Conseil d'État
N° 490482
ECLI:FR:CECHR:2024:490482.20241114
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteure
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER;SORBA PAYRAU SOCIETE D' AVOCATS, avocats
Lecture du jeudi 14 novembre 2024
Vu la procédure suivante :
I. Sous le n° 490482, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 26 décembre 2023, 26 mars et 11 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques ;
2°) d'enjoindre à l'ARCEP de calculer, d'une part, un nouveau montant définitif de la péréquation pour l'année 2022 et, d'autre part, d'actualiser le taux unique d'acompte prévisionnel à compter d'octobre 2023 conformément aux dispositions applicables ;
3°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 492257, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires enregistrés les 29 février, 29 mai, 4, 10 et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Planeta De Agostini demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'ARCEP du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques en tant qu'elle inclut les éditeurs d'encyclopédie parmi les redevables de cette contribution, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
III. Sous le n° 492321, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires enregistrés les 4 mars, 30 mai, 1er, 10 et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hachette Collections demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'ARCEP du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques en tant qu'elle inclut les éditeurs d'encyclopédie parmi les redevables de cette contribution, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 ;
- la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ;
- la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 ;
- le décret n° 2002-629 du 25 avril 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée après les conclusions à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Messageries lyonnaises de presse et de la société MLP, et à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brocher, avocat de la société Planeta de Agostini ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2024, présentée par les sociétés Planeta de Agostini et Hachette Collections ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 octobre 2024, présentée par la société Messageries lyonnaises de presse et la société MLP ;
Considérant ce qui suit :
Sur le litige :
1. L'article 16 de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dans sa rédaction issue de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse, dispose que : " L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est chargée de faire respecter les principes énoncés par la présente loi. Elle veille à la continuité territoriale et temporelle, à la neutralité et à l'efficacité économique de la distribution groupée de la presse ainsi qu'à une couverture large et équilibrée du réseau des points de vente. / Elle concourt à la modernisation de la distribution de la presse et au respect du pluralisme de la presse ". Aux termes de l'article 18 de la même loi : " Pour l'exécution des missions qui lui sont confiées par l'article 16, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : / (...) / 3° Fixe les règles de répartition, entre toutes les entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse utilisant les services des sociétés agréées de distribution de la presse, des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens. Cette répartition s'effectue au prorata du chiffre d'affaires des entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse ; / (...) ".
2. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a, par une décision n° 2021-2531 du 25 novembre 2021, établi les règles de calcul du mécanisme dit " de péréquation " entre les entreprises de presse prévu par les dispositions du 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947. Cette décision détermine les règles de calcul et de répartition entre les entreprises de presse des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens assurée par la société France Messagerie, seule société agréée de distribution de la presse distribuant des quotidiens en France. Elle fixe également les modalités de collecte et de versement des contributions de ces entreprises de presse destinées à compenser ces coûts. Elle prévoit notamment que ces contributions font l'objet d'acomptes provisionnels mensuels collectés par les sociétés agréées de distribution de la presse qui les reversent à France Messagerie, puis d'une régularisation annuelle une fois connu le montant définitif de ces coûts.
3. Par une décision n° 2023-2252 du 24 octobre 2023, l'ARCEP a, d'une part, au titre de l'année 2022, arrêté le montant de la péréquation et fixé le montant définitif à collecter par les sociétés agréées de distribution de presse MLP et France Messagerie auprès des éditeurs utilisant leurs services ainsi que le montant des régularisations à effectuer et à répercuter auprès des éditeurs, et, d'autre part, fixé le taux des acomptes provisionnels mensuels dus à compter de novembre 2023 au titre d'octobre 2023 et jusqu'en octobre 2024 au titre de septembre 2024 que ces sociétés agréées sont tenues de prélever. Sous le n° 490482, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent l'annulation de cette décision. Sous les n° 492257 et 492321, les sociétés Planeta De Agostini, d'une part, et Hachette Collections, d'autre part, demandent l'annulation de la même décision en tant qu'elle fait participer les éditeurs d'encyclopédie à la péréquation. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.
