Discours

La sphère privée en droit français et japonais

Par Jean-Marc Sauvé, Vice-président du Conseil d'État
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Exposé introductif aux IXèmes Journées juridiques franco-japonaises sur la sphère privée, organisées par la Société de législation comparée et la Société franco-japonaise de science juridique au Conseil d'État le 1er septembre 2015.

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La sphère privée
IXèmes journées juridiques franco-japonaises, organisées par la Société de législation comparée et la Société franco-japonaise de science juridique
Conseil d’État, Mardi 1er septembre 2015
Introduction de Jean-Marc Sauvé[i], vice-président du Conseil d’État

 

Monsieur l’Ambassadeur,

Madame la présidente de la Société de législation comparée,

Monsieur le président de la Société franco-japonaise de science juridique,

Mesdames et Messieurs les professeurs et les représentants des professions juridiques,

Mesdames et Messieurs,

C’est pour nous un grand honneur d’accueillir aujourd’hui au Conseil d’Etat les travaux de la première de ces IXèmes journées juridiques franco-japonaises, organisées conjointement par la Société de législation comparée et la Société franco-japonaise de science juridique. Nous sommes heureux de recevoir, à cette occasion, les membres éminents de ces deux sociétés savantes et de faire vivre ici le dialogue entre nos deux communautés juridiques et, au-delà, entre nos deux pays. Je salue, en particulier, la présence parmi nous de Son Excellence M. Yoichi Suzuki, ambassadeur du Japon à Paris, qui donne un relief particulier à notre rencontre.

Si la sphère privée renvoie à la conscience de notre propre individualité et à l’évidence de notre intimité domestique, elle a aussi une histoire et la protection juridique dont elle bénéficie se signale par une étonnante souplesse. Nous sommes dans la période actuelle engagés dans une phase de transition, dans laquelle les garanties anciennes, héritées de l’âge classique du libéralisme, se combinent désormais avec de nouveaux droits et libertés, à la portée encore incertaine. Je souhaiterais revenir sur cette transformation et insister sur la nécessaire recomposition des équilibres fondateurs de notre tradition libérale.

 

I.  Du cadre domestique au cercle des relations sociales, la protection de la vie privée couvre désormais de nouveaux espaces.

A. Dans la conception classique, cette protection préserve l’intimité personnelle et familiale contre toute forme d’ingérence.

1. Elle est en cela un héritage de la modernité démocratique, que partagent nos deux pays.

La sanctuarisation d’un espace privé, d’une « zone d’immunité, offerte au repli [et] à la retraite »[ii], où chacun peut s’isoler de l’espace public et échapper à l’empire de ses règles et de ses usages, a été le fruit d’une lente affirmation des droits subjectifs de la personne, face aux formes les plus envahissantes de contrôles social et politique. La protection de la vie privée  - entendue au sens strict comme la sphère des affaires domestiques, celle du foyer familial - fait partie du patrimoine juridique qui fonde depuis longtemps les relations de confiance entre les individus et leurs institutions publiques. Comme le soulignait Benjamin Constant dans sa célèbre conférence de février 1819, l’acte de naissance de la modernité démocratique a bien coïncidé avec l’établissement d’une frontière étanche entre les sphères publique et privée. Si, chez les « Anciens », l’individu est « esclave dans tous ses rapports privés[iii] » et soumis à une surveillance sévère dans ses relations les plus intimes, il bénéficie chez les « Modernes », d’une totale indépendance privée et de garanties subjectives étendues contre les risques d’ingérence disproportionnée des autorités publiques. La protection de la vie privée apparaît ainsi comme la transcription juridique d’un processus plus global de « civilisation », selon le terme de Norbert Elias[iv], et de déclin des organisations sociales de type holiste[v], qui ignorent le principe d’une telle protection.

2. Ce processus s’est naturellement développé selon les caractéristiques propres à

chaque tradition juridique et en fonction de la singularité de chaque tempérament national.

