Le Conseil d’État annule l’arrêté ministériel rendant obligatoire la nouvelle convention d’assurance chômage, qui ne sera plus applicable à compter du 1er mars 2016.
L’essentiel :
Diverses associations et salariés ont attaqué l’arrêté du 25 juin 2014 du ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social rendant obligatoire la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage.
Le Conseil d’État a estimé illégal le dispositif de « différé d’indemnisation ». Un tel dispositif est possible dans son principe, mais les modalités prévues par la convention pouvaient aboutir à priver certains salariés licenciés illégalement de toute indemnisation des préjudices autres que la perte de revenus liée au licenciement.
Pour garantir la continuité du système de l’assurance-chômage, le Conseil d’État a reporté au 1er mars 2016 l’annulation de l’arrêté ministériel rendant obligatoire la nouvelle convention d’assurance chômage du 14 mai 2014, sauf en ce qui concerne la récupération des prestations versées à tort et des obligations déclaratives des assurées.
Le cadre juridique et la procédure :
Le système de l’assurance-chômage est organisé par le code du travail, qui prévoit qu’une grande partie des dispositions d’application est négociée par les partenaires sociaux. La convention relative à l’assurance chômage, à laquelle sont annexés un certain nombre de textes, fait ensuite l’objet d’un agrément par le ministre chargé du travail, qui rend cette convention obligatoire pour tous les employeurs et salariés concernés.
Diverses associations et salariés ont demandé au Conseil d’État d’annuler l’arrêté du 25 juin 2014 du ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social portant agrément de la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage ainsi que des divers textes qui sont annexés à cette convention.
La décision du Conseil d’État :
Pour optimiser l’allocation des ressources de l’assurance chômage, la convention a prévu qu’il serait possible de différer, pour une durée limitée, le point de départ du versement des allocations-chômage, en fonction des ressources dont bénéficie le salarié licencié. Ce mécanisme ne réduit pas la durée des droits de l’assuré mais limite le montant des allocations versées dans le cas où l’intéressé retrouve du travail avant l’expiration de ses droits.
Ce « différé d’indemnisation » ne prend pas en compte les indemnités dues en vertu de la loi. En revanche, il tient notamment compte des indemnités accordées par le juge au salarié licencié lorsque le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse. Dans la mesure où la loi prévoit que, dans ce cas, le salarié a droit à un minimum d’indemnité équivalent à six mois de salaire, ces six mois ne sont pas pris en compte pour le calcul du différé d’indemnisation. Toutefois, ce minimum légal ne joue ni pour les salariés qui ont moins de deux ans d’ancienneté ni pour ceux qui travaillent dans des entreprises de moins de onze salariés : c’est le montant total de leur indemnité qui est pris en compte pour le calcul du différé d’indemnisation.
Le Conseil d’État reconnaît qu’il est possible aux partenaires sociaux de prévoir un tel système de « différé d’indemnisation », limité dans sa durée, dans le but d’équilibrer le régime d’assurance chômage. Mais il considère que, si un tel système peut prévoir, de manière forfaitaire, la part d’indemnité à prendre en compte dans le calcul du différé d’indemnisation, pour tenir compte de ce que l’indemnité couvre la perte de revenu du salarié qui ne peut pas normalement se cumuler avec les prestations d’assurance chômage, il ne peut pas, sauf à porter atteinte au droit à réparation des salariés, aller jusqu’à tenir compte de la totalité de l’indemnité octroyée au salarié, qui répare aussi d’autres préjudices que la perte de revenu.
Or s’agissant des salariés de moins de deux ans d’ancienneté ou travaillant dans des entreprises de moins de onze salariés, tout le montant de l’indemnité pour licenciement abusif peut être pris en compte. Le Conseil d’État constate que, ce faisant, le système prévu par la convention porte atteinte au droit à réparation du salarié et est illégal.
Il a par ailleurs constaté que ce mécanisme du « différé d’indemnisation » était un des éléments clés retenus par les partenaires sociaux pour assurer l’équilibre de l’assurance chômage, et notamment pour compenser le coût de mesures nouvelles visant à inciter à la reprise d’un emploi. L’illégalité des modalités du « différé d’indemnisation » remet donc en cause l’ensemble de la convention.
Cependant, une annulation immédiate de l’arrêté ministériel d’agrément de la convention relative à l’assurance chômage impliquerait une rupture de la continuité du régime d’assurance chômage, du fait de la disparition des règles régissant le recouvrement des cotisations et le versement des allocations. Le Conseil d’État a donc décidé de différer son annulation au 1er mars 2016, sauf pour les dispositions de la convention concernant la récupération des prestations versées à tort et les obligations déclaratives des assurés, illégales aussi pour d’autres motifs, qui sont divisibles du reste de la convention et sont annulées immédiatement. La convention restera applicable jusqu’au 1er mars 2016, à l’exception des dispositions annulées immédiatement. Elle ne pourra plus l’être ultérieurement. Une nouvelle convention devra être signée et agréée pour fixer les règles applicables à partir du 1er mars 2016.