Sur la requête n° 490482 :
4. En premier lieu, l'article 1er du décret du 25 avril 2002 relatif à l'aide à la distribution de la presse dispose que : " Les publications imprimées d'information politique et générale qui répondent aux critères fixés à l'article 2 et qui en font la demande bénéficient d'une aide à la distribution de leurs exemplaires vendus au numéro dans la limite des crédits inscrits à cet effet en loi de finances. / Les sociétés coopératives de groupage de presse mentionnées à l'article 6 de la loi du 2 avril 1947 susvisée qui répondent aux critères fixés à l'article 2 et qui en font la demande bénéficient d'une aide à la distribution de publications d'information politique et générale dans la limite des crédits inscrits à cet effet en loi de finances ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'aide à la distribution est divisée en trois sections. / L'aide au titre de la première section est allouée : / - aux quotidiens nationaux d'information politique et générale, de langue française, paraissant au moins cinq fois par semaine et bénéficiant du certificat d'inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse ; / - aux publications nationales de périodicité au minimum hebdomadaire, présentant le caractère d'information politique et générale, imprimées sur papier journal pour au moins 90 % de leur surface et dont le prix de vente et la durée de présentation à la vente de chaque numéro sont comparables à ceux des quotidiens nationaux. / (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les aides à la distribution de la presse allouées au titre de la première section sont destinées à contribuer à la distribution en France non de l'ensemble de la presse quotidienne nationale mais de certaines publications d'information politique et générale. Elles sont versées aux éditeurs, qui n'ont aucune obligation d'en reverser tout ou partie aux sociétés agréées de distribution de la presse au nombre desquelles figure la société France Messagerie. La circonstance qu'une partie de ces aides serait effectivement reversée à cette société, repreneuse de la société Presstalis, au titre du protocole de conciliation homologué par le tribunal de commerce de Paris le 14 mars 2018, ne saurait suffire à établir que cette aide a pour objet ou pour effet de compenser les mêmes coûts que ceux répartis entre les éditeurs au titre de la péréquation. Ces aides n'ayant ni le même objet ni le même champ d'application ni, en droit, le même bénéficiaire, que le mécanisme de péréquation institué par le 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en ne les prenant pas en compte dans la définition de la péréquation du montant des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens en France ou dans son mode de calcul, le législateur et l'ARCEP auraient porté atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, tel que garanti notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. Pour le même motif, les moyens tirés de ce que la décision attaquée ou, par voie d'exception, la décision du 25 novembre 2021 méconnaîtraient le 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947 précitée, le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de proportionnalité, et seraient constitutives d'une distorsion de concurrence et entachées d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
Sur les requêtes n° 492321 et 492257 :
7. L'Union des éditeurs de collections et produits composites justifie, eu égard à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des requêtes des sociétés Planeta De Agostini et Hachette Collections. Son intervention au soutien de chacune de ces requêtes est, par suite, recevable.
8. Aux termes de l'article 3 de la loi du 2 avril 1947 modifiée : " Toute entreprise de presse est libre d'assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu'elle jugera les plus appropriés à cet effet. / Toutefois, lorsque deux entreprises de presse ou plus groupent la distribution de journaux et publications périodiques qu'elles éditent, en vue de leur vente au public, elles doivent à cet effet adhérer à une société coopérative de groupage de presse. / La distribution groupée des journaux et publications périodiques est assurée par des sociétés agréées de distribution de la presse. Seules les entreprises de presse membres de sociétés coopératives de groupage de presse peuvent confier la distribution de leurs journaux et publications périodiques à ces mêmes sociétés agréées. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Les journaux ou publications périodiques au sens du [titre 1er relatif à la distribution de la presse imprimée] sont les publications de presse telles que définies au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. " L'article 1er de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dispose : " Au sens de la présente loi, l'expression "publication de presse" désigne tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers. / (...) ".
