Le Conseil d’État précise les modalités selon lesquelles un acte réglementaire peut être contesté
L’Essentiel :
• Un décret du 29 mars 2017 recense les emplois ou types d'emplois des établissements publics administratifs de l'État pouvant être pourvus par des agents contractuels.
• Plusieurs syndicats de fonctionnaires ont contesté ce décret en tant qu’il concerne l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). L’un des syndicats a introduit un recours pour excès de pouvoir dans les deux mois suivant la publication du décret ; l’autre a demandé au Premier ministre d’abroger ce décret et a ensuite attaqué le refus opposé à sa demande.
• Par les décisions de ce jour, le Conseil d’État rejette ces deux recours, en précisant les modalités selon lesquelles un acte réglementaire tel que celui en litige peut être contesté, dans le délai de recours contentieux de deux mois et après l’expiration de ce délai.
Les faits et la procédure :
Le décret n° 2017-436 du 29 mars 2017 recense les emplois ou types d'emplois des établissements publics administratifs de l'État qui requièrent des qualifications professionnelles particulières indispensables à l'exercice de leurs missions spécifiques et non dévolues à des corps de fonctionnaires, et qui justifient le recrutement d'agents contractuels.
Un syndicat de fonctionnaires, le syndicat CGT de l’administration centrale et des services des ministères économiques et financiers et du Premier ministre, a demandé au Conseil d’État l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret en tant qu’il concerne l’INPI dans le délai de recours de deux mois suivant sa publication au Journal officiel (affaire n° 411045).
Un autre syndicat de fonctionnaires, la Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT, a demandé au Premier ministre d’abroger ce décret en tant qu’il concerne les emplois de l’INPI. Cette demande a été rejetée et la fédération a contesté ce refus devant le Conseil d’État.
Les décisions de ce jour :
Par les décisions de ce jour, l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État, soit sa formation de jugement la plus solennelle, rejette ces deux recours, en précisant selon quelles modalités les actes réglementaires, tels que le décret en cause, peuvent être contestés devant le juge administratif.
Toute personne qui justifie d’un intérêt pour agir peut demander au juge administratif l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte réglementaire, dans les deux mois qui suivent sa publication. Dans le cadre d’un tel recours, dit « par la voie de l’action », le juge contrôle la compétence de l’auteur de l’acte, les conditions de forme et de procédure dans lesquelles il a été édicté, l’existence d’un détournement de pouvoir et la légalité des règles générales et impersonnelles qu’il énonce.
Le délai de recours expiré, la contestation par la voie de l’action n’est plus possible. D’autres moyens permettent néanmoins de remettre en cause à tout moment un acte réglementaire. D’une part, cet acte peut être contesté par la voie dite « de l’exception », à l’occasion d’un recours contre une décision qui trouve son fondement ou a été prise pour l’application de cet acte réglementaire. D’autre part, il est possible de demander, à tout moment, à l’auteur de cet acte de l’abroger, c'est-à-dire d’y mettre fin pour l’avenir et, dans l’hypothèse d’un refus, de contester ce refus devant le juge.
Dans le cadre de ces deux contestations, les requérants peuvent toujours critiquer la légalité des règles fixées par l’acte réglementaire, qui ont vocation à s’appliquer de façon permanente à toutes les situations entrant dans son champ d’application, ainsi que la compétence de l’auteur de l’acte et l’existence d’un détournement de pouvoir. Ils ne peuvent en revanche remettre en cause à ce stade les conditions de forme et de procédure dans lesquelles cet acte a été édicté.
Par cette décision, le Conseil d’État ajuste l’équilibre entre sécurité juridique et principe de légalité, dans le souci de renforcer la première.
Appliquant cette nouvelle grille aux litiges dont il était saisi, le Conseil d’État écarte comme inopérantes les critiques mettant en cause, à l’appui du recours contre le refus d’abroger le décret (affaire n° 414583), l’irrégularité des consultations préalables à l’édiction du décret. Les autres critiques se rapportant à la légalité des règles fixées par le décret sont écartées comme non fondées.