Conseil d'État
N° 483102
ECLI:FR:CECHR:2024:483102.20241129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Isabelle Lemesle, rapporteure
Mme Esther de Moustier, rapporteure publique
Lecture du vendredi 29 novembre 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 août, 29 août 2023, 23 mai, 13 juin et 30 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 août 2023 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du classement au titre des monuments historiques des anges musiciens de la basilique Saint-Nicolas de Nantes par un arrêté du ministre de la culture du 6 novembre 1986 ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre un décret portant déclassement de ces statues au titre des monuments historiques à la date de leur dépose dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code du patrimoine ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La basilique Saint-Nicolas de Nantes a été classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 6 novembre 1986 du ministre de la culture et de la communication. A l'occasion des travaux de restauration qui se sont déroulés entre 2008 et 2009, les huit sculptures des anges musiciens qui en ornaient la flèche ont été déposées. M. A... qui détient deux de ces sculptures, dont la commune de Nantes revendique la propriété, a demandé à la ministre de la culture, par un courrier du 9 juin 2023, de prononcer le déclassement partiel de la basilique, au titre des sculptures des anges musiciens, au motif que le remplacement de ces sculptures par des copies les aurait dépourvues d'intérêt patrimonial. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de déclassement qui lui a été opposée le 11 août 2023.
Sur le cadre juridique applicable :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 621-1 du code du patrimoine : " Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 621-8 du même code : " Le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé est prononcé par décret en Conseil d'Etat, soit sur la proposition de l'autorité administrative, soit à la demande du propriétaire ". L'article L. 622-1 dispose que : " Les objets mobiliers, soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination, dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un intérêt public peuvent être classés au titre des monuments historiques par décision de l'autorité administrative./ Les effets du classement prévus dans la présente section s'appliquent aux biens devenus meubles par suite de leur détachement d'immeubles classés en application de l'article L. 621-1, ainsi qu'aux immeubles par destination classés qui sont redevenus meubles ". En vertu de l'article L. 622-6 : " Le déclassement d'un objet mobilier classé au titre des monuments historiques peut être prononcé par l'autorité administrative soit d'office, soit à la demande du propriétaire. Il est notifié aux intéressés ".
3. Il résulte de ces dispositions que le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé ne peut être prononcé, par décret en Conseil d'Etat, que sur proposition de l'autorité administrative ou du propriétaire de ces biens et que celui d'objets mobiliers ne peut l'être, par décision de l'autorité administrative, que d'office ou à la demande du propriétaire.
4. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " 1. Les biens des établissements ecclésiastiques. qui n'ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d'établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après : /1° Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal (...) ". En vertu des articles L. 1 et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens à caractère mobilier ou immobilier qui relèvent du domaine public des collectivités territoriales sont inaliénables et imprescriptibles.
Sur la requête :
5. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".
6. La décision par laquelle l'autorité administrative prononce le classement d'un immeuble ou d'un objet mobilier au titre des monuments historiques, comme celle par laquelle elle procède ou refuse de procéder à leur déclassement, ne constituent pas des actes réglementaires et ne présentent pas davantage le caractère de décisions individuelles. Dès lors, aucune disposition du code de justice administrative ne donne compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort d'un recours tendant à l'annulation d'un refus de déclassement.
7. Toutefois, il résulte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 citées au point 4 que, dès lors que l'église de Saint-Nicolas de Nantes était affectée au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, elle est, depuis cette date, la propriété de la commune de Nantes et relève à ce titre de son domaine public, y compris les sculptures originales des anges musiciens qui en ornaient la flèche, l'ensemble étant par ailleurs protégé au titre des monuments historiques par l'arrêté de classement du 6 novembre 1986. M. A... n'étant propriétaire d'aucun des biens dont il sollicite le déclassement et ne justifiant, par ailleurs, d'aucune autre qualité lui donnant intérêt pour agir, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ses conclusions tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé par l'autorité administrative de procéder à ce déclassement sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-4 du code de justice administrative citées au point 5, de rejeter ses conclusions.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de la culture.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la commune de Nantes.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Roze Noguelou, M. Bruno Delsol, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes conseillers d'Etat Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 29 novembre 2024
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 483102
ECLI:FR:CECHR:2024:483102.20241129
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Isabelle Lemesle, rapporteure
Mme Esther de Moustier, rapporteure publique
Lecture du vendredi 29 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, deux mémoires complémentaires, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 16 août, 29 août 2023, 23 mai, 13 juin et 30 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 août 2023 par laquelle le Premier ministre a rejeté sa demande tendant à l'abrogation du classement au titre des monuments historiques des anges musiciens de la basilique Saint-Nicolas de Nantes par un arrêté du ministre de la culture du 6 novembre 1986 ;
2°) d'enjoindre au Premier ministre de prendre un décret portant déclassement de ces statues au titre des monuments historiques à la date de leur dépose dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code du patrimoine ;
- la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
Considérant ce qui suit :
1. La basilique Saint-Nicolas de Nantes a été classée au titre des monuments historiques par un arrêté du 6 novembre 1986 du ministre de la culture et de la communication. A l'occasion des travaux de restauration qui se sont déroulés entre 2008 et 2009, les huit sculptures des anges musiciens qui en ornaient la flèche ont été déposées. M. A... qui détient deux de ces sculptures, dont la commune de Nantes revendique la propriété, a demandé à la ministre de la culture, par un courrier du 9 juin 2023, de prononcer le déclassement partiel de la basilique, au titre des sculptures des anges musiciens, au motif que le remplacement de ces sculptures par des copies les aurait dépourvues d'intérêt patrimonial. M. A... demande l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de refus de déclassement qui lui a été opposée le 11 août 2023.