9. En premier lieu, il résulte des dispositions reproduites au point précédent ainsi qu'au point 1 que les " encyclopédies périodiques ", qui sont des modes écrits de diffusion de la pensée mis à la disposition du public et paraissant à intervalles réguliers, doivent être regardées comme des publications de presse au sens de l'article 2 de la loi du 2 avril 1947, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elles comportent un nombre de titres prédéterminés et que la diffusion de chacune d'entre elle soit limitée dans le temps. Par suite, leurs éditeurs sont tenus, lorsqu'ils font le choix de grouper la distribution de leurs publications en vue de leur vente au public, d'adhérer à une société coopérative de presse, de confier cette distribution à des sociétés agréées de distribution de la presse et de participer au mécanisme de péréquation entre entreprises de presse prévu par le 3° de l'article 18 de cette loi. Il s'ensuit que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en soumettant les éditeurs d' " encyclopédies périodiques " à ce mécanisme, l'ARCEP aurait méconnu sa compétence ainsi que les articles 2, 3 et 18 de la loi du 2 avril 1947, que cette loi méconnaîtrait l'exigence de clarté et de prévisibilité de la norme et, pour ce motif, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales.
10. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'inclusion des ventes des " encyclopédies périodiques " dans le mécanisme de péréquation n'a pas été décidée par l'ARCEP à l'occasion de l'édiction de la décision attaquée, mais résultait déjà nécessairement de ses décisions n° 2021-2351 du 25 novembre 2021 établissant les règles de calcul de la péréquation et n° 2022-1867 du 21 septembre 2022 fixant les montants de la péréquation au titre de l'année 2021, lesquelles, si elles ne précisaient pas explicitement le principe d'une telle inclusion, se sont sur ce point bornées à tirer les conséquences de la loi du 2 avril 1947 dans sa rédaction issue de la loi du 18 octobre 2019, ainsi qu'il a été indiqué au point 9. Par suite, les sociétés requérantes ne peuvent utilement soutenir que la décision attaquée serait irrégulière faute pour l'ARCEP d'avoir mis en oeuvre la procédure de consultation prévue par l'article 21 de la loi du 24 avril 1947, dans le cas où elle envisagerait d'adopter des mesures ayant une incidence importante sur le marché de la distribution de la presse, avant d'inclure les " encyclopédies périodiques " dans le champ de la péréquation et méconnaîtrait les principes de non-rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête n° 490482, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP, la société Planeto de Agostini et la société Hachette Collections ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent. Par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que leurs conclusions, et, en tout état de cause, celles de l'Union des éditeurs de collections et produits composites, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Union des éditeurs de collections et produits composites à l'appui des requêtes n° 492321 et 492257 est admise.
Article 2 : Les requêtes de la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP, de la société Planeto de Agostini et de la société Hachette Collections ainsi que les conclusions de l'Union des éditeurs de collections et produits composites au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Messageries Lyonnaises de Presse, à la société MLP, à la société Planeto de Agostini, à la société Hachette Collections, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, à la société France Messagerie et à l'Union des éditeurs de collections et produits composites.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 14 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard
N° 490482
ECLI:FR:CECHR:2024:490482.20241114
Mentionné aux tables du recueil Lebon
2ème - 7ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteure
M. Clément Malverti, rapporteur public
SCP FOUSSARD, FROGER;SORBA PAYRAU SOCIETE D' AVOCATS, avocats
Lecture du jeudi 14 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
I. Sous le n° 490482, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 26 décembre 2023, 26 mars et 11 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques ;
2°) d'enjoindre à l'ARCEP de calculer, d'une part, un nouveau montant définitif de la péréquation pour l'année 2022 et, d'autre part, d'actualiser le taux unique d'acompte prévisionnel à compter d'octobre 2023 conformément aux dispositions applicables ;
3°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II. Sous le n° 492257, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires enregistrés les 29 février, 29 mai, 4, 10 et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Planeta De Agostini demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'ARCEP du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques en tant qu'elle inclut les éditeurs d'encyclopédie parmi les redevables de cette contribution, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
III. Sous le n° 492321, par une requête, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et deux nouveaux mémoires enregistrés les 4 mars, 30 mai, 1er, 10 et 15 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Hachette Collections demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision n° 2023-2252 de l'ARCEP du 24 octobre 2023 fixant le montant de la péréquation entre entreprises de presse prise en application du 3° de l'article 18 de la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques en tant qu'elle inclut les éditeurs d'encyclopédie parmi les redevables de cette contribution, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) de mettre à la charge de l'ARCEP la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le traité sur l'Union européenne ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 47-585 du 2 avril 1947 ;
- la loi n° 86-897 du 1er août 1986 ;
- la loi n° 2019-1063 du 18 octobre 2019 ;
- le décret n° 2002-629 du 25 avril 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public,
La parole ayant été donnée après les conclusions à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Messageries lyonnaises de presse et de la société MLP, et à la SCP Le Guerer, Bouniol-Brocher, avocat de la société Planeta de Agostini ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 octobre 2024, présentée par les sociétés Planeta de Agostini et Hachette Collections ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 octobre 2024, présentée par la société Messageries lyonnaises de presse et la société MLP ;
Considérant ce qui suit :
Sur le litige :
1. L'article 16 de la loi du 2 avril 1947 relative au statut des entreprises de groupage et de distribution des journaux et publications périodiques, dans sa rédaction issue de la loi du 18 octobre 2019 relative à la modernisation de la distribution de la presse, dispose que : " L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse est chargée de faire respecter les principes énoncés par la présente loi. Elle veille à la continuité territoriale et temporelle, à la neutralité et à l'efficacité économique de la distribution groupée de la presse ainsi qu'à une couverture large et équilibrée du réseau des points de vente. / Elle concourt à la modernisation de la distribution de la presse et au respect du pluralisme de la presse ". Aux termes de l'article 18 de la même loi : " Pour l'exécution des missions qui lui sont confiées par l'article 16, l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse : / (...) / 3° Fixe les règles de répartition, entre toutes les entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse utilisant les services des sociétés agréées de distribution de la presse, des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens. Cette répartition s'effectue au prorata du chiffre d'affaires des entreprises de presse adhérant aux sociétés coopératives de groupage de presse ; / (...) ".
2. L'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) a, par une décision n° 2021-2531 du 25 novembre 2021, établi les règles de calcul du mécanisme dit " de péréquation " entre les entreprises de presse prévu par les dispositions du 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947. Cette décision détermine les règles de calcul et de répartition entre les entreprises de presse des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens assurée par la société France Messagerie, seule société agréée de distribution de la presse distribuant des quotidiens en France. Elle fixe également les modalités de collecte et de versement des contributions de ces entreprises de presse destinées à compenser ces coûts. Elle prévoit notamment que ces contributions font l'objet d'acomptes provisionnels mensuels collectés par les sociétés agréées de distribution de la presse qui les reversent à France Messagerie, puis d'une régularisation annuelle une fois connu le montant définitif de ces coûts.
3. Par une décision n° 2023-2252 du 24 octobre 2023, l'ARCEP a, d'une part, au titre de l'année 2022, arrêté le montant de la péréquation et fixé le montant définitif à collecter par les sociétés agréées de distribution de presse MLP et France Messagerie auprès des éditeurs utilisant leurs services ainsi que le montant des régularisations à effectuer et à répercuter auprès des éditeurs, et, d'autre part, fixé le taux des acomptes provisionnels mensuels dus à compter de novembre 2023 au titre d'octobre 2023 et jusqu'en octobre 2024 au titre de septembre 2024 que ces sociétés agréées sont tenues de prélever. Sous le n° 490482, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP demandent l'annulation de cette décision. Sous les n° 492257 et 492321, les sociétés Planeta De Agostini, d'une part, et Hachette Collections, d'autre part, demandent l'annulation de la même décision en tant qu'elle fait participer les éditeurs d'encyclopédie à la péréquation. Il y a lieu de joindre ces requêtes pour statuer par une même décision.
