Le Conseil d’État rejette le recours contre la « circulaire Collomb » après en avoir précisé l’interprétation
L’essentiel :
o Par une circulaire du 12 décembre 2017, les ministres de l’intérieur et de la cohésion des territoires ont demandé aux préfets de constituer des équipes chargées de se rendre dans l’ensemble des structures d’hébergement d’urgence afin de recueillir des informations sur la situation administrative des personnes qui y sont accueillies.
o Vingt-huit associations ont demandé au Conseil d’État d’annuler cette circulaire. Parallèlement, elles ont saisi en urgence le Conseil d’État d’une demande de suspension de la circulaire, rejetée par une décision du 20 février dernier (n° 417207).
o Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette la demande d’annulation, tout en précisant la lecture qu’il convient de faire de la circulaire du 12 décembre 2017.
Les faits et la procédure :
Par circulaire du 12 décembre 2017, le ministre d’État, ministre de l’intérieur et le ministre de la cohésion des territoires ont demandé aux préfets de mettre en place un dispositif de suivi des étrangers accueillis dans les structures d’hébergement d’urgence et de veiller à ce qu’ils puissent recevoir une orientation adaptée à leur situation. A cet effet, la circulaire prévoit que des équipes composées notamment d’agents de préfecture et de l’Office français de l’immigration et de l’intégration se déplaceront dans les structures d’hébergement d’urgence, y compris hôtelières, pour s’entretenir avec les personnes de nationalité étrangère, déterminer les conditions légales de leur séjour en France, s’assurer qu’elles ont pu faire valoir l’ensemble de leurs droits, les informer sur leurs droits et les procédures applicables et informer le gestionnaire de la structure d’hébergement sur les règles et procédures applicables en matière de séjour, d’accès à la procédure d’asile et d’aide au retour volontaire. En fonction de l’évaluation faite des personnes rencontrées, ces équipes d’agents pourront faire des préconisations afin de les orienter vers une procédure adaptée à leur cas.
Vingt-huit associations œuvrant en faveur des droits des personnes admises dans les centres d’hébergement d’urgence ont demandé au Conseil d’État d’annuler cette circulaire. Parallèlement, elles ont demandé au juge des référés du Conseil d’État, saisi selon la procédure de référé-suspension prévue à l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’en suspendre l’exécution. Cette première demande a été rejetée par une décision du 20 février dernier (n° 417207).
La décision de ce jour :
Par la décision de ce jour, le Conseil d’État rejette le recours des associations, tout en précisant l’interprétation qu’il convient de faire de la circulaire contestée, comme l’avait également fait le juge du référé saisi de la demande de suspension de l’exécution de la circulaire dans sa décision du 20 février 2018.
Le Conseil d’État juge tout d’abord que la circulaire du 12 décembre 2017 ne donne aucun pouvoir de contrainte aux agents chargés de se rendre dans les lieux d’hébergement d’urgence et qu’elle ne pourrait d’ailleurs le faire sans être illégale. En particulier, il estime qu’elle ne permet pas à ces agents de pénétrer dans des locaux privés sans l’accord des personnes intéressées.
Le Conseil d’État précise en outre que cette circulaire ne confère pas davantage aux agents chargés de se rendre dans les lieux d’hébergement de pouvoir de contrainte à l’égard des personnes hébergées. En indiquant que celles des personnes de nationalité étrangère qui ont fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français se verront proposer une aide au retour et, à défaut de départ volontaire du territoire, devront être orientées vers un dispositif adapté en vue de leur départ contraint, le Conseil d’État juge que la circulaire ne peut être comprise que comme se bornant à rappeler la possibilité de mettre en œuvre l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui permet à l’autorité administrative d’obliger des étrangers qui ne sont pas autorisés à séjourner régulièrement en France à quitter le territoire français, dans le respect des règles applicables en la matière.
A la lumière de cette interprétation, le Conseil d’État juge les critiques des associations infondées et rejette leur recours.