Communication de documents relatifs à un compte de campagne

Décision de justice
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Communication de documents relatifs à un compte de campagne à l’élection présidentielle de 2007 : le Conseil d’État rejette le pourvoi de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

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L’Essentiel
•    Le Conseil d’État était saisi d’un pourvoi en cassation de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) contre un jugement du tribunal administratif de Paris enjoignant à la Commission de communiquer à une journaliste et à Mediapart divers documents relatifs au compte de campagne déposé par M. Sarkozy au titre de sa candidature à l’élection présidentielle de 2007.
•    Le Conseil d’État a estimé, comme le tribunal administratif, que la loi du 17 juillet 1978 relative à la communication des documents administratifs était applicable à ce litige, et que cette loi donnait effectivement le droit à la journaliste et à Mediapart d’obtenir la communication des documents qu’ils demandaient.
•    Il a donc confirmé le jugement du tribunal et rejeté le pourvoi de la CNCCFP, qui devra communiquer les documents demandés.

Les faits et la procédure
Une journaliste de Mediapart ainsi que la société d’édition de Mediapart ont demandé à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de leur communiquer un certain nombre de documents relatifs à la procédure de contrôle, par cette autorité administrative indépendante, du compte de campagne déposé par M. Nicolas Sarkozy au titre de sa candidature à l’élection présidentielle de 2007. Il s’agit notamment du questionnaire adressé par les rapporteurs de la CNCCFP à M. Sarkozy et au trésorier de sa campagne, ainsi que des réponses fournies à ce questionnaire.
Les requérants fondaient leur demande sur la loi du 17 juillet 1978. Cette loi crée le droit, pour toute personne, de demander à une administration la communication d’un « document administratif», tout en apportant à ce droit de communication un certain nombre d’exceptions et de limites.
Cette demande, après avoir fait l’objet d’un avis de la Commission d’accès aux documents administratifs, a été rejetée par le président de la CNCCFP qui, par une décision du 12 juillet 2012, a refusé de communiquer les documents sollicités.
Les requérants ont contesté ce refus devant le tribunal administratif de Paris. Dans un jugement du 3 juin 2014, le tribunal a estimé que la CNCCFP était tenue de faire droit à leur demande en application de la loi du 17 juillet 1978. Il a, en conséquence, annulé la décision du président de la CNCCFP et enjoint à cette autorité de procéder à la communication demandée, à la condition que certaines mentions nominatives figurant dans ces documents soient occultées.
La CNCCFP s’est pourvue en cassation contre ce jugement devant le Conseil d’État, et a assorti son pourvoi d’une demande de sursis à exécution. Le 23 juillet 2014, le Conseil d’État a décidé de surseoir provisoirement à la communication ordonnée par le tribunal administratif, dans l’attente du jugement définitif de l’affaire.

La décision du Conseil d’État
Après avoir précisé quelques points de procédure contentieuse, le Conseil d’État a, tout d’abord, jugé que la loi du 17 juillet 1978 était bien applicable à ce litige.
La question de l’applicabilité de cette loi générale relative à la communication des documents administratifs pouvait en effet se poser, dès lors que la Constitution elle-même, à son article 6, renvoie à une loi organique spécifique le soin de déterminer l’ensemble des modalités d’organisation et de contrôle de l’élection du Président de la République. La loi organique du 6 novembre 1962 confie ainsi à la CNCCFP, sous le contrôle du Conseil constitutionnel, la mission d’approuver, de rejeter ou de corriger les comptes de campagne des candidats à cette élection. Or cette loi organique ne prévoit pas expressément la possibilité d’obtenir communication des documents relatifs à cette mission de contrôle.
Mais le Conseil d’État a relevé que le régime de communication des documents produits ou reçus par la CNCCFP ne se rattachait pas directement aux modalités d’organisation et de contrôle de l’élection du Président de la République, et n’entrait donc pas dans le domaine réservé par la Constitution à la loi organique. En l’absence de toute autre disposition législative particulière traitant de cette question et dérogeant à la loi du 17 juillet 1978, le Conseil d’Etat en a déduit que le litige devait être réglé dans le cadre de cette loi.
Le Conseil d’État a, ensuite, jugé que les requérants avaient effectivement droit, sur le fondement de la loi du 17 juillet 1978, à la communication des documents demandés.
Le Conseil d’État a relevé que tous les documents détenus par la CNCCFP qui justifient les écritures figurant dans le compte de campagne d’un candidat à l’élection présidentielle constituent des « documents administratifs » susceptibles d’être communiqués en application de la loi du 17 juillet 1978.
Le Conseil d’État a cependant précisé que ces documents ne pouvaient pas être communiqués à tout moment. En particulier, la loi fait obstacle à leur communication tout au long de la phase de contrôle des comptes par la CNCCFP ainsi que, en cas de recours contre la décision de la CNCCFP devant le Conseil constitutionnel, pendant l’examen de ce recours par le Conseil. Ce n’est donc qu’à partir de l’expiration du délai de recours contre la décision de la CNCCFP statuant sur les comptes d’un candidat ou, en cas de recours, à partir de la décision du Conseil constitutionnel, que la CNCCFP peut valablement être saisie d’une demande de communication. Tel était bien le cas en l’espèce.
Enfin, le Conseil d’État a jugé que les documents demandés n’entraient dans le champ d’aucune autre des exceptions au droit de communication prévues par la loi du 17 juillet 1978.
Le Conseil d’État a donc confirmé, en tout point, le jugement du tribunal administratif de Paris. Ce jugement redevient ainsi exécutoire. La CNCCFP devra communiquer les documents demandés, dans les conditions indiquées par le tribunal.