Sur la requête n° 490482 :
4. En premier lieu, l'article 1er du décret du 25 avril 2002 relatif à l'aide à la distribution de la presse dispose que : " Les publications imprimées d'information politique et générale qui répondent aux critères fixés à l'article 2 et qui en font la demande bénéficient d'une aide à la distribution de leurs exemplaires vendus au numéro dans la limite des crédits inscrits à cet effet en loi de finances. / Les sociétés coopératives de groupage de presse mentionnées à l'article 6 de la loi du 2 avril 1947 susvisée qui répondent aux critères fixés à l'article 2 et qui en font la demande bénéficient d'une aide à la distribution de publications d'information politique et générale dans la limite des crédits inscrits à cet effet en loi de finances ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " L'aide à la distribution est divisée en trois sections. / L'aide au titre de la première section est allouée : / - aux quotidiens nationaux d'information politique et générale, de langue française, paraissant au moins cinq fois par semaine et bénéficiant du certificat d'inscription délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse ; / - aux publications nationales de périodicité au minimum hebdomadaire, présentant le caractère d'information politique et générale, imprimées sur papier journal pour au moins 90 % de leur surface et dont le prix de vente et la durée de présentation à la vente de chaque numéro sont comparables à ceux des quotidiens nationaux. / (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les aides à la distribution de la presse allouées au titre de la première section sont destinées à contribuer à la distribution en France non de l'ensemble de la presse quotidienne nationale mais de certaines publications d'information politique et générale. Elles sont versées aux éditeurs, qui n'ont aucune obligation d'en reverser tout ou partie aux sociétés agréées de distribution de la presse au nombre desquelles figure la société France Messagerie. La circonstance qu'une partie de ces aides serait effectivement reversée à cette société, repreneuse de la société Presstalis, au titre du protocole de conciliation homologué par le tribunal de commerce de Paris le 14 mars 2018, ne saurait suffire à établir que cette aide a pour objet ou pour effet de compenser les mêmes coûts que ceux répartis entre les éditeurs au titre de la péréquation. Ces aides n'ayant ni le même objet ni le même champ d'application ni, en droit, le même bénéficiaire, que le mécanisme de péréquation institué par le 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en ne les prenant pas en compte dans la définition de la péréquation du montant des coûts spécifiques et ne pouvant être évités induits par la distribution des quotidiens en France ou dans son mode de calcul, le législateur et l'ARCEP auraient porté atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, tel que garanti notamment par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
6. Pour le même motif, les moyens tirés de ce que la décision attaquée ou, par voie d'exception, la décision du 25 novembre 2021 méconnaîtraient le 3° de l'article 18 de la loi du 2 avril 1947 précitée, le principe d'égalité devant la loi, le principe d'égalité devant les charges publiques, le principe de proportionnalité, et seraient constitutives d'une distorsion de concurrence et entachées d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
Sur les requêtes n° 492321 et 492257 :
7. L'Union des éditeurs de collections et produits composites justifie, eu égard à l'objet du litige, d'un intérêt suffisant pour intervenir au soutien des requêtes des sociétés Planeta De Agostini et Hachette Collections. Son intervention au soutien de chacune de ces requêtes est, par suite, recevable.
8. Aux termes de l'article 3 de la loi du 2 avril 1947 modifiée : " Toute entreprise de presse est libre d'assurer elle-même la distribution de ses propres journaux et publications périodiques par les moyens qu'elle jugera les plus appropriés à cet effet. / Toutefois, lorsque deux entreprises de presse ou plus groupent la distribution de journaux et publications périodiques qu'elles éditent, en vue de leur vente au public, elles doivent à cet effet adhérer à une société coopérative de groupage de presse. / La distribution groupée des journaux et publications périodiques est assurée par des sociétés agréées de distribution de la presse. Seules les entreprises de presse membres de sociétés coopératives de groupage de presse peuvent confier la distribution de leurs journaux et publications périodiques à ces mêmes sociétés agréées. / (...) ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Les journaux ou publications périodiques au sens du [titre 1er relatif à la distribution de la presse imprimée] sont les publications de presse telles que définies au premier alinéa de l'article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse. " L'article 1er de la loi du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse dispose : " Au sens de la présente loi, l'expression "publication de presse" désigne tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers. / (...) ".
