Conseil d'État
N° 498358
ECLI:FR:CECHR:2024:498358.20241129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Clément Tonon, rapporteur
M. Frédéric Puigserver, rapporteur public
LE MAILLOUX, avocats
Lecture du vendredi 29 novembre 2024
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le syndicat Union Défense Active Foraine (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger l'article 3 de l'arrêté du 14 avril 2009 autorisant la mise en oeuvre de traitements automatisés dans les communes ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions pénales par leurs fonctionnaires et agents habilités, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme en tant qu'elles ne prévoient pas la notification aux intéressés, par les agents chargés de la constatation de certaines infractions pénales en matière d'urbanisme, du droit de garder le silence.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Tonon, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat Union Défense Active Foraine (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger l'article 3 de l'arrêté du 14 avril 2009 autorisant la mise en oeuvre de traitements automatisés dans les communes ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions pénales par leurs fonctionnaires et agents habilités. Par un mémoire distinct présenté à l'appui de leur contestation, ils soutiennent que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. "
4. L'UDAF et l'association France Liberté Voyage soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient pas, lors du constat des infractions qu'elles énumèrent, la garantie tenant à ce que soit notifié à la personne concernée le droit de se taire, méconnaissent les dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
5. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 et n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, il résulte de ces dispositions le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Elles impliquent que la personne poursuivie ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire.
6. Les dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme citées au point 3 ont pour seul objet de déterminer les catégories d'agents publics habilités, soit de plein droit, soit s'ils sont commissionnés à cet effet et assermentés, à procéder au constat matériel de certaines infractions en matière d'urbanisme, ainsi que de prévoir que les procès-verbaux qu'ils sont amenés à dresser font foi jusqu'à preuve du contraire. Il résulte du quatrième alinéa du même article qu'une copie du procès-verbal constatant une infraction doit être transmise sans délai au ministère public, qui apprécie l'opportunité des poursuites. Si les dispositions contestées n'excluent pas que soit entendue par l'agent public chargé de constater l'infraction toute personne présente à l'occasion du constat, y compris le cas échéant la personne susceptible de faire l'objet de poursuites si celles-ci sont ultérieurement engagées, elles n'ont pas pour objet de prévoir et d'organiser une telle audition. Par suite, et en tout état de cause, il ne peut être utilement soutenu qu'elles méconnaîtraient l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'elles ne prévoient pas la garantie tenant à ce que la personne en cause soit informée du droit qu'elle a de se taire.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité au litige des dispositions contestées, que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérantes, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'UDAF et l'association France Liberté Voyage.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Union Défense Active Foraine, premier requérant dénommé et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Copie en sera adressé au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Roze Noguelou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Clément Tonon, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 29 novembre 2024
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Clément Tonon
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 498358
ECLI:FR:CECHR:2024:498358.20241129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Clément Tonon, rapporteur
M. Frédéric Puigserver, rapporteur public
LE MAILLOUX, avocats
Lecture du vendredi 29 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire enregistré le 10 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, le syndicat Union Défense Active Foraine (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de leur requête tendant à l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger l'article 3 de l'arrêté du 14 avril 2009 autorisant la mise en oeuvre de traitements automatisés dans les communes ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions pénales par leurs fonctionnaires et agents habilités, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme en tant qu'elles ne prévoient pas la notification aux intéressés, par les agents chargés de la constatation de certaines infractions pénales en matière d'urbanisme, du droit de garder le silence.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Clément Tonon, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Frédéric Puigserver, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat Union Défense Active Foraine (UDAF) et l'association France Liberté Voyage demandent l'annulation du refus du Premier ministre d'abroger l'article 3 de l'arrêté du 14 avril 2009 autorisant la mise en oeuvre de traitements automatisés dans les communes ayant pour objet la recherche et la constatation des infractions pénales par leurs fonctionnaires et agents habilités. Par un mémoire distinct présenté à l'appui de leur contestation, ils soutiennent que les dispositions du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme portent atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l'Etat et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l'urbanisme suivant l'autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu'à preuve du contraire. "
4. L'UDAF et l'association France Liberté Voyage soutiennent que ces dispositions, en ce qu'elles ne prévoient pas, lors du constat des infractions qu'elles énumèrent, la garantie tenant à ce que soit notifié à la personne concernée le droit de se taire, méconnaissent les dispositions de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
5. Aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ". Ainsi que l'a jugé le Conseil constitutionnel par ses décisions n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, n° 2024-1097 QPC du 26 juin 2024 et n° 2024-1105 QPC du 4 octobre 2024, il résulte de ces dispositions le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Elles impliquent que la personne poursuivie ne puisse être entendue sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'elle soit préalablement informée du droit qu'elle a de se taire.
6. Les dispositions de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme citées au point 3 ont pour seul objet de déterminer les catégories d'agents publics habilités, soit de plein droit, soit s'ils sont commissionnés à cet effet et assermentés, à procéder au constat matériel de certaines infractions en matière d'urbanisme, ainsi que de prévoir que les procès-verbaux qu'ils sont amenés à dresser font foi jusqu'à preuve du contraire. Il résulte du quatrième alinéa du même article qu'une copie du procès-verbal constatant une infraction doit être transmise sans délai au ministère public, qui apprécie l'opportunité des poursuites. Si les dispositions contestées n'excluent pas que soit entendue par l'agent public chargé de constater l'infraction toute personne présente à l'occasion du constat, y compris le cas échéant la personne susceptible de faire l'objet de poursuites si celles-ci sont ultérieurement engagées, elles n'ont pas pour objet de prévoir et d'organiser une telle audition. Par suite, et en tout état de cause, il ne peut être utilement soutenu qu'elles méconnaîtraient l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen en tant qu'elles ne prévoient pas la garantie tenant à ce que la personne en cause soit informée du droit qu'elle a de se taire.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'applicabilité au litige des dispositions contestées, que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les requérantes, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a donc pas lieu de la transmettre au Conseil constitutionnel.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l'UDAF et l'association France Liberté Voyage.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat Union Défense Active Foraine, premier requérant dénommé et à la ministre du logement et de la rénovation urbaine.
Copie en sera adressé au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et au ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Roze Noguelou, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et M. Clément Tonon, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 29 novembre 2024
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Clément Tonon
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana