Existence d'un pouvoir réglementaire de police au plan national
Les faits
Le président de la République, titulaire, sous la IIIe République, du pouvoir réglementaire général, avait pris, le 10 mars 1899, un décret réglementant la circulation automobile en la soumettant notamment à la possession d'un « certificat de capacité pour la conduite des voitures automobiles » sans y avoir été expressément habilité par une loi.
Sur la base de ce décret, qui prévoyait aussi une faculté de retrait de ces permis, un arrêté du préfet de police a retiré à M. Labonne son « certificat de capacité ». Ce dernier a alors saisi le Conseil d’État d’une demande tendant à l’annulation de cette décision en excipant de l’illégalité du décret de 1899 lequel aurait été pris par une autorité incompétente, faute d'habilitation législative du président de la République en ce sens.
Le sens et la portée de la décision
Dans sa décision, le Conseil d’État rejette la requête de M. Labonne au motif « qu’il appartient au chef de l’État en dehors de toute habilitation législative et en vertu de ses pouvoirs propres, de déterminer celles des mesures de police qui doivent, en tout état de cause, être appliquées dans l'ensemble du territoire ». En d’autres termes, il juge que l’autorité titulaire du pouvoir réglementaire général dispose, même en l’absence de toute habilitation législative, d’une compétence pour édicter des mesures de police à caractère général et s'appliquant sur l'ensemble du territoire.
Ce principe posé pour le président de la République sous la IIIe République demeure valable aujourd’hui, même si le titulaire du pouvoir réglementaire général est désormais le gouvernement, en vertu de l'article 20 de la Constitution, sous réserve de la compétence reconnue dans ce domaine au président de la République par l’article 13. Ainsi le Conseil d'État juge-t-il, en l’absence de toute habilitation législative, le gouvernement compétent pour édicter des mesures de police à caractère général et applicables à l'ensemble du territoire en matière de police des abattoirs (CE, 2 mai 1973, Association cultuelle des Israélites nord-africains de Paris, Rec.). Il a également précisé que la répartition des matières entre celles qui relèvent du pouvoir législatif et celles qui relèvent du pouvoir réglementaire, opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution, n’avait pas privé le gouvernement de sa compétence pour édicter des mesures de police à caractère général (CE, 22 décembre 1978, Union des chambres syndicales d'affichage et de publicité extérieure, Rec.), ce que le Conseil Constitutionnel a confirmé (Cons. Constit., décision n° 87-149 L, 20 février 1987, p. 22).
La décision Labonne présente également un intérêt par la combinaison qu'elle opère entre les pouvoirs de police de l'autorité nationale et ceux des autorités locales. Il en résulte que les règlements édictés au niveau national ne retirent pas aux autorités locales la compétence qu'elles tirent de la loi pour prendre des mesures de police complémentaires dans le ressort territorial pour lequel elles sont compétentes. Leur pouvoir trouve toutefois deux limites : les autorités locales ne peuvent, d’une part, qu’aggraver les mesures édictées par les autorités nationales, sans pouvoir ni les modifier ni, bien sûr, les réduire ; d’autre part, cette aggravation doit être dictée par l'intérêt public et justifiée par les circonstances locales (CE, 18 avril 1902, Commune de Néris- les-Bains, Rec.).