objet d’un strict contrôle de proportionnalité. Au-delà de la police administrative, cette jurisprudence a été prolongée en matière disciplinaire où l’un des principes régissant le choix de la sanction est précisément celui de l’absence de disproportion entre la gravité de la faute et la sévérité de la sanction[38].

2. L’exigence de proportionnalité est aussi présente en droit constitutionnel, soit que le texte constitutionnel la prévoie expressément, soit que le Conseil constitutionnel ait lui-même affirmé ce contrôle dans sa jurisprudence. Ainsi, en matière pénale, le Conseil constitutionnel consacre un principe de proportionnalité à partir de l’exigence de nécessité des peines prévue par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen[39]. Hors de ce domaine, le Conseil constitutionnel a reconnu un principe de proportionnalité en matière de droit de grève[40], les restrictions apportées à ce droit devant être nécessaires à la sauvegarde des intérêts en cause[41]. Et dans la lignée de la jurisprudence Benjamindu Conseil d’État, le Conseil constitutionnel use assez largement du contrôle de proportionnalité lorsqu’il contrôle des dispositions législatives qui restreignent l’exercice d’un droit ou d’une liberté au nom de la sauvegarde de l’ordre public[42] ou lorsqu’il doit concilier plusieurs droits fondamentaux entre eux[43].

II - Sous l’influence du droit européen, le principe de proportionnalité se transforme au service d’une protection accrue des droits fondamentaux.

A.La conception des cours européennes de la proportionnalité influe sur les déclinaisons nationales de ce principe.

1. La mise en œuvre du principe de proportionnalité renseigne sur la place qu’une société reconnaît réellement aux droits et libertés, dès lors que ce principe encadre les atteintes qui peuvent y être portées. Or le droit européen fait évoluer cette appréciation d’une pondération relative des éléments en balance[44] vers une conception plus libérale et donc plus protectrice des droits et des libertés. Sur le plan politique, c’est essentiellement la Convention européenne des droits de l’homme et l’interprétation qui en est faite par la Cour de Strasbourg qui ont mis l’accent sur cette approche libérale. Les libertés et les droits fondamentaux ne peuvent en effet faire l’objet de restrictions que dans des hypothèses que la jurisprudence encadre strictement[45]. En matière économique, c’est le droit de l’Union européenne qui emprunte une approche libérale en matière de protection des libertés économiques et, en particulier, de la libre concurrence et de la liberté du commerce et de l’industrie[46]. De fait, si les stipulations du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoient la possibilité de limiter l’exercice des libertés de circulation pour des motifs d’intérêt général, ces exceptions sont envisagées de manière très stricte par la Cour de justice de l’Union européenne[47].

2. Cette influence européenne fait ressentir ses effets partout en Europe et, notamment, en France où le droit européen a induit une « généralisation » et une « intensification » du contrôle de proportionnalité[48]. Sous l’effet de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ce contrôle a été étendu à plusieurs hypothèses qui en étaient exclues ou faisaient l’objet d’un contrôle restreint, notamment en matière de police des étrangers[49]. Ainsi, les restrictions dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et familiale font l’objet d’un contrôle de proportionnalité qui s’applique non seulement à la loi dont il est fait application, mais aussi même si celle-ci est conventionnelle, à la situation concrète dont le juge est saisi, depuis les arrêts Mme Babas et M. Belgacem de 1991[50]. Il en va de même pour les mesures susceptibles de constituer des traitements inhumains ou dégradants[51]. En matière de sanctions, le contrôle de proportionnalité exercé par le juge est passé d’un contrôle restreint à un contrôle entier, y compris s’agissant des sanctions disciplinaires[52] infligées aux agents publics[53]. Le contrôle de proportionnalité exercé par le juge administratif s’est aussi intensifié sous l’effet de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne[54] et de l’observation des autres droits nationaux. En effet, si depuis les décisions Abbé Olivier et Benjamin, la logique de proportionnalité est présente en droit administratif, c’est la décision Association pour la promotion de l’image[55] de 2011 qui a formellement transposé en droit français le raisonnement en trois étapes emprunté au droit allemand. Dans cette décision, le Conseil d’État s’est approprié, à la suite du Conseil constitutionnel[56], le triple test de l’adaptation, de la nécessité et de la proportionnalité, qui émerge comme le standard international ou, à tout le moins, européen en la matière[57]. Ce changement est cependant plus formel que substantiel, dès lors que le Conseil d’État opérait déjà un contrôle resserré en matière de restriction des droits et libertés, mais le passage au triple test de proportionnalité permet de mieux expliciter le raisonnement suivi et d’exercer, de manière plus fine et plus ciblée, le contrôle de la décision administrative contestée. S’agissant par exemple des assignations à résidence[58] ou des perquisitions administratives[59] ordonnées sur le fondement de l’état d’urgence, le juge administratif exerce un entier contrôle de proportionnalité. Cette évolution a connu, en droit français, de nouveaux développements avec la formalisation d’un contrôle de proportionnalité in concreto dans la jurisprudence du Conseil d’État et celle de la Cour de cassation[60]. Dans des cas où la loi ne laissait que peu, voire aucune marge d’appréciation aux autorités publiques et, notamment, juridictionnelles, les deux cours suprêmes l’ont écartée en jugeant que son application au cas d’espèce aurait été de nature à porter une atteinte excessive à un droit fondamental et, dans ces affaires, au droit au respect de la vie privée et familiale[61].

B. Si l’influence croisée des droits tend à renforcer le principe de proportionnalité au profit de la garantie des droits, il ne s’exerce pas encore de manière générale.

1. Le principe de proportionnalité souligne de manière remarquable l’idée d’une « fécondation croisée » des droits en Europe[62]. En effet, alors même que ce principe existe de longue date dans la plupart des États européens[63], les pratiques nationales tendent aujourd’hui à converger dans un mouvement général d’élévation de ce standard de contrôle. Même la Grande-Bretagne a progressivement embrassé le principe de proportionnalité, après l’avoir longtemps ignoré, y compris dans son acception contentieuse. Elle lui préférait le principe de « reasonableness »[64], une décision ne pouvant être annulée au contentieux que si elle excédait l’exercice raisonnable du pouvoir[65].  Conformément à ce que suggérait déjà Lord Diplock en 1983 lorsqu’il faisait remarquer que « The principle of proportionality would prohibit the use of a steam hammer to crack a nut if a nutcracker would do it »[66] et sous l’influence du droit européen et, en particulier, de la Convention européenne des droits de l’homme, les juges britanniques ont adopté le principe de proportionnalité. Le comité judiciaire de la Chambre des Lords y a expressément fait référence. Dans cette composition, puis comme Cour suprême du Royaume-Uni, il a même adopté les trois étapes du test de proportionnalité[67]. Aux États-Unis, la décision State of Washington c. Donald Trump relative au premier décret relatif à l’immigration témoigne aussi de la présence de certains éléments d’un contrôle de proportionnalité en droit américain[68]. L’Italie a aussi connu un mouvement similaire. Alors que ce principe était quasiment absent de la jurisprudence italienne, le Conseil d’État de ce pays, sous l’influence du droit européen[69], a qualifié le principe de proportionnalité de principe général du droit, au même titre que le principe d’égalité[70].

2. Mais ce phénomène de convergence ne doit pas conduire à de trop hâtives conclusions. D’une part, les juges nationaux et européens continuent, dans les domaines  économiques et sociaux, de préserver une importante marge d’appréciation aux autorités publiques. En outre, si le principe de proportionnalité résulte de la volonté de limiter le pouvoir discrétionnaire des autorités publiques et d’éviter l’arbitraire, il ne saurait conduire le juge à substituer sa propre appréciation à celle des représentants du peuple soumis au contrôle démocratique. Trois précautions s’imposent par conséquent dans le maniement de la proportionnalité : ce contrôle doit être stable et cohérent pour être prévisible ; il doit, ensuite, s’appuyer sur une motivation explicite et rigoureuse ; enfin, il doit conduire à une véritable mise en balance des différents intérêts en présence et non à la prédominance systématique des droits fondamentaux sur l’intérêt général. Ainsi, en matière d’expropriation, le juge administratif contrôle l’utilité publique du projet en mettant en balance ses avantages et ses inconvénients[71], notamment financiers ou en termes d’atteinte à la propriété privée, mais il se refuse à contrôler l’existence et, le cas échéant, la pertinence d’alternatives au projet porté par la personne publique[72]. La Cour européenne des droits de l’homme reconnaît aussi aux États une marge nationale d’appréciation, lorsque sont en cause des débats éthiques[73] ou moraux[74] ou des choix de société[75] qui ne font l’objet d’aucun consensus entre les États ou qui résultent de traditions nationales[76].

