Sanction prononcée par la CNIL à l’encontre de la société Google Inc.

Décision de justice
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Le juge des référés du Conseil d’État refuse de suspendre l’exécution de la sanction complémentaire de publication.

> lire l'ordonnance

L’essentiel

  • La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), estimant que la société Google Inc. avait commis des manquements aux règles de protection des données à caractère personnel consacrées par la loi « informatique et libertés », a prononcé à l’encontre de cette société une sanction pécuniaire de 150 000 euros et a décidé la publication de cette décision sur son site Internet ainsi que celle, sur le site Internet www.google.fr, d’un communiqué faisant état de cette amende.

  • Le juge des référés du Conseil d’État a été saisi par la société Google Inc., dans le cadre d’un référé-suspension, d’une demande de suspension de l’exécution de cette sanction complémentaire de publication.

  • Le code de justice administrative prévoit que la suspension de l’exécution d’une décision administrative par le juge du référé-suspension est subordonnée notamment à une condition d’urgence.

  • En l’espèce, le juge des référés du Conseil d’État a estimé que cette condition n’était pas remplie. En particulier, il a considéré que la société, qui invoquait seulement l’existence d’un préjudice de réputation irréparable, n’établissait pas que la publication contestée porterait à sa réputation une atteinte pouvant lui causer un tel préjudice. Il a donc rejeté la demande de suspension.

Le cadre juridique et la délibération de la CNIL

La loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (dite loi « informatique et libertés ») prévoit que la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) peut prononcer une sanction pécuniaire à l’égard du responsable d’un traitement automatisé de données à caractère personnel qui ne respecte pas les obligations prévues par cette loi.

La loi « informatique et libertés » permet également à la CNIL de rendre publiques les sanctions qu'elle prononce et d’ordonner leur insertion, aux frais des personnes sanctionnées, dans des publications, des journaux ou des supports qu'elle désigne. Cette publication peut intervenir, en vertu du décret du 20 octobre 2005 pris pour l'application de cette loi, dès la notification de la décision de sanction à la personne concernée.

En application de ces dispositions, la CNIL a, par une délibération du 3 janvier 2014, estimé que la société Google Inc. avait commis plusieurs manquements aux obligations prévues par la loi du 6 janvier 1978 et a prononcé à l’encontre de cette société une sanction pécuniaire de 150 000 euros. Elle a également décidé de rendre cette décision publique sur son site Internet et a ordonné à la société Google Inc. de publier à sa charge, sur le site Internet www.google.fr, pendant une durée de 48 heures consécutives, le septième jour suivant la notification de sa décision, le texte du communiqué suivant : « la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés a condamné la société Google à 150 000 euros d’amende pour manquements aux règles de protection des données personnelles consacrées par la loi « informatique et libertés ». Décision accessible à l’adresse suivante : (adresse électronique de la CNIL) ».

La société Google Inc. a demandé au juge des référés du Conseil d’État de suspendre, dans le cadre d’un référé-suspension, l’exécution de cette sanction complémentaire de publication.

L’ordonnance du juge des référés du Conseil d’État

La procédure dite de référé-suspension permet au juge des référés de suspendre l’exécution d’une décision administrative faisant l’objet d’un recours contentieux en attendant que ce recours soit jugé. La suspension est prononcée lorsque deux conditions cumulatives sont remplies : une situation d’urgence, et l’existence d’un doute sérieux, en l’état de l’instruction, quant à la légalité de la décision attaquée.

Pour que la condition d’urgence soit regardée comme satisfaite, l’acte en cause doit porter atteinte de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. L’urgence doit être appréciée concrètement et objectivement, compte tenu des justifications fournies par le requérant.

En l’espèce, la société Google Inc. faisait valoir que la publication ordonnée par la CNIL, sur un site consulté par de très nombreux utilisateurs, porterait une atteinte irréversible à sa réputation, de sorte que le préjudice subi ne pourrait être réparé, même dans l’hypothèse où le juge du fond ferait ultérieurement droit à sa demande d’annulation. Elle n’invoquait aucun autre préjudice.

Le juge des référés du Conseil d’État a toutefois relevé que cette société, qui a d’ailleurs la possibilité de faire connaître aux utilisateurs de ses services, à l’occasion de la publication prescrite par la CNIL, son désaccord avec la sanction dont elle a fait l’objet et sa décision d’en demander l’annulation, et qui sera en mesure, en cas de modification ou d’annulation de cette sanction par le juge, d’en informer pleinement les utilisateurs d’Internet, n’apportait aucun élément de nature à établir qu’un préjudice irréparable pourrait résulter de l’atteinte qui, selon elle, serait portée à sa réputation.

Dès lors, le juge des référés du Conseil d’État a considéré que la condition d’urgence posée par le code de justice administrative ne pouvait pas être regardée comme remplie, ce qui faisait obstacle à la suspension demandée par la société. Il a donc rejeté la requête, sans qu’il soit besoin d’examiner si l’un au moins des moyens soulevés par la société Google Inc. était de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux sur la légalité de la sanction de publication.