9. En premier lieu, il résulte des dispositions reproduites au point précédent ainsi qu'au point 1 que les " encyclopédies périodiques ", qui sont des modes écrits de diffusion de la pensée mis à la disposition du public et paraissant à intervalles réguliers, doivent être regardées comme des publications de presse au sens de l'article 2 de la loi du 2 avril 1947, sans qu'ait d'incidence la circonstance qu'elles comportent un nombre de titres prédéterminés et que la diffusion de chacune d'entre elle soit limitée dans le temps. Par suite, leurs éditeurs sont tenus, lorsqu'ils font le choix de grouper la distribution de leurs publications en vue de leur vente au public, d'adhérer à une société coopérative de presse, de confier cette distribution à des sociétés agréées de distribution de la presse et de participer au mécanisme de péréquation entre entreprises de presse prévu par le 3° de l'article 18 de cette loi. Il s'ensuit que les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en soumettant les éditeurs d' " encyclopédies périodiques " à ce mécanisme, l'ARCEP aurait méconnu sa compétence ainsi que les articles 2, 3 et 18 de la loi du 2 avril 1947, que cette loi méconnaîtrait l'exigence de clarté et de prévisibilité de la norme et, pour ce motif, l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de sauvegarde des libertés fondamentales.
10. En second lieu, contrairement à ce qui est soutenu, l'inclusion des ventes des " encyclopédies périodiques " dans le mécanisme de péréquation n'a pas été décidée par l'ARCEP à l'occasion de l'édiction de la décision attaquée, mais résultait déjà nécessairement de ses décisions n° 2021-2351 du 25 novembre 2021 établissant les règles de calcul de la péréquation et n° 2022-1867 du 21 septembre 2022 fixant les montants de la péréquation au titre de l'année 2021, lesquelles, si elles ne précisaient pas explicitement le principe d'une telle inclusion, se sont sur ce point bornées à tirer les conséquences de la loi du 2 avril 1947 dans sa rédaction issue de la loi du 18 octobre 2019, ainsi qu'il a été indiqué au point 9. Par suite, les sociétés requérantes ne peuvent utilement soutenir que la décision attaquée serait irrégulière faute pour l'ARCEP d'avoir mis en oeuvre la procédure de consultation prévue par l'article 21 de la loi du 24 avril 1947, dans le cas où elle envisagerait d'adopter des mesures ayant une incidence importante sur le marché de la distribution de la presse, avant d'inclure les " encyclopédies périodiques " dans le champ de la péréquation et méconnaîtrait les principes de non-rétroactivité des actes administratifs et de sécurité juridique.
11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête n° 490482, la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP, la société Planeto de Agostini et la société Hachette Collections ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision qu'elles attaquent. Par suite, leurs conclusions aux fins d'injonction ainsi que leurs conclusions, et, en tout état de cause, celles de l'Union des éditeurs de collections et produits composites, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'Union des éditeurs de collections et produits composites à l'appui des requêtes n° 492321 et 492257 est admise.
Article 2 : Les requêtes de la société Messageries Lyonnaises de Presse et la société MLP, de la société Planeto de Agostini et de la société Hachette Collections ainsi que les conclusions de l'Union des éditeurs de collections et produits composites au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Messageries Lyonnaises de Presse, à la société MLP, à la société Planeto de Agostini, à la société Hachette Collections, à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse, à la société France Messagerie et à l'Union des éditeurs de collections et produits composites.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et Mme Amélie Fort-Besnard, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 14 novembre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Amélie Fort-Besnard
La secrétaire :
Signé : Mme Eliane Evrard