Base de jurisprudence

Ariane Web: Conseil d'État 451264, lecture du 23 octobre 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:451264.20241023

Décision n° 451264
23 octobre 2024
Conseil d'État

N° 451264
ECLI:FR:CECHR:2024:451264.20241023
Inédit au recueil Lebon
3ème - 8ème chambres réunies
M. Rémy Schwartz, président
M. Géraud Sajust de Bergues, rapporteur
Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique
SELARL TUMERELLE, avocats


Lecture du mercredi 23 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 388649 du 7 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, notamment, en premier lieu, annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande présentée par la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et la Fédération Nature et Progrès tendant, d'une part, à l'abrogation du a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement et, d'autre part, à ce qu'il prononce un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides (article 1er), en deuxième lieu, enjoint au Premier ministre, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, de modifier le a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement, en fixant par décret pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies, la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps (article 2), en troisième lieu, enjoint aux autorités compétentes d'identifier, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision, au sein du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, celles des variétés, en particulier parmi les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l'évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir et d'apprécier, s'agissant des variétés ainsi identifiées, s'il y a lieu de faire application des dispositions du 2 de l'article 14 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 et des articles L. 535-6 et L. 535-7 du code de l'environnement (article 3), en quatrième lieu, enjoint, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations formulées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) dans son avis du 26 novembre 2019, en matière d'évaluation des risques liés aux VRTH, ou de prendre toute autre mesure équivalente de nature à répondre aux observations de l'agence sur les lacunes des données actuellement disponibles (article 4) et, en cinquième lieu, enjoint au Premier ministre de mettre en oeuvre la procédure prévue par le 2 de l'article 16 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002, pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France (article 5).

Par une décision n° 451264 du 8 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, notamment, en premier lieu, prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de cette décision, adopté un plan d'action définissant les mesures retenues en vue d'évaluer les risques liés aux variétés de plantes rendues tolérantes aux herbicides pour la santé humaine et le milieu aquatique, en exécution de l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020 et a fixé le montant de cette astreinte à 100 000 euros par semestre de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution (article 1er), en deuxième lieu, prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de la même décision, exécuté l'injonction mentionnée à l'article 5 de la décision du 7 février 2020 et fixé le montant de cette astreinte à 500 euros par jour de retard jusqu'à la date de cette exécution (article 2) et, en troisième lieu, sursis à statuer sur les conclusions de la requête visant l'exécution des injonctions mentionnées aux articles 2 et 3 de la décision du 7 février 2020 jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles suivantes (article 4) :

1° L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, lu conjointement avec l'annexe I B, point 1, de cette directive et à la lumière du considérant 17 de celle-ci, doit-il être interprété en ce sens que, pour distinguer parmi les techniques/méthodes de mutagénèse les techniques/méthodes qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, au sens de l'arrêt de la Cour de justice du 25 juillet 2018, il y a lieu de ne considérer que les modalités selon lesquelles l'agent mutagène modifie le matériel génétique de l'organisme ou il y a lieu de prendre en compte l'ensemble des variations de l'organisme induites par le procédé employé, y compris les variations somaclonales, susceptibles d'affecter la santé humaine et l'environnement '

2° L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001, lu conjointement avec l'annexe I B, point 1, de cette directive et à la lumière du considérant 17 de celle-ci, doit-il être interprété en ce sens que, pour déterminer si une technique/méthode de mutagénèse a été traditionnellement utilisée pour diverses applications et si sa sécurité est avérée depuis longtemps, au sens de l'arrêt de la Cour de justice du 25 juillet 2018, il y a lieu de ne prendre en compte que les cultures en plein champ des organismes obtenus au moyen de cette méthode/technique ou s'il est possible de prendre également en compte les travaux et publications de recherches ne se rapportant pas à ces cultures et si, s'agissant de ces travaux et publications, seuls sont à considérer ceux qui portent sur les risques pour la santé humaine ou l'environnement '

La section du rapport et des études du Conseil d'Etat a exécuté les diligences qui lui incombent en vertu de l'article R. 931-7 du code de justice administrative.

Par des observations, enregistrées les 9 février, 8 juillet et 15 juillet 2022 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire demande au Conseil d'Etat de constater que le Gouvernement a mis en oeuvre l'ensemble des mesures prescrites par les articles 1er et 2 de la décision du 8 novembre 2021.

Par des observations, enregistrées le 11 mars 2022 au secrétariat de la section du rapport et des études du Conseil d'Etat, la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès demandent au Conseil d'Etat :

1°) de constater que les articles 1er et 2 de la décision du 8 novembre 2021 n'ont pas été pleinement exécutés ;

2°) de dire que l'astreinte prononcée à l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021 courra tant que la traçabilité et la localisation des cultures de VRTH, via le registre parcellaire graphique de la politique agricole commune ou tout autre registre ad hoc, ainsi qu'un suivi orienté de la qualité des eaux de surface, souterraine et des eaux destinées à la consommation humaine ne seront pas mis en place ;

3°) de liquider l'astreinte prévue à l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021 ;

4°) de dire que l'astreinte prononcée à l'article 2 de cette décision courra tant que la liste des VRTH ne sera pas mise à jour et les conditions de culture préconisées complétées ;

5°) de liquider l'astreinte prévue à l'article 2 de la décision du 8 novembre 2021.

Les notes du 20 avril et du 29 septembre 2022 que la présidente de la section du rapport et des études a adressées au président de la 3ème chambre de la section du contentieux ont été communiquées aux parties en application des dispositions de l'article R. 931-5 du code de justice administrative.

Un nouveau mémoire, enregistré le 18 novembre 2022 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, a été présenté par le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Par un mémoire, enregistré le 23 novembre 2022, la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès maintiennent leurs conclusions.

Par un arrêt du 7 février 2023 (C-688/21), la Cour de justice de l'Union européenne a répondu aux questions préjudicielles du Conseil d'Etat.

Par une mesure supplémentaire d'instruction du 16 février 2023, le Conseil d'Etat a communiqué, pour observations éventuelles, aux parties l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 février 2023.

Par des observations, enregistrées les 28 février et 14 avril 2023, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Par des observations, enregistrées les 7 mars 2023, 14 avril 2023, 23 juin 2023, 2 octobre 2023 et 8 mars 2024, la Fédération française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux a répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Par des observations, enregistrées les 21 mars, 26 mai et 4 août 2023, la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès ont répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Par une mesure supplémentaire d'instruction du 11 mars 2024, le Conseil d'Etat a demandé au ministre de l'agriculture et de la souveraineté, d'une part, si le projet de décret qu'il lui a transmis a été soumis à l'avis de l'ANSES ainsi qu'à la consultation du public, d'autre part, quelles sont les mesures qui ont été prises en vue de mettre en oeuvre la recommandation de l'ANSES, dans son avis du 26 novembre 2019, concernant l'amélioration de la traçabilité de l'utilisation des semences de variétés rendues résistantes aux herbicides et, enfin, comment ont été réalisées les actions n° 4 et n° 5 de son plan d'action destinées à mettre en oeuvre les autres recommandations issues de cet avis.

Par un courrier, enregistré le 25 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Par un mémoire, enregistré le 24 avril 2024, la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès ont formulé des observations sur ce courrier.

Par une mesure supplémentaire d'instruction du 13 septembre 2024, le Conseil d'Etat a invité les parties à lui indiquer quelles personnes morales de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou de droit privé à but non lucratif menant, conformément à leurs statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet pourraient utilement être désignées affectataires de cette astreinte, dans l'hypothèse où il serait procédé à une telle liquidation.

Par deux courriers, enregistrés les 26 et 27 septembre 2024, la Confédération Paysanne, le Réseau Semences Paysannes, Les Amis de la Terre France, le Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, Vigilance OG2M, CSFV 49, OGM Dangers, Vigilance OGM 33 et Fédération Nature et Progrès ont répondu à cette mesure supplémentaire d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 ;
- la directive 2002/53/CE du Conseil du 13 juin 2002 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 ;
- le décret n° 2020-1265 du 16 octobre 2020 ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 février 2023, Confédération paysanne e.a. (C-688/21) ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteure publique ;


Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 7 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, notamment, en premier lieu, annulé la décision implicite par laquelle le Premier ministre a rejeté la demande présentée par la Confédération paysanne et autres tendant à l'abrogation du a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement et à ce qu'il prononce un moratoire sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides (article 1er), en deuxième lieu, enjoint au Premier ministre, dans un délai de six mois, de modifier le a) du 2° de ce même article, en fixant par décret pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps (article 2), en troisième lieu, enjoint aux autorités compétentes d'identifier, dans un délai de neuf mois, au sein du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, celles des variétés, en particulier parmi les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l'évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir et d'apprécier, s'agissant des variétés ainsi identifiées, s'il y a lieu de faire application des dispositions du 2 de l'article 14 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 et des articles L. 535-6 et L. 535-7 du code de l'environnement (article 3), en quatrième lieu, enjoint au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation, dans un délai de six mois, de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre des recommandations formulées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), dans son avis du 26 novembre 2019, en matière d'évaluation des risques liés aux VRTH, ou de prendre toute autre mesure équivalente de nature à répondre aux observations de l'agence sur les lacunes des données actuellement disponibles (article 4) et, en cinquième lieu, enjoint au Premier ministre de mettre en oeuvre la procédure prévue par le 2 de l'article 16 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002, pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France (article 5). Par une décision du 8 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, notamment, en premier lieu, prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de cette décision, adopté un plan d'action définissant les mesures retenues en vue d'évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique, en exécution de l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020 et a fixé le montant de cette astreinte à 100 000 euros par semestre de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution (article 1er), en deuxième lieu, prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de la même décision, exécuté l'injonction mentionnée à l'article 5 de la décision du 7 février 2020 et fixé le montant de cette astreinte à 500 euros par jour de retard jusqu'à la date de cette exécution (article 2) et, en troisième lieu, sursis à statuer sur les conclusions de la requête visant l'exécution des injonctions mentionnées aux articles 2 et 3 de la décision du 7 février 2020 jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions dont il l'a saisie à titre préjudiciel.

