Plusieurs associations de défense de l’environnement et syndicats agricoles, notamment d’apiculteurs, contestaient les décisions prises par le ministre de l’agriculture et de la pêche, sur avis de l’AFSSA, d’autoriser, pour 2008 et 2009, la mise sur le marché du produit phytopharmaceutique « Cruiser » pour un usage en traitement de semences dans la culture du maïs.
La procédure d’autorisation de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques est encadrée par les dispositions du décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques et par son arrêté d’application du 6 septembre 1994, qui transposent les dispositions de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991concernant la mise sur le marché de ces produits. Elle impose à l’autorité administrative d’évaluer le risque que présente un produit pour les abeilles en utilisant la méthode dite « des quotients de danger », qui permet de mesurer les risques de mortalité pour ces dernières en cas d’exposition au produit. Si le seuil de mortalité prévu par les textes est dépassé lors des tests, l’autorisation ne peut pas être accordée, à moins qu’une évaluation appropriée ne permette d’établir concrètement que, dans les conditions proposées, l’usage du produit n’a pas d’impact inacceptable à court et à long terme sur la population des abeilles. Dans un tel cas, un produit peut, à titre dérogatoire, être autorisé alors même que la méthode dite des quotients de danger avait conduit à un résultat négatif.
En l’espèce, le Conseil d’Etat juge que la méthode d’évaluation du risque utilisée par l’AFSSA pour donner son avis concernant la mise sur le marché du Cruiser n’a pas été conforme à cette réglementation, et ce pour deux raisons.
D’une part, l’AFSSA n’a pas recouru à la méthode des quotients de danger, et a directement procédé à une évaluation des risques présentés par le produit selon les conditions d’usage proposées. La décision écarte l’argumentation selon laquelle la méthode des quotients de danger ne serait pas pertinente pour les produits dits « systémiques », qui, comme le Cruiser, ne sont pas appliqués par pulvérisation mais par enrobage, au motif juridique qu’une telle distinction ne se trouve pas dans les textes définissant la méthode d’évaluation. Il incombait donc à l’AFSSA de procéder en premier lieu à une telle évaluation.
D’autre part, le Conseil d’Etat juge qu’il n’est pas établi que la méthode retenue par l’AFSSA, dont les évaluations ne concluent d’ailleurs à l’absence d’impact inacceptable du Cruiser que sur le court terme, faute de données disponibles sur les effets à long terme, constituerait une évaluation appropriée du risque, telle qu’exigée par la réglementation.
CE, 16 février 2011, Confédération paysanne et autres, n°s 314016, 314044, 314144, 325193, 325318, 325328.