Covid-19 : l’État a respecté ses obligations légales en matière de préparation et de réponse aux alertes et crises sanitaires

Décision de justice
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Saisi par des proches de personnes décédées de la covid-19 qui demandaient à être indemnisés par l’État, le Conseil d’État rappelle aujourd’hui dans quelles conditions la responsabilité de l’État peut être engagée en matière de préparation et de réponse aux alertes et crises sanitaires. Après avoir examiné les obligations que la loi met à la charge de l’État en cette matière, il juge que ces obligations ont été respectées dans les affaires jugées ce jour : l’État s’est préparé depuis 2004 à l’émergence d’un agent respiratoire hautement pathogène et a mis en œuvre, dès le début et au cours de la pandémie, des mesures appropriées au contexte et cohérentes avec les recommandations scientifiques.

Plusieurs familles de personnes décédées des suites d’une contamination par la covid-19 ont saisi la justice administrative pour demander une indemnisation des préjudices subis du fait de fautes qui auraient été commises par l’État dans la préparation et la gestion de la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19. Ces familles estimaient que l’État n’avait pas constitué un stock suffisant de masques en amont de l’épidémie et qu’il avait commis des fautes dans la gestion de la crise, en particulier s’agissant de la communication sur l’utilité du port du masque par la population, de la gestion de la pénurie de masques et de gel hydroalcoolique, de la stratégie de dépistage et de la date, qu’elles jugeaient trop tardive, à laquelle a été prise la décision de confiner la population.

Saisi de ces litiges après le tribunal administratif et la cour administrative d’appel de Paris, le Conseil d’État précise aujourd’hui les obligations qui incombent à l’État en matière de préparation et de réponse aux alertes et crises sanitaires. La loi confie en effet à l’État – conformément à l’objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé – une mission de préparation aux alertes et crises sanitaires, qui consiste à assurer une veille sur les risques sanitaires graves susceptibles de menacer la population et, afin de prévenir et limiter les effets sur la santé des différentes menaces possibles, de définir, en l’état des connaissances et au regard des moyens dont il dispose ou auxquels il peut faire appel, les mesures destinées à s’y préparer. Elle lui confie également une mission de gestion de ces alertes et crises, qui consiste, en cas d’alerte ou de crise sanitaire, à prendre les mesures appropriées aux circonstances de temps et de lieux pour la protection de la population et la prise en charge des victimes.

L’État s’était préparé dès 2004 au risque d’émergence d’un agent respiratoire hautement pathogène

Dans le cas de la pandémie de covid-19, s’agissant de la préparation à la crise, le Conseil d’État relève que l’État a identifié dès 2004 le risque d’émergence d’un agent respiratoire hautement pathogène, qu’il a élaboré, à compter de cette date, une doctrine de constitution et d’utilisation de plusieurs niveaux de stock de masques qui a été régulièrement réévaluée et a notamment tenu compte des enseignements de la gestion de l’épisode de grippe A (H1N1) survenu en 2009 et des recommandations du Haut Conseil de la santé publique, et qu’il a constitué un stock stratégique national de 100 millions de masques chirurgicaux destinés aux personnes malades, à leur entourage, les employeurs privés et publics, y compris les établissements de santé et médico-sociaux, étant responsables de la constitution de stocks de masques pour leur personnel. Le Conseil d’État juge qu’une telle préparation à la crise ne traduit pas de faute. Le fait d’avoir pu constater, a posteriori, que le nombre de masques disponibles au sein du stock national s’était révélé insuffisant pour répondre aux besoins de protection de toute la population ne conduit pas à retenir que l’État aurait manqué à ses obligations légales en matière de préparation aux crises sanitaires susceptibles de survenir.

Une communication et des mesures adaptées à la situation constatée en France

S’agissant de la réponse à la crise sanitaire liée à la pandémie de covid-19, le Conseil d’État relève d’abord que la communication en deux temps des autorités publiques, qui a consisté, entre fin février et fin mars 2020, à préconiser que le port du masque soit réservé en priorité aux personnes symptomatiques et aux professionnels de santé, puis, à partir de début avril 2020, à inciter le grand public à porter des masques « alternatifs », était cohérente avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé, du Haut Conseil de la santé publique et des sociétés savantes et adaptée au contexte de pénurie mondiale de masques.

Le Conseil d’État observe ensuite que des commandes massives de masques ont été effectuées par Santé Publique France dès la fin du mois de février 2020, complétées par des réquisitions auprès des personnes morales de droit public et privé, et que le choix de distribuer ces masques en priorité aux professionnels de santé et aux établissements de santé était cohérent avec les recommandations scientifiques. Il estime enfin que des mesures ont été rapidement prises pour faciliter la production de solutions hydroalcooliques, que la stratégie de dépistage retenue était adaptée aux difficultés d’approvisionnement en réactifs chimiques et que la situation constatée en France avant le 16 mars 2020, eu égard au nombre de contaminations et au nombre de patients hospitalisés, ne justifiait pas de prendre, avant cette date, une mesure de confinement généralisé de la population. Il en déduit que l’État a aussi respecté ses obligations légales en matière de réponse aux alertes et crises sanitaires.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Conseil d’État juge que les conditions de l’indemnisation de fautes qui auraient été commises par l’État dans la mise en œuvre de sa mission de préparation ou de réponse aux alertes et crises sanitaires ne sont pas remplies.

 

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