Les manuscrits rédigés par le Général de Gaulle entre décembre 1940 et décembre 1942 sont des archives publiques
L’essentiel :
• La société Aristophil et l’association du musée des lettres et manuscrits, détenteurs de 313 brouillons manuscrits de télégramme écrits par le général de Gaulle entre décembre 1940 et décembre 1942, ont contesté devant le juge judiciaire l’action de l’État revendiquant la propriété de ces documents en tant qu’archives publiques.
• Compte-tenu de la difficulté de savoir si ces archives revêtent un caractère public, la cour d’appel de Paris a posé sur ce point une question préjudicielle au juge administratif. Par un jugement du 12 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a jugé que ces documents constituaient des archives publiques.
• Par la décision de ce jour, le Conseil d’État, saisi d’un recours en cassation par l’association du musée des lettres et manuscrits et la société Aristophil confirme ce jugement.
Les faits et la procédure :
En avril 2012, l’État a engagé une action en revendication d’archives publiques devant le tribunal de grande instance de Paris afin de se voir remettre 313 brouillons manuscrits de télégrammes écrits par le général de Gaulle entre le 11 décembre 1940 et le 11 décembre 1942, détenus par la société Aristophil et le musée des lettres et manuscrits.
Le 20 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a fait droit à cette demande. Saisie d’un appel formé par la société Aristophil et le musée des lettres et manuscrits, la cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 15 mai 2015, estimé pour sa part que la détermination du caractère public de ces archives soulevait une difficulté sérieuse et a par conséquent, posé une question préjudicielle au juge administrative et sursis à statuer sur le litige dont elle était saisie.
Par un jugement du 12 mai 2017, le tribunal administratif de Paris a estimé que ces documents constituaient des archives publiques. L’association du musée des lettres et manuscrits et la société Aristophil se sont pourvues en cassation devant le Conseil d’État contre ce jugement.
La décision de ce jour :
Dans la décision de ce jour, le Conseil d’État juge d’abord que revêtent le caractère d’archives publiques tous les documents procédant de l’activité de l’État quelle que soit la date à laquelle ils ont été produits, quel que soit leur état d’achèvement et quel que soit leur auteur.
Il cite ensuite l’ordonnance du 9 août 1944 relative au rétablissement de la légalité républicaine sur le territoire continental qui dispose que : « La forme du Gouvernement de la France est et demeure la République. En droit celle-ci n'a pas cessé d'exister », que « sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au 16 juin 1940 et jusqu'au rétablissement du Gouvernement provisoire de la république française », et que « Les actes de l'autorité de fait, se disant « gouvernement de l'Etat français » dont la nullité n'est pas expressément constatée dans la présente ordonnance ou dans les tableaux annexés, continueront à recevoir provisoirement application [...] ».
Comme l’avait fait le tribunal administratif de Paris, le Conseil d’État, s’appuyant sur ces dispositions, juge que seuls la France libre et la France combattante, et, par la suite, le Comité français de la libération nationale et le Gouvernement provisoire de la République française étaient, à compter du 16 juin 1940, dépositaires de la souveraineté nationale et ont assuré la continuité de la République. Par conséquent, il juge que les télégrammes manuscrits écrits entre décembre 1940 et décembre 1942 procèdent de l’activité de l’État et constituent des archives publiques.
Le Conseil d’État rappelle enfin que les faits et agissements de l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’État français », que constitue le régime de Vichy, engagent la responsabilité de l’État. Et il juge, enfin, que les documents procédant de l’activité politique et administrative de cette autorité de fait doivent être assimilés à des archives publiques.
Par suite, le Conseil d’État rejette le pourvoi des requérantes.