Intervention de Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’Etat
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Mesdames et Messieurs,
Je suis heureux de vous accueillir aujourd’hui à l’occasion de la présentation du Rapport public 2018 du Conseil d’Etat. Par ce rapport, notre institution rend compte chaque année de l’activité de la juridiction administrative dans son ensemble, de l’activité consultative du Conseil d’Etat, ainsi que des études, des débats et des partenariats, qui ont été conduits.
Pour vous présenter cette nouvelle édition, je suis entouré de Bernard Stirn, président de la section du contentieux, et de Martine de Boisdeffre, présidente de la section du rapport et des études, ainsi que de François Séners, rapporteur général de la section du rapport et des études.
1. En 2017, le Conseil d’État et la juridiction administrative sont parvenus à prolonger le redressement construit au cours des années précédentes en dépit d’une charge toujours importante.
Au Conseil d’État, la progression des entrées a de nouveau été significative (+2,5% par rapport à 2016), tandis qu’elle a été plus mesurée dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel. La Cour nationale du droit d’asile a, pour sa part, dû faire face à une véritable explosion du nombre des nouveaux recours (+34%). De leur côté, les formations administratives du Conseil d'État ont aussi dû faire face à un volume d’activité important : 1 305 demandes d’avis[1] leur ont été soumises, quelquefois dans des délais très brefs.
En dépit de l’augmentation continue du nombre des nouveaux recours depuis la création des tribunaux administratifs en 1953 et des cours administratives d’appel en 1989, les membres de la juridiction administrative ont poursuivi leurs efforts et continué à juger un nombre important d’affaires, dans des délais qui continuent de se réduire, mais moins rapidement. Depuis 2006, le nombre d’affaires en instance dans les tribunaux administratifs a diminué de 25% et le délai prévisible moyen de jugement a été réduit de près de 40%. En appel, le stock des affaires en instance a diminué de près de 25% depuis 2006 et le délai prévisible moyen de jugement, qui s’élevait à plus d’un an en 2006, n’est plus que de 10 mois et 28 jours en 2017, soit une baisse de 13%. Au Conseil d’Etat, le stock des affaires en instance a été réduit de 42% entre 2006 et 2017[2] et le délai prévisible moyen de jugement de 36%, passant de 9 mois et 5 jours à 5 mois et 24 jours. Néanmoins, ces bons résultats ne doivent pas dissimuler des difficultés persistantes. En particulier, le délai moyen constaté de jugement pour les affaires ordinaires – hors procédures urgentes, affaires dont le délai de jugement est enserré dans délais particuliers et ordonnances – se maintient à près de 22 mois dans les tribunaux administratifs et plus de 14 mois dans les cours administratives d’appel.
2. Dans ce contexte, le Conseil d’Etat et la juridiction administrative ont poursuivi leur adaptation.
En premier lieu, nous nous sommes attachés à renforcer notre accessibilité grâce aux téléprocédures et en poursuivant la réforme de la rédaction des décisions de justice. Télérecours a été généralisé avec grand succès en 2017 pour toutes les affaires pour lesquelles il y a représentation par avocat – soit près de 90% dans les cours administratives d’appel et les 2/3 dans les tribunaux administratifs. Un nouveau service entre en vigueur début 2018 - Télérecours citoyens -pour permettre aux parties privées non représentées par un avocat de communiquer avec les juridictions.
En deuxième lieu, la juridiction administrative s’attache également à développer les modes alternatifs de règlement des différends qui permettent, dans bien des cas, de régler les litiges de manière plus rapide, efficace, équitable et moins onéreuse. En particulier, le recours à la médiation préalablement à la saisine du juge est encouragé notamment par la suspension des délais de recours et de prescription. Une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de contentieux sociaux et de litiges individuels de la fonction publique a démarré à titre expérimental, le 1er avril 2018. Et les juridictions s’attachent à orienter vers la médiation certaines de leurs requêtes. Des référents médiation ont été mis en place dans chaque juridiction.
En troisième lieu, le traitement des séries contentieuses fait également l’objet d’un dispositif spécifique grâce à l’ouverture, par la loi du 18 novembre 2016 et le décret du 6 mai 2017, de voies d’actions collectives devant le juge administratif : les actions de groupe et les actions en reconnaissance de droits. Ces nouvelles voies de recours devraient contribuer à réduire les contentieux sériels qui représentent plusieurs milliers de requêtes.
En quatrième lieu, le Conseil d’Etat et le Secrétariat général du Gouvernement ont publié la 3ème édition du « guide de légistique » qui doit permettre de faciliter et encourager l’élaboration d’une norme plus claire, simple et de qualité. Le Conseil d’Etat a aussi souhaité mesurer la qualité de son activité consultative auprès de ses « usagers », les ministères et le secrétariat général du Gouvernement. Les résultats de l’enquête, menée en 2017, ont permis de rendre compte de ses progrès, mais aussi de l’existence de certaines attentes à son égard et d’améliorations possibles. Un groupe de travail réunissant des représentants de toutes les sections administratives procède à la mise au point des conclusions de cette enquête avant leur restitution aux ministères dans le courant de cette année.
Enfin, il est apparu indispensable de prendre le pouls de notre communauté de travail et, notamment, des conditions de vie et de travail dans les juridictions. Des baromètres sociaux ont été établis en 2017, d’abord dans les tribunaux et les cours d’appel, puis à la CNDA et, enfin, au Conseil d’Etat au début de l’année 2018. Une réflexion sur la charge de travail a également été menée dans les juridictions de première instance et d’appel. Nous nous attachons à tirer toutes les conséquences de ces enquêtes.
Les actions et les résultats évoqués témoignent de l’intensité de notre activité au cours de l’année écoulée et de l’engagement du Conseil d’Etat et de la juridiction administrative dans l’accomplissement de leurs missions. Vous pouvez constater que, contrairement à des données objectives de l’état civil, ni le vice-président, ni aucun autre président de section du Conseil d’Etat ne s’est trouvé l’an passé en pré-retraite ou en cessation progressive d’activité. Cet effort se poursuit en 2018 en ayant pour but de continuer à rendre des avis et des décisions de qualité au service de nos concitoyens.
[1]106 projets de loi, 69 projets d’ordonnance, 8 lois du pays, 794 projets de décret réglementaire 18 avis, 0 propositions de loi.
[2]Le stock des affaires en instance en 2006 était de 8 567 affaires. Il n’était plus que de 4 961 affaires en 2017.