Le juge des référés du Conseil d’État estime que les contrôles pratiqués à la frontière franco-italienne et à sa proximité ne font pas apparaître de méconnaissance manifeste du cadre légal et ne reviennent pas à rétablir un contrôle systématique à la frontière.
L’essentiel :
Le juge des référés du Conseil d’État rappelle que la suppression du contrôle systématique aux frontières intérieures de l’espace Schengen n’empêche pas les autorités françaises d’effectuer des contrôles d’identité ou de titres.
Il rappelle que si un contrôle particulier est opéré dans des conditions irrégulières, il appartient à l’intéressé de saisir la juridiction compétente de son cas particulier.
Il rejette par conséquent la demande en référé des requérants.
Il estime que les contrôles qui ont lieu actuellement à la frontière franco-italienne et à sa proximité n’excèdent pas manifestement le cadre légal, que ce soit par leur ampleur, leur fréquence ou leurs modalités de mise en œuvre. Ces contrôles ne sont donc pas équivalents à un rétablissement d’un contrôle permanent et systématique à la frontière franco-italienne.
Les faits et la procédure :
Depuis quelques semaines, les forces de l’ordre effectuent de nombreux contrôles d’identité et de titres de séjour dans le département des Alpes-Maritimes. Ces contrôles ont lieu tant à la frontière que dans certaines villes à l’intérieur du territoire français ou dans les trains en provenance d’Italie.
Des associations et des migrants ont saisi le juge des référés du Conseil d’État d’un référé-liberté. Ils soutenaient que cette recrudescence des contrôles revenait à rétablir un contrôle systématique à la frontière, ce qui serait contraire aux règles européennes. Ils soutenaient également que ces contrôles sont discriminatoires.
La procédure du référé liberté, prévue par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Pour obtenir satisfaction, le requérant doit justifier d’une situation d’urgence qui nécessite que le juge intervienne dans les quarante-huit heures.
Le cadre juridique :
Étaient en cause les modalités de contrôle à la frontière ou à proximité de la frontière franco-italienne. L’article 20 du règlement européen relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (« code frontière Schengen ») prévoit que les frontières intérieures, en particulier la frontière franco-italienne, « peuvent être franchies en tout lieu sans que des vérifications aux frontières soient effectuées sur les personnes quelle que soit leur nationalité ».
Cependant, cette disposition n’a pas aboli toute possibilité de contrôle à la frontière ou à proximité de la frontière :
- ce même règlement prévoit à son article 21 que les Etats peuvent exercer leurs « compétences de police » dans la mesure où celles-ci ne sont pas équivalentes à un contrôle systématique ;
- l’article 78-2 du code de procédure pénale prévoit un régime spécifique de contrôle d’identité dans une zone de 20 km le long de la frontière avec les Etats membres de l’espace Schengen ;
- enfin, sur tout le territoire, l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile prévoit que les personnes de nationalité étrangère doivent être en mesure de présenter les titres les autorisant à circuler ou séjourner en France et peuvent, dans certaines conditions, faire l’objet de contrôles, même en dehors d’un contrôle d’identité.
La décision du Conseil d’État :
Après avoir rappelé ce cadre juridique, le juge des référés du Conseil d’État rappelle que des contrôles d’identité peuvent donc, dans le respect des conditions légales, être organisés à la frontière franco-italienne et à sa proximité. Ces contrôles peuvent être décidés par le préfet ou le procureur. Le juge des référés estime qu’au vu des éléments dont il dispose et des informations recueillies à l’audience, ces contrôles n’excèdent pas manifestement le cadre légal, que ce soit par leur ampleur, leur fréquence ou leurs modalités de mise en œuvre, Ces contrôles, par conséquent, ne sont pas équivalents à un rétablissement d’un contrôle permanent et systématique à la frontière franco-italienne.
Il rappelle également que si les requérants estiment que tel ou tel contrôle particulier a été effectué dans des conditions irrégulières, notamment discriminatoires, il leur appartient de saisir la juridiction compétente de leur cas particulier. La contestation d’un contrôle particulier, en effet, ne se fait jamais directement devant le Conseil d’État mais, selon les cas, devant le juge judiciaire ou devant le tribunal administratif.
Le juge des référés du Conseil d’État juge ainsi qu’il n’y a pas, au vu des éléments dont il dispose et des informations recueillies à l’audience, d’atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Il rejette donc la demande en référé.