Ce fut le cas en France et au Japon, comme aussi aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Les historiens du droit et les comparatistes distinguent à cet égard deux traditions occidentales, l’approche américaine de la « privacy » et l’approche française de la « vie privée »[vi], sans toutefois les opposer frontalement[vii]. La première s’est affirmée avec la protection constitutionnelle des affaires privées contre les ingérences indues des autorités publiques[viii] ; la seconde s’est constituée autour des garanties contre les risques d’abus des libertés individuelles, de la liberté d’expression et, en particulier, de la liberté de la presse[ix]. Au Japon, le droit au respect de la vie privée – puraibashii no kenri - a été reconnu pour la première fois en tant que tel en 1964, par un arrêt de la Cour du district de Tokyo[x], sur le fondement de l’article 13 de la Constitution[xi], dans une affaire relative à la divulgation de faits privés dans un magazine. Apparue dans des contextes différents, chaque tradition s’est développée, dans des proportions variables et avec des concepts propres, selon deux axes distincts et complémentaires, correspondant chacun à une balance particulière d’intérêts concurrents : d’une part, la protection à l’égard des mesures restrictives et des ingérences des autorités publiques – c’est l’axe vertical ou institutionnel – et, d’autre part, la protection à l’égard des empiètements du fait de tiers – c’est l’axe horizontal ou interindividuel.

B. La vie privée a été soumise à des évolutions sociales et technologiques profondes, qui ont conduit les régimes nationaux de protection à converger et fait naître une nouvelle conception de la sphère privée.

1. Plusieurs facteurs expliquent la circulation des droits et la convergence des garanties.

Des facteurs socio-économiques, avec l’homogénéisation des modes de vie et la globalisation des processus de production et d’échange ; des facteurs technologiques, avec la diffusion des innovations numériques et la mondialisation des réseaux de télécommunication ; des facteurs proprement juridiques, avec l’essor des règles internationales protégeant la sphère individuelle. A la différence du Japon, ce dernier facteur a été particulièrement puissant en France et en Europe. La protection offerte par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, tout comme les garanties consacrées aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, apparaissent en effet comme un creuset juridique, où les traditions nationales se confrontent,  mais aussi s’enrichissent et se développent comme des « instruments vivants à interpréter à la lumière des conditions de vie actuelle ». Mais, en France, comme au Japon et dans les démocraties occidentales, l’enrichissement des garanties de l’Etat de droit s’est accompagné d’une consécration constitutionnelle du « droit au respect de la vie privée »[xii], d’abord comme une composante de la « liberté individuelle »[xiii], puis comme une résultante de l’article 2 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789[xiv], en complément des garanties déjà reconnues en matière d’inviolabilité du domicile[xv] et de fouilles de véhicule[xvi]. Selon une conception qu’il qualifie lui-même de « classique »[xvii], le Conseil constitutionnel veille aux risques d’atteinte à la vie privée par l’autorité publique, en cas de perquisition et de saisie, d’écoutes téléphoniques, de sonorisation et de fixation d’images, de réquisitions de données techniques ou encore de mesures judiciaires de géolocalisation.

2. Sous l’effet de ces multiples facteurs, notre conception de la vie privée s’est peu à peu transformée.

Au modèle classique d’un espace sanctuarisé, celui de l’intimité domestique, qui est matériellement séparé de l’espace public, s’est substitué un modèle pour ainsi dire « déterritorialisé », centré sur la protection et l’épanouissement de la « personnalité », quelle que soit la localisation de la personne et quel que soit le support de son expression. La notion de « sphère privée », plutôt que d’ « espace privé », rend compte de ce changement de paradigme. Elle permet d’analyser les conditions de protection et de développement de la vie privée, lorsqu’elle se réalise au sein d’espaces ouverts aux interactions sociales. Elle met aussi en lumière la conflictualité accrue, qui existe aujourd’hui aux marges des espaces public et privé, à la frontière entre ces deux territoires, là où les convictions personnelles s’extériorisent en public et là où, à l’inverse, l’intimité se trouve projetée dans un espace public virtuel. C’est ainsi que se pose plus fréquemment que par le passé la question de la liberté d’opinion, de religion ou de culte hors du foyer domestique ou des lieux de culte. De même, les technologies de la communication et les réseaux sociaux exposent à des risques nouveaux ceux de nos concitoyens, notamment les plus jeunes, qui diffusent opinions et données personnelles dans l’espace numérique.

Le droit européen s’est adapté et a aussi contribué à l’émergence de cette conception extensive de la vie privée. Selon la Cour européenne des droits de l’Homme, celle-ci englobe non seulement l’intégrité physique et morale de la personne, mais aussi « un droit pour l’individu de nouer et développer des relations avec ses semblables »[xviii] et un droit à l’épanouissement individuel. « Au droit de la ‘vie privée personnelle’, vient désormais s’ajouter le droit à la ‘vie privée sociale’ »[xix]. Ce qui inclut, dans ce champ, le droit de développer des activités professionnelles[xx], d’acquérir une nationalité[xxi], de préserver sa vie privée sur son lieu de travail[xxii], mais aussi un droit à l’identité et à l’autodétermination personnelles[xxiii]. A ces droits nouveaux correspond l’émergence de droits sinon « défensifs », du moins plus ancrés dans l’exercice des facultés d’autodétermination des personnes, compte tenu des risques de dissémination subreptices des données personnelles. S’est ainsi développé un droit tendant à la maîtrise de l’utilisation et de la communication des données personnelles.

 

II. Face aux transformations contemporaines de la sphère privée, des équilibres nouveaux doivent être recherchés et peuvent conduire à l’élaboration de standards internationaux communs.

A.  La protection de la sphère privée doit être conciliée avec les intérêts du public et la sauvegarde des intérêts publics.

1. Un équilibre doit, en premier lieu, être trouvé entre, d’une part, la liberté de la presse et le droit du public à être pleinement informé et, d’autre part, la protection de la vie privée et de l’intimité d’une personne, même agissant dans un contexte public.

Pour y parvenir, une mise en balance très fine des différents intérêts en présence doit être opérée in concreto et au cas par cas, à l’aide d’une grille d’analyse de référence. La jurisprudence de la Cour suprême du Japon a défini à cet égard un ensemble de critères, pour trancher un conflit entre le droit au respect de la vie privée et le droit à l’information des tiers. Elle autorise ainsi la révélation d’informations à caractère privé par des organes de presse, lorsque cette révélation concerne un sujet d’intérêt public, est réalisée au bénéfice du public et avec la conviction que les informations divulguées sont authentiques et fondées sur des éléments suffisamment objectifs[xxiv]. Ce raisonnement juridique s’apparente à celui tenu par les juridictions européennes. Dans son arrêt Von Hannover du 24 juin 2004, la Cour européenne des droits de l’Homme a en effet précisé qu’une protection effective de la vie privée ne pouvait être fondée, comme en droit allemand, sur le seul critère de « l’isolement spatial » de l’individu concerné[xxv]. Elle a précisé, dans un arrêt de Grande chambre Von Hannover du 7 février 2012, qu’en cas de mise en balance du droit à la liberté d’expression de la presse et du droit au respect de la vie privée, doivent être pris en compte la contribution à un débat d’intérêt général, la notoriété de la personne visée et son comportement antérieur, ainsi que le contenu, la forme, les circonstances et les répercussions de la publication litigieuse[xxvi]. Si ce cadre d’appréciation est désormais stabilisé et largement admis, son application au cas par cas n’en est pas moins délicate, compte tenu du large spectre d’informations que couvre la notion de « débat d’intérêt général »[xxvii]. Nous assistons à cet égard à une intensification des risques de conflits horizontaux, avec la diversification des espaces publics d’expression et la multiplication des informations et données à caractère personnel. La sphère privée est devenue plus transparente et accessible, mais aussi plus réduite et vulnérable.

2. Un second équilibre doit être recherché entre la protection de la sphère privée et la sauvegarde de l’intérêt général, dont les autorités publiques ont la charge.

Cette mise en balance est inhérente aux fondements de l’Etat de droit, à la protection des secrets de la vie privée et à la nécessaire autolimitation des pouvoirs de l’Etat. Pour autant, dans un contexte marqué par la recrudescence du risque terroriste et par le renforcement des moyens de prévention et de neutralisation de ce risque, la mise en balance de ces droits doit être affinée : c’est un exercice particulièrement délicat et complexe que de définir le juste équilibre entre des intérêts contradictoires. Les exigences constitutionnelles ont ainsi été renforcées en matière de traitements des données à caractère personnel. A cet égard, le Conseil constitutionnel veille à ce que « la collecte, l’enregistrement, la conservation et la communication de données à caractère personnel soient justifiés par un motif d’intérêt général et mis en œuvre de manière adéquate et proportionnée à cet objectif »[xxviii]. Il est tenu compte, en particulier, du caractère sensible des données enregistrées, comme des données biométriques[xxix], mais aussi de l’ampleur du traitement, du nombre de personnes fichées et des personnes susceptibles d’avoir accès aux données et enfin des garanties procédurales prévues[xxx]. A titre d’exemple, ont ainsi été censurés : la création d’un registre national des crédits aux particuliers permettant à un prêteur éventuel de mesurer le risque encouru en cas de nouveau prêt ; ou encore un mécanisme d’ « urgence opérationnelle », autorisant la mise en œuvre de techniques de renseignement, sans autorisation préalable ni du Premier ministre, ni de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement[xxxi].

