Saisi de contestations de la contribution additionnelle de 3% (art. 235 ter ZCA du code général des impôts), le Conseil d’État renvoie une QPC au Conseil constitutionnel et pose une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
L’article 6 de la loi de finances rectificative pour 2012 (du 16 août 2012) a introduit dans le code général des impôts l’article 235 ter ZCA, dont la rédaction a ensuite été modifiée, en dernier lieu par la loi de finances rectificative pour 2015 (du 29 décembre 2015). Cet article 235 ter ZCA instaure une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, au titre des montants distribués à leurs associés ou actionnaires par les sociétés ou organismes passibles de l’impôt sur les sociétés en France. La contribution est égale à 3% des montants distribués. L’article 235 ter ZCA prévoit également plusieurs exonérations de la contribution additionnelle, dont l’une concerne les groupes fiscalement intégrés au sens de l’article 223 A du code général des impôts.
L’article 235 ter ZCA a fait l’objet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), sur lesquelles le Conseil d’État s’est prononcé aujourd’hui.
La QPC est la procédure, prévue par l'article 61-1 de la Constitution, par laquelle tout justiciable peut soutenir, à l'occasion d'une instance devant une juridiction administrative comme judiciaire, « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Lorsqu’une question prioritaire de constitutionnalité est transmise par une juridiction administrative au Conseil d’État ou qu’elle est soulevée directement devant lui, le Conseil d’État procède, dans un délai de trois mois, à son examen. Il renvoie la question au Conseil constitutionnel si la loi contestée est applicable au litige, si elle n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution et si la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.
Les QPC dirigées contre l’article 235 ter ZCA critiquaient cet article principalement sous deux angles :
- en premier lieu, des requérants critiquaient spécifiquement l’exonération relative aux groupes fiscalement intégrés. Ils estimaient que le fait de réserver cette exonération aux seules sociétés bénéficiant du régime de l’intégration fiscale méconnaît les principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
- en second lieu, des requérants critiquaient le principe même de la contribution additionnelle. Ils estimaient que le juge, pour assurer le respect du droit de l’Union européenne (UE), n’appliquerait pas la loi aux redistributions de bénéfices provenant de filiales d’autres Etats membres de l’UE, qui sont dans le champ d’application de ce droit, mais continuerait de l’appliquer aux autres distributions, qui ne sont pas dans son champ d’application. Ils en déduisaient que l’article 235 ter ZCA, dans son entier, conduit à une violation des principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.
Par les décisions qu’il a rendues aujourd’hui, le Conseil d’État s’est prononcé sur ces deux points :
- en premier lieu, le Conseil d’État a jugé que les critiques portant sur l’exonération relative aux groupes fiscalement intégrés soulevaient une question présentant un caractère sérieux. Il a, par conséquent, renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution des dispositions de l’article 235 ter ZCA portant spécifiquement sur cette exonération. Le Conseil constitutionnel se prononcera sur ces dispositions dans les trois mois. Il appartiendra ensuite aux juges saisis des litiges (Conseil d’État ou tribunal administratif selon les dossiers) de faire application de la décision du Conseil constitutionnel pour trancher le fond des litiges.
- En second lieu, en ce qui concerne les critiques portant sur le principe même de la contribution additionnelle, le Conseil d’État s’est inscrit dans la ligne de sa jurisprudence et de celle du Conseil constitutionnel.
Il a jugé qu’en l’état, les critiques n’étaient pas sérieuses, car le juge de l’impôt n’avait pas donné une interprétation du droit de l’Union le conduisant à écarter l’application de la loi aux redistributions de bénéfices provenant de filiales d’autres Etats membres de l’UE ; la loi s’applique donc uniformément à toutes les distributions.
Il a ensuite jugé que la question d’interprétation du droit de l’Union posait une difficulté sérieuse ; il a donc transmis une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Le Conseil d’État a enfin précisé que, lorsque l’incertitude quant à l’interprétation de la loi et quant à sa conformité au droit de l’Union sera levée, à la suite de la réponse de la CJUE, une nouvelle QPC pourrait être posée si les requérants l’estiment utile.