Contestation par M. Marc Robert de sa nomination à la Cour de cassation

Décision de justice
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Le Conseil d'État juge que, faute d’avoir été précédée de l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, la nomination de M. Marc Robert comme avocat général à la Cour de cassation est entachée d'irrégularité.

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Le Conseil d'État annule, à la demande de l'intéressé, le décret de nomination de M. Marc Robert aux fonctions d'avocat général à la Cour de cassation. Le motif de cette annulation est une irrégularité de procédure. Le Conseil d'État juge en effet que, compte tenu des conditions dans lesquelles le Conseil supérieur de la magistrature a été consulté, il n'a pas rendu d'avis, comme l'exige l'article 65 de la Constitution, préalablement à cette nomination. Le Conseil d'État prononce également, par voie de conséquence, l'annulation de la nomination du magistrat qui a succédé à M. Robert au poste de procureur général près la cour d'appel de Riom. Le Conseil d'État limite toutefois les effets dans le temps des annulations qu'il prononce.

Alors qu'il était procureur général près la cour d’appel de Riom, M. Marc Robert a été nommé avocat général à la Cour de cassation par un décret du 23 juin 2009. C’est ce décret dont l’intéressé lui-même a demandé, à la fois, la suspension et l'annulation au Conseil d’État. Deux syndicats de magistrats, le Syndicat de la magistrature et l’Union syndicale des magistrats, ont soutenu ces demandes. M. Marc Robert a également demandé au Conseil d'État l'annulation, par voie de conséquence, du décret du 3 juillet 2009 nommant son successeur au poste de procureur général près la cour d’appel de Riom.

La première de ces demandes – la demande de suspension du décret de nomination de M. Robert – a été rejetée par le juge des référés du Conseil d'État par une ordonnance du 28 juillet 2009. Le juge des référés avait en effet considéré que la demande de mesure provisoire qui lui était présentée n'était pas justifiée par l'urgence, comme l'exige l'article L. 521-1 du code de justice administrative (voir le communiqué de presse accompagnant cette ordonnance). Le Conseil d'État restait toutefois saisi du fond de l'affaire, c'est-à-dire des demandes d'annulation des deux décrets attaqués.

Par la décision rendue aujourd’hui par une formation supérieure de jugement, la Section du contentieux, il fait droit à ces deux demandes. Pour prononcer l'annulation du décret nommant M. Robert au parquet général de la Cour de cassation, le Conseil d'État accueille l’argumentation de celui-ci selon laquelle, contrairement aux exigences qui découlent de l’article 65 de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) n'a pas rendu d'avis avant cette nomination..

En effet, le Conseil d'État relève que le projet de nomination de M. Robert a bien été inscrit à l’ordre du jour de la séance du CSM du 4 juin 2009, arrêté par le Président de la République, président en titre du CSM, et qu’il a fait l’objet d’un examen à titre préparatoire par la formation compétente de cette institution. Toutefois, le ministre de la justice, qui présidait la séance du CSM du 4 juin 2009 en sa qualité de suppléant du Président de la République, prévue par l'article 65 de la Constitution, a décidé de différer l’examen de ce projet de nomination. Ce point ressortait du procès-verbal de la séance, versé au dossier. Le Conseil d'État juge que le ministre, exerçant la plénitude des pouvoirs de président du CSM, pouvait légalement prendre cette décision et que, dans ces conditions, le CSM ne peut être regardé comme ayant donné son avis sur la nomination en litige.

Le décret nommant M. Robert se trouvant entaché d'une irrégularité substantielle, il ne pouvait qu'être annulé. Le Conseil d'État constate également l'illégalité, par voie de conséquence, du décret nommant le magistrat qui avait succédé à M. Robert au poste de procureur général près la cour d'appel de Riom.

En principe, l'annulation d'un acte administratif par le juge anéantit tous ses effets, y compris ceux produits dans le passé. Cependant, le Conseil d'État choisit de limiter dans le temps, comme il en a le pouvoir, les effets des deux annulations qu'il prononce. D'une part, les deux magistrats concernés ont concouru depuis qu'ils ont été nommés à l'édiction de nombreuses décisions de justice, dont l’autorité pourrait être mise en cause en raison de l'irrégularité de leurs nominations. D'autre part, les annulations prononcées ont pour motif une irrégularité de procédure et le Conseil d'État prend soin de relever qu’aucun autre motif ne les justifie. Dans ces circonstances, il juge que l'annulation rétroactive des deux décrets attaqués porterait une atteinte manifestement excessive au fonctionnement du service public de la justice. Il décide par conséquent de ne prononcer l'annulation de ces deux mesures de nomination qu'au terme d'un délai de trois mois à compter de la date de sa décision. Les deux annulations ne produiront donc effet qu'à compter du 30 mars 2011.

 

Conseil d'État, Section du contentieux, 30 décembre 2010,

M. Marc Robert, nos 329513 et 329515