Il convient en outre de relever que la protection constitutionnelle de la vie privée ne s’attache pas seulement aux contenus des données personnelles, mais aussi aux métadonnées qui s’y rapportent, à partir desquelles il est possible de recueillir beaucoup d’informations sur les comportements ou les préférences individuels. Le Conseil constitutionnel vérifie à cet égard que les « données de connexion » ne portent pas sur le contenu des correspondances ou des informations consultées et que, pour les obtenir, les autorités administratives ne peuvent accéder directement au réseau des opérateurs de télécommunication[xxxii]. L’essor de la jurisprudence constitutionnelle en la matière montre combien l’adaptation de notre arsenal de lutte contre les risques d’atteinte à la sécurité nationale et à l’ordre public doit s’accompagner d’un ajustement continu et exigeant de nos contrôles juridictionnels. C’est ce dont témoigne aussi la jurisprudence européenne et, en particulier, l’arrêt Digital Rights rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 8 avril 2014, par lequel a été déclarée invalide la directive 2006/24/CE du 24 mars 2006 faisant obligation aux opérateurs de communications électroniques de conserver pendant une durée de 6 à 24 mois les données dites de connexion aux fins de recherches d’infractions graves. La Cour de Luxembourg a en effet estimé que cette obligation représentait une ingérence disproportionnée dans les droits à la vie privée et à la protection des données personnelles, garantis par les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux.

B. Pour parvenir à ces nouveaux équilibres, les voies d’un dialogue permanent et d’une coordination renforcée entre les Etats doivent être approfondies.

            1. Cet approfondissement devrait conduire à la définition de nouveaux standards de protection au niveau international. Je n’en prendrai qu’un exemple.

Au sein de l’Union européenne, a été engagée une refonte du cadre législatif commun, relatif à la protection des données à caractère personnel, et des repères solides ont d’ores et déjà été posés dans l’interprétation des Traités et de la Charte des droits fondamentaux, par la Cour de justice de l’Union. C’est ainsi que, par son arrêt du 13 mai 2014, « Google Spain »[xxxiii], cette Cour a consacré l’obligation, pour l’exploitant d’un moteur de recherche sur internet, de déréférencer des données à caractère personnel, soit en raison de leur  non-conformité aux exigences européennes de qualité[xxxiv], et notamment au regard de leur caractère inexact, incomplet ou non actualisé[xxxv], soit pour des raisons prépondérantes et légitimes tenant à la situation particulière de la personne concernée[xxxvi].

2. Parallèlement à cet approfondissement des garanties individuelles, une réflexion doit être engagée sur leur champ d’application et sur les conditions de leur effectivité.

La transformation numérique emprunte les réseaux ramifiés de la globalisation, elle est transfrontalière dans ses effets et ses acteurs se singularisent par leur forte extranéité. La complexité des règles qui déterminent la loi applicable et la juridiction compétente peut être source d’incertitudes, d’insécurité juridique et de remise en cause des protections nationales. Un socle de règles choisies en raison de leur importance particulière dans la protection des droits fondamentaux ou de l’ordre public devrait être déterminé et rendu applicable dans les pays de destination de l’activité considérée. Comme l’a préconisé le Conseil d’Etat[xxxvii], pourrait être ainsi étendue, au-delà du champ pénal, le principe selon lequel les sites dirigeant leurs activités, par exemple vers l’Union européenne ou la France, sont soumis aux règles de ces territoires. Ce changement de paradigme ne saurait être présenté, d’une manière offensive, comme la promotion d’une extraterritorialité conquérante du droit européen ou national. Il s’agit, bien plutôt, de préserver, d’une manière claire et non contingente, les garanties essentielles adoptées par l’Union et certains Etats au bénéfice de leurs résidents.

 

Parce que nos deux Nations – le Japon et la France - doivent relever les mêmes défis, qui se sont globalisés, elles doivent poursuivre leur tradition d’échanges et de rencontres, dont ces journées juridiques sont une illustration. Ce qui ne signifie pas que les mêmes solutions doivent être mécaniquement transplantées d’une région à une autre du globe. Pour autant, il est clair qu’aujourd’hui plus qu’hier, nous avons des biens communs à protéger et des solutions à élaborer ensemble en réponse aux nouveaux défis auxquels nous sommes confrontés. Ce faisant, nous entretiendrons la relation particulière qui unit la France et le Japon et nous ferons vivre les liens anciens, fondés sur l’écoute réciproque et l’esprit d’ouverture, qui ont depuis longtemps rapproché nos deux civilisations.

 

[i]Texte écrit en collaboration avec Stéphane Eustache, conseiller de tribunal administratif et de cour administrative d’appel, chargé de mission auprès du vice-président du Conseil d’État.

[ii] G. Duby, préface à l’Histoire de la vie privée, sous la direction de P. Ariès et de G. Duby, tome I « De l’Empire romain à l’an mil »,éd. Le Seuil, 1985, p. 10.

[iii] B. Constant, « De la liberté des Anciens comparée, à celle des Modernes », discours prononcé à l’Athénée royal de Paris, février 1819, in Ecrits politiques, éd. Folio essais, 1997,  p. 595.

[iv]Au sens où l’entend N. Elias dans La civilisation des mœurs, éd. Pocket, 2002 et dans La dynamique de l’Occident, éd. Pocket, 2003, trad. P. Kamnitzer.

[v] Ainsi que l’a montré L. Dumont dans ses Essais sur l’individualisme, une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, éd. Le Seuil, 1983.

[vi]Depuis un article séminal de S. D. Warren et L. D. Brandeis, « The Right to Privacy », Harvard Law Review, 4, 1890, p. 193-220.

[vii]Voir sur ce point : J.-L. Halpérin, « L’essor de la « privacy » et l’usage des concepts juridiques », Droit et société, 61/2005, p. 765 et « Protection de la vie privée et privacy : deux traditions juridiques différentes ? », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 1er juin 2015, n°48, p. 59.

[viii] Cette protection est assurée sur le fondement du IVème amendement de la Constitution américaine : voir les deux arrêts fondateurs de la Cour suprême des Etats-Unis Griswold v. Connecticut (1965), en ce qui concerne l’emploi de moyens contraceptifs par des personnes mariées, et Katz v. USA (1967), en ce qui concerne des écoutes téléphoniques.

[ix] Voir, dès la période révolutionnaire, l’art. 17 de la Constitution de 1791 réprimant les « calomnies et injures contre quelques personnes que ce soit relatives aux actions de leur vie privée » ; voir, au XIXème siècle, les lois du 17 mai 1819, du 11 mai 1868 et du 29 juillet 1881 sur la presse. Ce courant se rattache à l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen qui dispose : « La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux Membres de la Société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. »

[x]Arita v. Mishima, 15 Kakminshū 2317 (Tokyo Dist. Ct., Sept. 28, 1964). Voir sur ce point : P. R. Luney et K. Takahashi, Japanese Constitutional  Law, Tokyo, University of Tokyo Press, 1993, p. 235-236.

[xi]Au terme duquel « Tous les nationaux devront être respectés comme individus. Leur droit à la vie, à la liberté, à la poursuite du bonheur, dans la mesure où il ne fait pas obstacle au bien-être public, demeure le souci suprême du législateur et des autres responsables du gouvernement ».

[xii] Voir sur ce point : V. Mazeaud, « La constitutionnalisation du droit au respect de la vie privée », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 1er juin 2015, n°48, p. 7.

[xiii]CC n°94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi d’orientation et de programmation relative à la sécurité.

[xiv] CC n°99-416 DC du 23 juillet 1999, Loi portant création d’une couverture maladie universelle.

[xv] CC n°83-164 DC du 29 décembre 1983, Loi de finances pour 1984.

[xvi] CC n°76-75 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant la visite des véhicules en vue de la recherche et de la prévention des infractions pénales.

[xvii]Voir, par exemple le commentaire du Conseil constitutionnel sur CC n°2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres.

[xviii] CEDH 16 décembre 2012, Niemetz c. Allemagne, n°13710/88, §29.

[xix]F. Sudre, Jurisclasseur Europe Traité, fasc. 6524, p. 11 ; voir également sur ce point : F. Sudre, « La ‘construction’ par le juge européen du droit au respect de la vie privée », in Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme, éd. Bruylant-Némésis, 2005.

[xx] Voir notamment CEDH, Grande chambre, 9 octobre 2003, Slivenko c. Lettonie, n°48321/99, §96 et CEDH 27 octobre 2004, Sidabras et Dziautas c. Lituanie, n° 55480/00, §47. Voir, en droit de l’Union européenne : CJUE 9 novembre 2010, Volket und Markus Schecke GbR, C-92/09.

[xxi] CEDH 11 octobre 2011, Genovese c. Malte, n° 53124/09, §33.

[xxii]CEDH 3 avril 2007, Copland c. Royaume-Uni, n°62617/00.

[xxiii]CEDH 29 avril 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, n°2436/02 et CEDH, Grande chambre, 10 avril 2007, Evans c/ Royaume-Uni, n°6339/05.

[xxiv]Voir notamment deux affaires tranchées par la Cour suprême japonaise : affaire Gekkan Pen v. Japan, 35 Keishū 34 (Sup. Ct., 1st P.B., Apr. 16, 1981) et affaire Ona v. Igarashi, 40 Minshū 872 (Sup. Ct., G.B., June 11, 1986). Voir sur ce point : L. W. Beer, « Freedom of Expression : the Continuing Revolution », Law and Contemporary Problems, vol. 53, n°2, Spring 1990.

[xxv] Par un arrêt du 24 juin 2004, Von Hannover c/ Allemagne (n°59320/00), la Cour a déclaré que les juridictions allemandes n’ont pas opéré une juste mise en balance entre la protection de la vie privée et la liberté d’expression, au motif, notamment, que les photographies litigieuses ne portaient pas sur un débat d’intérêt général et que le critère de l’isolement spatial utilisé par ces juridictions n’était pas suffisant pour assurer une protection effective de la vie privée de la requérante. De nouvelles photographies ayant été publiées, la Cour fédérale de justice, par un arrêt du 6 mars 2007 (n°VI ZR 51/06), puis la Cour constitutionnelle fédérale, par un arrêt du 26 février 2008 (n°1 BvR 1606/07), se sont approprié les critères d’appréciation dégagés par la Cour de Strasbourg dans son arrêt du 24 juin 2004. Par un arrêt de Grande chambre du 7 février 2012, Von Hannover c/ Allemagne (n°2, n°40660/08), la Cour de Strasbourg a ainsi constaté « qu’en conformité avec sa jurisprudence, les juridictions nationales ont procédé à une mise en balance circonstanciée du droit des sociétés d’édition à la liberté d’expression avec le droit des requérants au respect de leur vie privée » (§124). La Cour a, en outre, relevé « que les juridictions nationales ont explicitement pris en compte [sa] jurisprudence en la matière » (§125). Cet arrêt du 7 février 2012 a, ensuite, été confirmé par un arrêt du 17 février 2014, Von Hannover c/ Allemagne (n°3), n°8772/10

[xxvi] CEDH, Grande chambre, 7 février 2012, Von Hannover c/ Allemagne (n°2, n°40660/08).

[xxvii]Voir, notamment, CEDH 19 septembre 2013, Von Hannover c. Allemagne, n°8772/10 (a été reconnue comme une information contribuant à un débat d’intérêt général « la tendance des personnes célèbres de mettre leurs résidences de vacances en location ») et CEDH 14 janvier 2014, Ruusune c. Finlande, n°73579/10 (a été reconnu comme contribuant à un débat d’intérêt général un ouvrage relatif à la vie privée du Premier ministre finlandais).

[xxviii]CC n°2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité, cons. 8. Voir sur ce point : D. Ribes, « Atteintes publiques et atteintes privées au droit au respect de la vie privée dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel », Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 1er juin 2015, n°48, p. 35.

[xxix]Voir en ce qui concerne la création d’un « fichier central commun » : CC n°2012-652 DC du 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité.

[xxx]Voir en ce qui concerne la création d’un « registre national des crédits aux particuliers » : CC n°2014-690 DC du 13 mars 2014, Loi relative à la consommation.

[xxxi] CC n°2015-713 DC du 23 juillet 2015, Loi relative au renseignement.

[xxxii]CC n°2015-478 QPC du 24 juillet 2015, Association French Data Network et autres.

[xxxiii]CJUE, Grande chambre, 13 mai 2014, Google Spain SL, Google Inc. c/ Agencia Española de Protección de Datos (AEPD), Mario Costeja González, C-131/12.

[xxxiv]Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

[xxxv] Droit consacré sur le terrain de l’art. 12 de la directive 95/46 mentionnée ci-dessus.

[xxxvi]Droit consacré sur le terrain de l’art. 14 de la directive 95/46 mentionnée ci-dessus.

[xxxvii]Le numérique et les droits fondamentaux, étude annuelle 2014 du Conseil d’Etat, éd. La documentation française, p. 243.