D’autre part, le principe de proportionnalité reste surtout envisagé comme une technique ou un mécanisme contentieux. Aux fins d’assurer une protection accrue des droits et des libertés, il pourrait, il est vrai, s’élargir à une fonction d’orientation de l’action des autorités publiques, ainsi qu’il l’a été en droit allemand[77] et en droit de l’Union européenne[78]. Il est même permis de s’interroger sur l’intégration du principe de proportionnalité à celui, plus général, de bonne gouvernance[79]. Ainsi, sous l’influence du droit européen, le Parlement français a introduit une certaine dose de proportionnalité dans certains de ses choix législatifs[80] et le Conseil constitutionnel a approfondi son contrôle, initialement limité au contrôle de l’adéquation et parfois de la nécessité, au profit du triple test de proportionnalité[81]. Ces évolutions, bien qu’importantes, ne sauraient néanmoins confirmer, à ce stade, l’émergence d’un principe général de proportionnalité à l’échelle européenne.

 

Le principe de proportionnalité est « le complément nécessaire de l’intérêt public »[82]. Mais s’il « manifeste qu’un intérêt public en soi suffisant ne peut (…) se réaliser à n’importe quel prix (…) »[83], il ne saurait se traduire par une remise en cause du principe même de la séparation des pouvoirs et du pouvoir d’appréciation des Gouvernements et des Parlements. Le principe de proportionnalité est indispensable à la garantie de l’État de droit, mais il ne saurait conduire à méconnaître les intérêts généraux dont l’État et les collectivités publiques ont la charge et qui sont, avec les libertés et les droits fondamentaux, les piliers du vivre-ensemble. Il est important de souligner que les cours européennes ont procédé, ces toutes dernières années, à une mise en balance plus attentive et prudente de l’ensemble de ces exigences. C’est une évolution qui mérite d’être à la fois saluée et confirmée.

 

 

[1]Texte écrit en collaboration avec Sarah Houllier, magistrat administratif, chargée de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[2] Commentaire de la décision Kreuzbergdu 14 juin 1882 par le juriste allemand Fleiner en 1912 cité par B. Stirn dans  Vers un droit public européen, LGDJ, 2015, 2ème édition, p. 93.

[3]Aristote, Ethique de Nicomaque, Flammarion, 1992, V, chap. 3, pp. 142-143.

[4] G. Xynopoulos, « Proportionnalité », in D. Alland et S. Rials (dir), Dictionnaire de la culture juridique, PUF, 2003, p. 1251.

[5] G. Braibant, « Le principe de proportionnalité », in Le Juge et le droit public. Mélanges offerts à M. Waline, LGDJ, 1974, T.2, p. 298.

[6] Cour administrative suprême de Prusse, 14 juin 1882, Kreuzberg, cité par J. Schwarze dans Droit administratif européen, Bruylant, 2ème édition, 2009, p. 731 : cet arrêt refuse à la police la possibilité de prendre en compte des intérêts d’ordre esthétique en l’absence d’habilitation particulière.

[7] Article 19 de la Loi Fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne.

[8] Article 20 de la Loi Fondamentale pour la République fédérale d’Allemagne.

[9] J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 732.

[10]J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 723.

[11] J. Schwarze, op.cit. note 6, p. I-38.

[12] M. Guyomar et X. Domino, « Le passeport biométrique au contrôle : empreintes et clichés », AJDA, 2012, p. 37.

[13] M. Guyomar et X. Domino, op.cit. note 13, p. 37.

[14] D-U. Galetta, « Le principe de proportionnalité », in J-B. Auby et J. Dutheil de la Rochère (dir), Traité de droit administratif européen, Bruylant, 2ème édition, 2014, p. 504.

