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Ariane Web: Conseil d'État 487687, lecture du 8 novembre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:487687.20241108

Décision n° 487687
8 novembre 2024
Conseil d'État

N° 487687
ECLI:FR:CECHR:2024:487687.20241108
Mentionné aux tables du recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Philippe Bachschmidt, rapporteur
M. Laurent Domingo, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ, avocats


Lecture du vendredi 8 novembre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle le consul général de France à Bamako (Mali) a rejeté sa demande de communication du dossier administratif de ses enfants, établi à l'occasion de sa demande de transcription de leurs actes de naissance dans les registres consulaires d'état civil, et d'enjoindre au consul général ou à toute autre autorité compétente de lui communiquer ce dossier dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2210820 du 30 septembre 2022, le président du tribunal administratif de Nantes a, en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis la demande au tribunal administratif de Paris.

Par un jugement n° 2220396 du 29 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 août et 28 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, à verser à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, son avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code civil ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. A..., et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du Conseil national des barreaux ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A... a demandé au consul général de France à Bamako (Mali), le 25 avril 2022, la communication du dossier administratif relatif à la demande de transcription des actes de naissance de ses enfants sur les registres consulaires d'état civil. M. A... se pourvoit en cassation contre le jugement du 29 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à ce que soit annulée la décision implicite par laquelle le consul général a rejeté sa demande et à ce qu'il soit enjoint au consul général de lui communiquer ce dossier.

Sur l'intervention du Conseil national des barreaux :

2. Est recevable à former une intervention, devant le juge du fond comme devant le juge de cassation, toute personne qui justifie d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige.

3. Le Conseil national des barreaux, établissement d'utilité publique doté de la personnalité morale institué par l'article 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, a principalement pour objet de représenter la profession d'avocat auprès des pouvoirs publics. La décision attaquée n'emporte pas d'incidences suffisamment directes et certaines sur les conditions d'exercice de la profession d'avocat pour que le Conseil national des barreaux justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien du pourvoi de M. A.... Il résulte de ce qui précède que son intervention n'est pas recevable.

Sur le pourvoi de M. A... :

4. Aux termes de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérés comme documents administratifs, au sens des titres Ier, III et IV du présent livre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions, codes sources et décisions ". Selon l'article 34-1 du code civil : " Les actes de l'état civil sont établis par les officiers de l'état civil. Ces derniers exercent leurs fonctions sous le contrôle du procureur de la République ".

5. Les actes d'état civil ne constituent pas des documents administratifs entrant dans le champ d'application de l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même des documents nécessaires à leur établissement ainsi qu'à l'accomplissement des missions des officiers de l'état civil, notamment des documents produits ou reçus en vue de l'authentification d'un acte d'état civil étranger et de sa transcription sur les registres français de l'état civil.

6. Par suite, en jugeant que les documents figurant dans le dossier administratif de la demande de transcription des actes de naissance des enfants du requérant sur les registres consulaires, détenu par le consulat général de France à Bamako, n'étaient pas détachables des actes d'état civil qu'ils permettaient d'établir et ne constituaient, dès lors, pas des documents administratifs communicables en vertu des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, le tribunal, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a pas commis d'erreur de droit.

7. Compte tenu de ce qui a été précédemment, il ne peut être utilement soutenu que le tribunal aurait méconnu son office dit dans l'exercice de ses pouvoirs d'instruction en n'ordonnant pas, avant dire droit, la production devant lui des documents demandés afin de déterminer dans quelle mesure ils présenteraient un caractère communicable.

8. Il résulte de ce qui précède que le pourvoi doit être rejeté, y compris les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.


D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention du Conseil national des barreaux n'est pas admise.
Article 2 : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., au ministre de l'Europe et des affaires étrangères et au Conseil national des barreaux.

Délibéré à l'issue de la séance du 16 octobre 2024 où siégeaient : M. Jacques- Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Lisa Gamgani, conseillers d'Etat ; M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et M. Philippe Bachschmidt, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 8 novembre 2024.

Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl

Le rapporteur :
Signé : M. Philippe Bachschmidt

La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana



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