Open data des décisions de justice : une régulation nécessaire des algorithmes

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Alors que le décret sur la mise en œuvre de l’open data des décisions de justice vient de paraître, le Conseil d’État, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation soulignent la nécessité d’une régulation des algorithmes utilisés pour le traitement des décisions de justice.

L'open data devrait ouvrir de nouvelles perspectives dans l’exercice de la justice, il promet une accélération du règlement des litiges, une plus grande cohérence et prévisibilité des décisions de justice. Toutefois l’utilisation non régulée d’algorithmes pourrait aller à l’encontre des principes fondamentaux de la justice et des droits des individus.

Dans une déclaration commune, le vice-président du Conseil d’État, la présidente du Conseil national des barreaux et le président de l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la cour de cassation appellent de leurs vœux la création d’un dispositif de régulation et de contrôle des algorithmes utilisés pour l’exploitation des bases de données des décisions de justice qui devrait conduire à la désignation d’une autorité publique chargée de cette régulation et de ce contrôle, en lien avec les juridictions administratives et judiciaires ainsi qu’avec l’Ordre des avocats aux conseils et avec le Conseil national des barreaux.

Les signataires de la déclaration affirment leur attachement aux cinq principes de la Charte éthique de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice : principe de respect des droits fondamentaux, principe de non-discrimination, principe de qualité et de sécurité, principe de transparence, principe de maîtrise par l’utilisateur.

 « L’open data des décisions de justice et les algorithmes de recherche seront des vecteurs d’efficacité et de qualité pour notre justice s’ils sont bien utilisés ; ils pourront en outre favoriser la prévisibilité des décisions au profit des citoyens comme des entreprises. Nous devrons mettre à profit ces nouveaux outils tout en prévenant les risques qu’ils recèlent : ils ne doivent pas brider, par des biais cachés, la recherche et l’innovation jurisprudentielles, fragiliser le droit au respect de la vie privée des justiciables ni permettre de comparer, évaluer ou prédire les pratiques professionnelles des juges. Le numérique ne saurait non plus déshumaniser la justice : il doit être accueilli comme un moyen d’aiguiser l’intelligence du juge, pas de la remplacer. La déclaration commune signée par le Conseil d’État, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation contribue dans cet esprit à concilier l’émergence de l’open data et des algorithmes avec la confiance que doit continuer à susciter l’œuvre de justice. »

Bruno Lasserre, vice-président du Conseil d’État

 « Nous le savons, les algorithmes peuvent introduire des biais dès leur conception même et dans tout le traitement des informations qui s’en suit ; il nous faut donc rester vigilants quant à la production et à la publication des données de justice. Nous sommes satisfaits que la responsabilité de la diffusion des décisions de justice soit confiée au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, conformément aux déclarations que nous avions co-signé avec eux. Nous devons maintenant aller plus loin et créer une autorité publique de contrôle. Le CNB demande aussi que soit introduit des garanties en termes d’information des parties, de débat contradictoire et de droit de recours : c’est le rôle des avocats que de s’assurer que le droit au respect de la vie privée des personnes concernées par les décisions de justice est bien respecté. »

Christiane Féral-Schuhl, présidente du Conseil national des barreaux

 « Les ordres administratif et judiciaire vont mettre gratuitement à la disposition des opérateurs privés une masse considérable de données. Ces opérateurs vont les exploiter pour délivrer, moyennant finances, des messages qui auront, dans une certaine mesure, une portée normative. Il est, dès lors, légitime qu’une autorité publique ait un pouvoir de régulation et de contrôle sur la façon dont ces données, issues des juridictions, seront exploitées pour éviter les biais illégaux. Ces données ne sont pas neutres ; elles sont très sensibles et ont une portée normative dont l’Etat ne peut pas se désintéresser »

Louis Boré, président de l’ordre des avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation




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