[15] J. Schwarze, op.cit. note 6, pp. 733-734.

[16] Le code du travail dispose ainsi que « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » (Art. L. 1121-1). Sur ce sujet, voir l’étude adoptée par l’assemblée générale du Conseil d’État le 19 décembre 2013 à la demande du Défenseur des droits. Voir aussi les deux arrêts du 14 mars 2017 par lesquels la Cour de justice de l’Union s’est prononcée sur la conformité de l’interdiction du port du voile dans l’entreprise au regard des dispositions de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail dans le cas de salariées portant le foulard islamique dans l’entreprise (CJUE, 14 mars 2017, Achbita c. G4S Secure Solutions, aff. C-157/15 et CJUE, 14 mars 2017, Bougnaoui et Association de défense des droits de l’homme c. Micropole Univers, aff. C-188/15). Dans la première affaire (C-157/15), la Cour juge que si le règlement d’entreprise prévoit une obligation de neutralité religieuse, il appartient au juge national de déterminer si cette règle poursuit un objectif légitime et si elle est appropriée et nécessaire pour le réaliser. Le juge national doit notamment déterminer si le licenciement d’une salariée qui porte le voile était la seule solution possible et si un reclassement sur un autre poste n’était pas envisageable. Dans la seconde affaire (C-188/15), la Cour estime qu’en l’absence de règle prévoyant la neutralité vestimentaire dans le règlement d’entreprise, l’interdiction du port du voile à la demande d’un client ne constitue pas une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de la directive et ne peut donc autoriser le licenciement d’une salariée qui refuserait d’ôter son voile.

[17] Voir sur ce point les articles de M. Fromont, « Le principe de proportionnalité », AJDA, 1995, p. 156 et de J. Ziller, « Le principe de proportionnalité », AJDA, 1996, p. 185.

[18] K. Grabarczyk, Les principes généraux dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2008, p. 228.

[19] CEDH, 23 juillet 1968, Affaire relative à certains aspects du régime linguistique de l’enseignement en Belgique c. Belgique, aff. n° 1474/62, pts. 5 et 10. Sur le principe de proportionnalité en droit de la Convention européenne des droits de l’homme voir l’article de L. Sermet, « Le contrôle de la proportionnalité dans la Convention européenne des droits de l’homme : présentation générale », Les Petites Affiches, 5 mars 2009, n° 46, p. 26.

[20] CJCE, 17 mai 1984, Denkavit Nederland BV c. Hoofdproducktschap voor Akkerbouwprodukten, aff. 15/83, pt. 25.

[21] CJCE, 27 octobre 1993, Dr. Pamela Mary Enderby c. Frenchay Helath Autority et Secretary of State for Health, aff. C-127/92. CJCE, 20 février 1979, Rewe-Zentral AG [Cassis de Dijon], aff. 120-78 : la Cour de justice de l’Union impose le respect d’une règle de proportionnalité pour qualifier une règle nationale de mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative. Voir également CJCE, 24 juillet 2003, Altmark, aff. C-280/00 relatif aux aides d’État : la Cour suit une logique de nécessité et de proportionnalité dans l’admission de certaines aides d’État.

[22] CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, aff. 11/70.Le principe de proportionnalité a été pour la première fois mentionné dans l’arrêt CJCE, 29 novembre 1956, Fédération Charbonnière de Belgique c. Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, aff. 8/55, Rec. p. 304 et CJCE, 13 juin 1958, Hauts Fourneaux de Chasse, aff. 15/57. L’avocat général A. Dutheillet de Lamotte, dans ses conclusions sur l’affaire Internationale Handelsgesellschaft, a invité la Cour à consacrer le principe à partir du « droit fondamental pour l’individu de ne voir limiter sa liberté d’agir que dans la mesure nécessaire à l’intérêt général » (cité par B. Stirn, op.cit. note 2, p. 97). Hors des cas prévus par le Traité, la Cour de justice de l’Union a généralisé le principe en s’appuyant notamment sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CJCE, 28 octobre 1975, Rutili, aff. 36/75, pt. 32).

[23] Article 5 du Traité sur l’Union européenne : « 4. En vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de l'action de l'Union n'excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs des traités. / Les institutions de l'Union appliquent le principe de proportionnalité conformément au protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité. »

[24] Voir notamment l’arrêt CJCE, 14 mai 1974, Nold, aff. 4/73, pt. 14 et  J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 769.

[25] M. Fromont, op.cit. note 18, p. 156.

[26] E. Ballot, Les insuffisances de la notion de droits fondamentaux, Mare et Martin, 2014, p. 376.

[27] G. Braibant, op.cit. note 5, p. 299.

[28] L. Xenou, Les principes généraux du droit de l’Union européenne et la jurisprudence administrative française, thèse de doctorat en droit administratif, Université Paris II Panthéon-Assas, Décembre 2014, p. 430. Cette différence s’explique en partie par la conception du rôle de l’État qui est entendu plus largement en France qu’en Allemagne. Voir sur ce dernier point B. Bertrand et J. Sirinelli, « La proportionnalité », in J-B. Auby (dir), L’influence du droit européen sur les catégories du droit public, Dalloz, 2010, p. 624.

[29] J-P. Costa, « Le principe de proportionnalité dans la jurisprudence du Conseil d’État », AJDA, 1988, p. 434.

[30] G. Xynopoulos, op.cit. note 4, p. 1251.

[31] B. Stirn, op.cit. note 2, p. 94.

[32] Commissaire du gouvernement Corneille dans les conclusions sous CE, 10 août 1917, Baldy, n°59855, Rec. 638.

[33] M. Fromont, op.cit. note 18, p. 156.

[34] CE, 19 février 1909, Abbé Olivier, Rec. 181.

[35] CE, 19 mai 1933, Benjamin, Rec. 541.

[36] CE, 23 janvier 1953, Naud, Rec. 32 ; CE, 19 juin 1953, Houphouët-Boigny, Rec. 298.

[37] CE Ass., 22 juin 1951, Daudignac, Rec. 362 ; CE, 13 mars 1968, Ministre de l’intérieur c. Epoux Leroy, Rec. 179.

[38] B. Bertrand et J. Sirinelli, op.cit. note 29, p. 626. L’arrêt CE Sect., 9 juin 1978, M. Lebon, n° 5911, Rec. 245 imposait l’absence de « disproportion manifeste ». Plusieurs arrêts récents sont revenus sur cette jurisprudence. Désormais, le juge administratif exerce un contrôle normal et non plus restreint. Il doit ainsi s’assurer que « les faits reprochés (…) constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes » (CE Ass., 13 novembre 2013, M. Dahan, n° 347704).

[39] Par exemple, en vertu du principe de proportionnalité, qui découle de l’article 8 de la DDHC, lorsque plusieurs dispositions pénales sont susceptibles de fonder la condamnation d’un seul et même fait, les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé (CC, 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale,n° 2001-455 DC, pt. 85 ; CC, 23 juillet 1996, Loi de réglementation des télécommunications, n° 96-378 DC, pts. 13 à 18).

[40] CC, 25 juillet 1979, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-695 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail, n° 79-105 DC ; CC, 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, n° 80-117 DC.

[41] V. Goesel-Le Bihan, « Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel : présentation générale », Les Petites Affiches, 5 mars 2009, n° 46, p. 62.

[42]Pour des exemples récents voir CC, 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement, n° 2015-713 DC, pt. 11 ; CC, 22 décembre 2015, M. Cédric D., n° 2015-527 QPC, pt. 4 ; CC, 10 février 2017, Délit de consultation habituelle de sites internet terroristes, n° 2016-611 QPC (voir sur ce dernier arrêt l’article de V. Goesel-Le Bihan, « Une grande décision : la décision 2016-611 QPC », AJDA, 2017, p. 433).

[43] CC, 1er juillet 2004, Loi relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, n° 2004-497 DC, pt. 20.

[44] B. Bertrand et J. Sirinelli, op.cit. note 29, p. 629.

[45] Voir par exemple la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression. Elle juge notamment que la nécessité d’une restriction à la liberté d’expression doit être établie de manière convaincante par la preuve d’un « besoin social impérieux » compte tenu de l’intérêt de la société démocratique à assurer et à maintenir la liberté d’expression et notamment la liberté de la presse. Sur ces éléments la Cour exerce un contrôle très « scrupuleux » (CEDH, 26 novembre 1991, Sunday Times c. Royaume-Uni, aff. n° 13166/87, pt. 50 ; CEDH, 27 mars 1996, Goodwin c. Royaume-Uni, aff. n° 17488/90, pt. 40).

[46] B. Bertrand et J. Sirinelli, op.cit. note 29, p. 631.

[47] L’arrêt CJCE, 12 juin 2003, E. Schmidberger, aff. C-112/00, spec. pts. 77 à 82, inaugure la conciliation des libertés économiques fondamentales et des droits fondamentaux : la Cour de justice estime qu’une restriction de la liberté de circulation des marchandises afin de garantir l’effectivité du droit de manifester n’est pas disproportionnée. La Cour de Luxembourg a ensuite étoffé cette jurisprudence avec CJCE, 14 octobre 2004, Omega Spielhallen, aff. C-36/02 : la restriction de la libre prestation de service dans le cas d’une société dont les services étaient de nature à porter atteinte à la dignité humaine n’est pas disproportionnée ; CJCE, 11 décembre 2007, International Transport Worker’s Federation and Finish Seamen’s Union c/ Viking Line ABP, aff. C-438/05 et CJCE, 18 décembre 2007, Laval un Partneri Ltd, aff. C-341/05 : la Cour juge que l’exercice des droits syndicaux et collectifs, bien que revêtant un caractère fondamental, constituent une restriction non justifiée à la liberté de prestation de service. Cette jurisprudence doit toutefois être nuancée au regard des arrêts récents de la CJUE qui tendent à étendre le champ des raisons impérieuses d’intérêt général à la lutte contre la concurrence déloyale par exemple (CJUE, 25 février 2016, Stroumpoulis, aff. C-292/14). Voir sur cette affaire S. Robin-Olivier, « Oublier Viking : quand la Cour de justice fait primer la législation sociale de l’Union sur la liberté d’organisation des entreprises de transport maritime », Revue de droit du travail, septembre 2016, pp. 581-584.

[48] B. Bertrand et J. Sirinelli, op.cit. note 29, p. 628.

[49] Les motifs ayant justifié l’édiction d’une obligation de quitter le territoire français sont soumis à un contrôle normal (CE, 12 mars 2012, M. Harounur, n° 354165), de même que l’existence d’une menace grave à l’ordre public (CE, 17 octobre 2003, M. Bouhsane, n° 249183 ; CE, 12 février 2014, Ministre de l’intérieur c. M. Barane, n° 365644).

[50] CE Ass., 19 avril 1991, Mme Babas, n° 117680 et CE Ass., 19 avril 1991, M. Belgacem, n° 107470.

[51] CE, 14 novembre 2008, M. El Shennawy, n° 315622.

[52] CE Sect., 22 juin 2007, Arfi, n° 272650 pour une sanction disciplinaire infligée à un professionnel ; CE, 1er juin 2015, M. Boromée, n° 380449 pour une sanction disciplinaire infligée à un détenu.

[53] La solution concernait initialement les magistrats du parquet (CE, 27 mai 20099, Hontang, n° 310493), puis du siège (CE, 30 juin 2010, Mme Ponsard, n° 325319). Avec l’arrêt CE Ass., 13 novembre 2013, M. Dahan, n° 347704 cette solution a été étendue à tous les agents publics.

[54] S’inspirant de l’approche allemande, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu les trois étapes du raisonnement (CJCE, 13 novembre 1990, The Queen c. Minister of Agriculture, Fisheries and Food, ex parte Fedesa, aff. C-331/88, pt. 13), même si en pratique elle n’examine le plus souvent que le caractère approprié et nécessaire de la mesure et ne contrôle pas la proportionnalité stricte.

[55] CE Ass., 16 octobre 2011, Association pour la promotion de l’image, n° 317827. Cette formulation a ensuite été reprise s’agissant des injonctions émises par l’Autorité de la concurrence dans le cadre d’une procédure de concentration  (CE Ass., 21 décembre 2012, Société Groupe Canal Plus et autres, n° 362347).

[56] CC, 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, n° 2008-562 pt. 13.

[57] M. Guyomar et X. Domino, op.cit. note 13, p. 37.

[58] CE Sect., 11 décembre 2015, M. Doumenjoud, n° 395009.

[59] CE Ass. Avis, 6 juillet 2016, M. Napol et M. Thomas, n° 398234 et 399135.

[60] Sur les questions que cette évolution soulève à la Cour de cassation, voir l’article de V. Vigneau, « Libres propos d’un juge sur le contrôle de proportionnalité », Recueil Dalloz, 2017, p. 123.

[61] C. cass, Civ. 1ère, 4 décembre 2013, n° 12-26-066, Bull.civ. I, n° 234 : la Cour de cassation écarte l’application de l’article 161 du Code civil qui prohibe le mariage entre alliés au motif que prononcer la nullité d’un mariage, célébré sans opposition et ayant uni pendant plus de vingt ans le beau-père et sa bru, constituerait une atteinte injustifiée au droit au respect de leur vie privée ; CE Ass., 31 mai 2016, Mme Gonzalez Gomez, n° 396848 : le Conseil d’État écarte l’application des dispositions du code de la santé publique qui interdisent l’utilisation des gamètes après le décès de l’un des époux et leur exportation en toute hypothèse, au motif que, dans le cas d’espèce, cela aurait porté une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée de la requérante.

[62] J. Ziller, op.cit. note 18, p. 185.

[63] J. Ziller, op.cit. note 18, p. 185.

[64] Ce motif est souvent appelé « Test de Wednesbury ». Il consiste uniquement à vérifier si l’autorité publique s’est ou non comportée d’une façon « si exorbitante que nulle autorité publique raisonnable n’aurait agi de cette façon » (Cour d’appel d’Angleterre et du Pays de Galles, 10 novembre 1947, Associated Provincial Picture Houses Ltd v. Wednesbury Corporation, [1948] 1 KB 223). Voir sur ce point X. Philippe, « Le contrôle de proportionnalité exercé par les juridictions étrangères : l’exemple du contentieux constitutionnel », Les Petites Affiches, 5 mars 2009, n° 46, p. 6.

[65] L. Xenou, Les principes généraux du droit de l’Union européenne et la jurisprudence administrative française, thèse de doctorat en droit administratif, Université Paris II Panthéon-Assas, Décembre 2014, p. 438.

[66] Lord Diplock, Opinion sur R. v. Goldsmith, 1983, cité par J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 740 : « Le principe de proportionnalité fait obstacle à l’usage d’un marteau-pilon pour casser une noix, si le casse-noix suffit ».

[67] Chambre des Lords, 23 mai 2001, Regina (Daly) v. Secretary of State for the Home Department, [2001] UKHL 26 ; Cour suprême du Royaume-Uni,19 juin 2013,  Bank Mellat v. Her Majesty’s Treasury, [2013] UKSC 38, pt. 20. Il faut souligner que le développement du contrôle de proportionnalité se fait au Royaume-Uni avec le souci de s’assurer que les juges britanniques n’empiètent pas sur les prérogatives de l’exécutif et du Parlement. Ainsi, le contrôle de proportionnalité s’exerce suivant des intensités variables en fonction de l’étendue du pouvoir discrétionnaire reconnu à l’administration (Cour suprême du Royaume-Uni,19 juin 2013,  Bank Mellat, [2013] UKSC 38, pt. 20 ; Cour suprême du Royaume-Uni, 12 octobre 2011, R. [on the application of Quila and another] v. Secretary of State for the Home department [2011] UKSC 45, pts. 50 et 58). Voir sur cette question l’article de Lord R. Reed, « La Cour suprême du Royaume-Uni et les droits fondamentaux », AJDA, 2017, p. 211.

[68] Cour d’appel des États-Unis, 9ème district, 9 février 2017, State of Washington c. Donald J. Trump et al., n° 17-35105. Dans cette décision, la Cour d’appel procède à une mise en balance des atteintes portées par le décret à certains droits individuels et des États avec l’intérêt général à le maintenir en vigueur.

[69] J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 736.

[70] Conseil d’État d’Italie, décisions du 21 mars 1972 et du 23 avril 1974 cité dans J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 737.

[71] CE Ass., 28 mai 1971, Ville Nouvelle Est, Rec. 409.

[72] CE, 11 juillet 1983, Association de défense contre le projet de rocade de Pont-à-Mousson, n° 40467 ; CE, 3 décembre 1990, Ville d’Amiens, Rec. 345 ; CE, 26 juillet 1991, M. et Mme Deat, n° 83871 : le Conseil d’État refuse de contrôler l’opportunité du tracé choisi. Cette jurisprudence a toutefois été nuancée puisque le juge administratif accepte de contrôler s’il existe d’autres terrains appartenant à l’administration qui aurait permis de réaliser l’opération sans expropriation (CE, 20 novembre 1974, Epoux Thony, n° 91558) ou si l’aménagement de l’existant permettait des résultats comparables au projet nouveau (CE, 28 mai 2011, Collectif contre les nuisances du TGV Chasseneuil-du-Poitou et de Migné-Auxances, n° 330256).

[73] CEDH, 10 avril 2007, Evans c. Royaume-Uni, aff. N° 6339/50 sur le recours à la fécondation in-vitro. Voir aussi CEDH, 26 juin 2014, Mennesson c. France,aff. n°65192/11, pts. 46 et 96-98 : la Cour européenne des droits de l’homme juge que le refus de reconnaître la filiation des enfants dont les parents ont eu recours, à l’étranger, à la gestion pour autrui méconnaît leur droit au respect de la vie privée, alors même que ce procédé est interdit en France et que la Cour estime que cette interdiction est légitime.

[74]CEDH, 29 octobre 1992, Open Door et Dublin Well Woman c. Irlande, aff. n° 14234/88; 14235/88.

[75] CEDH, 1er juillet 2014, SAS c. France, n° 43835/11 sur la loi prohibant la dissimulation du visage dans l’espace public : la Cour juge que l’interdiction prévue par la loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 n’est pas contraire à la Convention, notamment les articles 8 (droit à une vie privée et familiale normale) et 9 (liberté de conscience et de religion), dès lors qu’elle est justifiée par les exigences du vivre-ensemble et des exigences minimales de la vie en société.

[76] La Cour européenne des droits de l’homme tient notamment compte des traditions religieuses (CEDH, 18 mars 2011, Lautsi c. Italie, aff. n°30814/06 sur la présence des crucifix dans les écoles italiennes) et politiques des États (CEDH, 30 juin 2009, Batasuna, aff. n°25803/04 et 25817/04 : la Cour européenne des droits de l’homme juge que la dissolution des partis espagnols liés à l’organisation terroriste ETA n’est pas contraire au principe de libre association de l’article 11 de la Convention).

[77] J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 733.

[78] J. Schwarze, op.cit. note 6, p. 753.

[79]D. Chalmers, G. Davies, G. Monti, European Union Law, Cambridge University Press, 2014, 3ème edition, p. 402.

[80] B. Bertrand et J. Sirinelli, op.cit. note 29, p. 629. Par exemple, les débats sur la loi du 15 mars 2004 relative au port des signes religieux à l’école font apparaître que la notion de « signes visibles », initialement envisagée, a été écartée au profit de celle de « signes manifestant ostensiblement une appartenance religieuse », plus mesurée.

[81] CC, 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, n° 2008-562 pt. 13. Pour des exemples plus récents voir CC, 14 février 2014, Consorts L. [prise en charge en unité pour malades difficiles des personnes hospitalisées sans leur consentement], n° 2013-367 QPC, pt. 6 ; CC, 7 juin 2013, M. Philippe B [Exception de vérité des faits diffamatoires constituant une infraction amnistiée ou prescrite, ou ayant donné lieu à une condamnation effacée par la réhabilitation ou la révision], n° 2013-319 QPC, pt. 3. Cette jurisprudence a été récemment confirmée dans CC, 10 février 2017, Délit de consultation habituelle de sites internet terroristes, n° 2016-611 QPC.

[82] Pierre Moor cité par M. Fromont, op.cit. note 18, p. 156

[83] Pierre Moor cité par M. Fromont, op.cit. note 18, p. 156