Saisi par des associations et syndicats, le Conseil d’État juge que les organismes obtenus par certaines techniques de mutagénèse doivent être soumis à la réglementation relative aux organismes génétiquement modifiés (OGM). Il enjoint notamment au Gouvernement de modifier le code de l’environnement en ce sens, d’identifier au sein du catalogue des variétés de plantes agricoles celles qui ont été obtenues par mutagénèse et qui auraient dû être soumises aux évaluations applicables aux OGM et de mieux évaluer les risques liés aux variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH).
En vertu d'une directive européenne du 12 mars 20011, les OGM sont soumis à des procédures d’évaluation des risques et d’autorisation préalables à toute mise sur le marché ou dissémination dans l’environnement et à des obligations d’information du public, d’étiquetage et de suivi.
Cette directive a été transposée en droit français dans le code de l’environnement2, lequel ciblait jusqu’à présent les organismes obtenus par transgénèse, en excluant du champ de la réglementation OGM l’ensemble des organismes obtenus par mutagenèse.
Neuf associations et syndicats avaient demandé au Premier ministre de soumettre les organismes obtenus par mutagénèse à la règlementation des OGM et de prononcer un moratoire sur l’utilisation en France des variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) obtenues par mutagénèse. A la suite du refus de Premier ministre, ils ont saisi le Conseil d’État.
Les techniques de mutagenèse les plus récentes doivent être soumises à la réglementation OGM
Tirant les conséquences d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)3, le Conseil d’État juge que les organismes obtenus au moyen des techniques de mutagenèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de la directive de 2001 doivent être soumis aux obligations imposées aux OGM par cette directive. Il précise que tel est le cas non seulement de la mutagénèse dirigée mais aussi de la mutagénèse aléatoire in vitro, utilisées notamment pour rendre tolérantes aux herbicides des plantes comme le tournesol ou le colza. En revanche, les variétés obtenues au moyen de techniques plus anciennes, dont la sécurité est avérée depuis longtemps, ne sont pas soumises à ces obligations.
Le Conseil d’État donne six mois au Gouvernement pour modifier en ce sens l’article D. 531-2 du code de l’environnement qui transpose la directive européenne.
Le Gouvernement devra également identifier, dans un délai de neuf mois, les variétés de plantes agricoles obtenues par mutagenèse qui ont été inscrites au catalogue officiel des plantes cultivées sans avoir fait l’objet de la procédure d’évaluation des risques applicable aux OGM, alors qu’elles auraient dû y être soumises du fait de la technique utilisée pour les obtenir. Cela pourra amener en pratique à retirer les variétés concernées du catalogue et à en suspendre la culture.
L’application du principe de précaution aux VRTH
Le Conseil d’État a par ailleurs estimé qu’en vertu du principe de précaution, le Premier ministre ne pouvait refuser de prendre des mesures de prévention pour l’utilisation de variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides. En effet, les différentes expertises, et notamment le rapport rendu par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) le 26 novembre 2019, ont identifié des facteurs de risque correspondant au développement des mauvaises herbes tolérantes aux herbicides et à l’augmentation par voie de conséquence de l’usage des d’herbicides, même si ces risques ne sont qu’incomplètement évalués du fait des lacunes des données disponibles.
Afin de prévenir ces risques, le Conseil d’État demande au Gouvernement de prendre, dans un délai de six mois, les mesures nécessaires à la mise en œuvre des recommandations formulées par l’ANSES en 2019, en matière d’évaluation des risques liés aux VRTH, ou de prendre toute autre mesure équivalente permettant de répondre aux observations de l’agence sur les lacunes des données actuellement disponibles.
Enfin, le Conseil d’État enjoint au Gouvernement de solliciter de la Commission européenne l’autorisation de prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagenèse utilisées en France, afin que les exploitants mettent en œuvre des pratiques destinées à limiter l’apparition de résistance aux herbicides.
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La mutagenèse, quelques repères
La mutagenèse désigne un ensemble de techniques destinées à obtenir des mutations génétiques chez un organisme vivant.
Contrairement à la transgénèse, qui insère dans le génome d’un organisme un gène d’une autre espèce, la mutagénèse consiste à provoquer des mutations internes à l’organisme.
On distingue :
- la mutagenèse aléatoire, qui vise à accroître la fréquence des mutations génétiques spontanées des organismes vivants ;
- la mutagenèse dirigée (ou technique d’édition du génome), qui correspond à l’introduction dans les cellules de la plante d’un matériel génétique étranger pour y provoquer la mutation recherchée sans que ce matériel ne demeure, in fine, dans l’organisme.
Par ailleurs la mutagenèse peut être réalisée in vivo (les agents mutagènes sont employés sur la plante entière ou des parties de plantes), ou in vitro (les agents mutagènes sont employés sur des cellules de la plante, la plante entière étant ensuite reconstituée artificiellement).
La tolérance aux herbicides est l’une des caractéristiques qui peuvent être obtenues grâce à la mutagenèse.
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1. Directive 2001/18/CE du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement
2. Articles L. 531-1 et s. et article D. 531-2 du code de l’environnement
3. Arrêt du 25 juillet 2018 (C-528/16) de la CJUE