Assignation à résidence et modalités

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État refuse de suspendre une assignation à résidence mais ordonne au ministre de l’intérieur d’en modifier les modalités pour préserver la vie familiale et l’intérêt supérieur des enfants de l’intéressée.

> Lire l'ordonnance

Sur le fondement de l’article 6 de la loi du 3 avril 1955, le ministre de l’intérieur a assigné une personne  à résidence sur le territoire de la commune Bretigny-sur-Orge avec obligation de se présenter trois fois par jour au commissariat de police d’Arpajon. L’intéressée a contesté cette mesure par la voie du référé-liberté, procédure d’urgence qui permet au juge d’ordonner, dans un délai de quarante-huit heures, toutes les mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une administration aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale (article L. 521-2 du code de justice administrative).

Le juge des référés du tribunal administratif de Versailles ayant rejeté cette demande le 16 décembre 2015, l’intéressée a fait appel devant le juge des référés du Conseil d’État.

Dans l’ordonnance qu’il a rendue aujourd’hui, le juge des référés du Conseil d’État commence par examiner le principe de la mesure d’assignation à résidence.

Il rappelle que le ministre de l’intérieur s’est fondé, pour prendre cette mesure, sur les éléments mentionnés dans deux « notes blanches » des services de renseignement qui indiquent que l’intéressée est unie religieusement à une personne liée au terrorisme international, participant à un trafic d’armes au profit de la communauté tchétchène et ayant rejoint des groupes jihadistes, et est soupçonnée de lui avoir apporté un soutien logistique. Le juge des référés relève que la personne assignée à résidence a effectivement accompagné son conjoint à Istanbul en septembre 2015, date à laquelle la trace de ce dernier a été perdue, et a effectué depuis trois autres voyages à Istanbul. Si l’intéressée soutient avoir rompu tout lien avec cette personne et n’avoir pris aucune part dans ses activités, le juge des référés a estimé que les explications fournies étaient confuses et, pour certaines, contradictoires. Au vu des différents éléments dont il disposait, le juge des référés a donc estimé que l’assignation à résidence ne portait pas, dans son principe, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir de l’intéressée.

Le juge des référés a ensuite examiné les modalités de l’assignation au regard du droit au respect de la vie familiale et de l’intérêt supérieur des trois jeunes enfants de l’intéressée, dont deux sont scolarisés et le dernier gardé à domicile. En vertu de la mesure d’assignation dont elle avait fait l’objet, la requérante devait en effet se rendre en transports en commun à 9h, 14h et 19h à un commissariat de police situé à 10 km de son domicile, alors qu’il existe un poste de police dans la commune où elle réside. Le juge des référés a estimé que ces modalités faisaient peser des contraintes excessivement lourdes sur l’intéressée, qui doit assurer les trajets à l’école, assurer la garde de ses enfants par une voisine ou les emmener avec elle au commissariat dont elle ne revient jamais avant 19h45.

A la suite des échanges au cours de l’audience et du supplément d’instruction ordonné par le juge des référés, le ministre de l’intérieur a toutefois modifié les conditions de l’assignation à résidence, en réduisant les obligations de présentation de trois fois à deux fois par jour et en permettant à l’intéressée de se présenter au poste de police de sa commune de résidence du lundi au vendredi, sauf fermeture exceptionnelle de ce poste de police.

Le juge des référés du Conseil d’Etat a tenu compte de cette modification intervenue en cours d’instance. Toutefois, au vu des atteintes portées aux libertés fondamentales qu’il a relevées, il a ordonné au ministre, pour préserver la vie familiale et l’intérêt des enfants, de prendre toute mesure de nature à permettre à l’intéressée de s’acquitter son obligation de présentation dans tous les cas et tous les jours au poste de police de sa commune de résidence, et non seulement les jours ouvrés.

 

Après les attentats commis à Paris le 13 novembre dernier, l’état d’urgence prévu par la loi du 3 avril 1955 a été déclaré par décret en conseil des ministres. Il a été prorogé, pour une durée de 3 mois à compter du 26 novembre, par la loi du 20 novembre 2015, qui a également modifié certains articles de la loi du 3 avril 1955.