Sur le cadre juridique applicable :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 621-1 du code du patrimoine : " Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative (...) ". Selon l'article L. 621-8 du même code : " Le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé est prononcé par décret en Conseil d'Etat, soit sur la proposition de l'autorité administrative, soit à la demande du propriétaire ". L'article L. 622-1 dispose que : " Les objets mobiliers, soit meubles proprement dits, soit immeubles par destination, dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire, de l'art, de la science ou de la technique, un intérêt public peuvent être classés au titre des monuments historiques par décision de l'autorité administrative./ Les effets du classement prévus dans la présente section s'appliquent aux biens devenus meubles par suite de leur détachement d'immeubles classés en application de l'article L. 621-1, ainsi qu'aux immeubles par destination classés qui sont redevenus meubles ". En vertu de l'article L. 622-6 : " Le déclassement d'un objet mobilier classé au titre des monuments historiques peut être prononcé par l'autorité administrative soit d'office, soit à la demande du propriétaire. Il est notifié aux intéressés ".
3. Il résulte de ces dispositions que le déclassement total ou partiel d'un immeuble classé ne peut être prononcé, par décret en Conseil d'Etat, que sur proposition de l'autorité administrative ou du propriétaire de ces biens et que celui d'objets mobiliers ne peut l'être, par décision de l'autorité administrative, que d'office ou à la demande du propriétaire.
4. D'autre part, aux termes de l'article 9 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " 1. Les biens des établissements ecclésiastiques. qui n'ont pas été réclamés par des associations cultuelles constituées dans le délai d'un an à partir de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, seront attribués par décret à des établissements communaux de bienfaisance ou d'assistance situés dans les limites territoriales de la circonscription ecclésiastique intéressée, ou, à défaut d'établissement de cette nature, aux communes ou sections de communes, sous la condition d'affecter aux services de bienfaisance ou d'assistance tous les revenus ou produits de ces biens, sauf les exceptions ci-après : /1° Les édifices affectés au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905 et les meubles les garnissant deviendront la propriété des communes sur le territoire desquelles ils sont situés, s'ils n'ont pas été restitués ni revendiqués dans le délai légal (...) ". En vertu des articles L. 1 et L. 3111-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les biens à caractère mobilier ou immobilier qui relèvent du domaine public des collectivités territoriales sont inaliénables et imprescriptibles.
Sur la requête :
5. Aux termes de l'article R. 351-4 du code de justice administrative : " Lorsque tout ou partie des conclusions dont est saisi un tribunal administratif, une cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat relève de la compétence d'une de ces juridictions administratives, le tribunal administratif, la cour administrative d'appel ou le Conseil d'Etat, selon le cas, est compétent, nonobstant les règles de répartition des compétences entre juridictions administratives, pour rejeter les conclusions entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance, pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partie des conclusions ou pour rejeter la requête en se fondant sur l'irrecevabilité manifeste de la demande de première instance ".
6. La décision par laquelle l'autorité administrative prononce le classement d'un immeuble ou d'un objet mobilier au titre des monuments historiques, comme celle par laquelle elle procède ou refuse de procéder à leur déclassement, ne constituent pas des actes réglementaires et ne présentent pas davantage le caractère de décisions individuelles. Dès lors, aucune disposition du code de justice administrative ne donne compétence au Conseil d'Etat pour connaître en premier et dernier ressort d'un recours tendant à l'annulation d'un refus de déclassement.
7. Toutefois, il résulte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 citées au point 4 que, dès lors que l'église de Saint-Nicolas de Nantes était affectée au culte lors de la promulgation de la loi du 9 décembre 1905, elle est, depuis cette date, la propriété de la commune de Nantes et relève à ce titre de son domaine public, y compris les sculptures originales des anges musiciens qui en ornaient la flèche, l'ensemble étant par ailleurs protégé au titre des monuments historiques par l'arrêté de classement du 6 novembre 1986. M. A... n'étant propriétaire d'aucun des biens dont il sollicite le déclassement et ne justifiant, par ailleurs, d'aucune autre qualité lui donnant intérêt pour agir, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que ses conclusions tendant à l'annulation du refus qui lui a été opposé par l'autorité administrative de procéder à ce déclassement sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance. Par suite, il y a lieu, en application des dispositions de l'article R. 351-4 du code de justice administrative citées au point 5, de rejeter ses conclusions.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de la culture.
Copie en sera adressée au Premier ministre et à la commune de Nantes.
Délibéré à l'issue de la séance du 18 novembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, Mme Roze Noguelou, M. Bruno Delsol, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, M. Didier Ribes conseillers d'Etat Mme Isabelle Lemesle, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 29 novembre 2024
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Isabelle Lemesle
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana