Le Conseil d’État juge qu’il appartient au Conseil supérieur de la magistrature d’émettre dans tous les cas un avis portant sur les mérites de la candidature d’un magistrat à un poste, y compris lorsqu’il s’agit d’un « magistrat placé ».
L’essentiel :
- les « magistrats placés », qui sont appelés à effectuer des remplacements et à apporter un concours temporaire en cas de surcharge d’une juridiction, bénéficient d’un droit à être nommé, après deux ans de fonctions, dans certains tribunaux du même département ;
- le Conseil d’État précise que le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) demeure cependant compétent pour apprécier, dans ce cas particulier comme dans tous les autres cas, l’adéquation d’une candidature au poste à pourvoir ;
- en l’espèce, le Conseil d’État rejette le recours d’un magistrat placé qui n’avait pas été nommé au poste sur lequel il se portait candidat en raison de l’avis non conforme du CSM.
Les faits, la procédure et le cadre juridique :
Le statut de la magistrature prévoit que certains magistrats peuvent être « placés auprès du premier président et du procureur général d'une cour d'appel ». Dans ce cas, ces « magistrats placés » ont des fonctions particulières : ils n’occupent pas un poste permanent mais sont chargés de remplacer un magistrat absent ou d’apporter un renfort temporaire lorsqu’une chambre d’une juridiction est confrontée à des charges particulièrement importantes.
Le statut de la magistrature prévoit également qu’après deux ans de fonction, les « magistrats placés » sont nommés, sur leur demande, dans le tribunal de grande instance du siège de leur cour d’appel ou dans le tribunal le plus important du département.
Par ailleurs, selon l’article 65 de la Constitution, la nomination d’un magistrat du siège est normalement soumise à un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) : le Président de la République ne peut nommer un magistrat du siège qu’avec l’accord du CSM.
En l’espèce, un « magistrat placé » avait demandé à être nommé sur un emploi de juge d’instruction au tribunal de grande instance de Paris, mais le CSM avait émis un avis non conforme. Le président de la République avait par la suite nommé un autre magistrat sur le poste vacant.
Le magistrat placé qui s’était porté candidat demandait l’annulation de cette procédure et de cette nomination. Il soutenait que l’avis du CSM ne pouvait pas faire obstacle au droit d’être nommé garanti aux « magistrats placés ».
La décision du Conseil d’Etat :
Le Conseil d’État rappelle d’abord que l’exigence d’un avis conforme du CSM pour les nominations des magistrats du siège, tels les juges d’instruction, est prévue par l’article 65 de la Constitution, constitue une garantie essentielle de l’indépendance de l’autorité judiciaire et concourt au bon fonctionnement de l’institution judiciaire.
Il en déduit que le statut de « magistrat placé » donne effectivement le droit d’être nommé, après deux ans de fonctions, soit dans le tribunal de grande instance du lieu de la cour d’appel, soit dans le plus important du département. A ce titre, l’administration est obligée, si le « magistrat placé » est candidat, de proposer sa nomination et de la soumettre au CSM. En revanche, le CSM n’est pas lié par cette proposition : il doit apprécier les mérites du candidat et son adaptation au poste à pourvoir en tenant compte des droits spécifiques des « magistrats placés ». Si le CSM estime que la candidature au poste sollicité est inadéquate au regard des aptitudes de l’intéressé, des exigences déontologiques et des besoins de l’institution judiciaire, il peut émettre un avis non conforme qui empêche sa nomination. L’ appréciation qu’il porte dans le cadre de cet avis n’est soumise qu’à un contrôle restreint à l’erreur manifeste.
Appliquant ces principes au cas d’espèce, le Conseil d’État a jugé que l’avis non conforme du CSM avait été légalement rendu dans ce cadre. Il a par ailleurs écarté les autres critiques de l’intéressé et donc rejeté son recours.