Sur les conclusions relatives à l'injonction mentionnée à l'article 2 de la décision du 7 février 2020 :

2. Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, par l'article 2 de sa décision du 7 février 2020, le Conseil d'Etat a enjoint au Premier ministre, dans un délai de six mois à compter de la notification de la décision, de modifier le a) du 2° de l'article D. 531-2 du code de l'environnement, en fixant par décret pris après avis du Haut Conseil des biotechnologies la liste limitative des techniques ou méthodes de mutagenèse traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, et par sa décision du 8 novembre 2021, il a sursis à statuer sur les conclusions de la requête de la Confédération Paysanne, du Réseau Semences Paysannes, des Amis de la Terre France, du Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, de Vigilance OG2M, de CSFV 49, d'OGM Dangers, de Vigilance OGM 33 et de Fédération Nature et Progrès tendant à l'exécution de cette injonction jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions dont il l'a saisie à titre préjudiciel.

3. Par son arrêt du 7 février 2023, se prononçant sur les questions dont le Conseil d'Etat l'avait saisie, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 mars 2001, relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil, lu conjointement avec l'annexe I B, point 1, de cette directive et à la lumière du considérant 17 de celle-ci, doit être interprété en ce sens que les organismes obtenus par l'application d'une technique/méthode de mutagenèse qui est fondée sur les mêmes modalités de modification, par l'agent mutagène, du matériel génétique de l'organisme concerné qu'une technique/méthode de mutagenèse traditionnellement utilisée pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, mais qui se distingue de cette seconde technique/méthode de mutagenèse par d'autres caractéristiques sont, en principe, exclus de l'exemption prévue à cette disposition, pour autant qu'il soit établi que ces caractéristiques sont susceptibles d'entraîner des modifications du matériel génétique de cet organisme différentes, par leur nature ou par le rythme auquel elles se produisent, de celles qui résultent de l'application de ladite seconde technique/méthode de mutagenèse. Toutefois, a-t-elle précisé par le même arrêt, les effets inhérents aux cultures in vitro ne justifient pas, en tant que tels, que soient exclus de cette exemption les organismes obtenus par l'application in vitro d'une technique/méthode de mutagenèse qui a été traditionnellement utilisée pour diverses applications in vivo et dont la sécurité est avérée depuis longtemps au regard de ces applications.

4. Il résulte de l'interprétation donnée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 février 2023 que les techniques de mutagénèse aléatoire in vitro doivent être considérées, au même titre que les techniques de mutagénèse aléatoire in vivo, comme traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps, de telle sorte que les organismes obtenus au moyen de ces techniques sont exclus du champ d'application de la directive 2001/18/CE.

5. Eu égard à cette interprétation, il appartient au Premier ministre d'adopter un projet de décret modifiant l'article D. 531-2 du code de l'environnement, qui fixe la liste des techniques permettant l'obtention d'organismes génétiquement modifiés qui, en application de l'article L. 531-2 du même code, ne sont pas soumis aux dispositions du titre III du livre V de ce code, afin d'ajouter, au premier alinéa, après les mots " comme donnant lieu à une modification génétique ", les mots " ou qui ont fait l'objet d'une utilisation traditionnelle et dont la sécurité pour la santé publique ou l'environnement est avérée depuis longtemps ", et au a) du 2°, après le mot " mutagénèse ", le mot " aléatoire ".

6. Il résulte de l'instruction qu'à la date de la présente décision, le projet de décret correspondant, qui doit encore être soumis à une consultation du public et faire l'objet d'un avis de l'ANSES, n'a, compte tenu des délais nécessaires pour tirer toutes les conséquences de la réponse apportée par la Cour de justice de l'Union européenne aux questions préjudicielles qui lui ont été adressées par la décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 8 novembre 2021, pas encore été adopté. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de reporter à quatre mois à compter de la notification de la présente décision le terme fixé par l'injonction au Premier ministre d'adopter ce décret. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions relatives à l'injonction mentionnée à l'article 3 de la décision du 7 février 2020 :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 1, par l'article 3 de sa décision du 7 février 2020, le Conseil d'Etat a enjoint aux autorités compétentes d'identifier, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de la présente décision, au sein du catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, celles des variétés, en particulier parmi les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH), qui y auraient été inscrites sans que soit conduite l'évaluation à laquelle elles auraient dû être soumises compte tenu de la technique ayant permis de les obtenir et d'apprécier, s'agissant des variétés ainsi identifiées, s'il y a lieu de faire application des dispositions du 2 de l'article 14 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 et des articles L. 535-6 et L. 535-7 du code de l'environnement, et par sa décision du 8 novembre 2021, il a sursis à statuer sur les conclusions des associations et syndicats requérants tendant à l'exécution de cette injonction jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions dont il l'a saisie à titre préjudiciel.

8. Toutefois, ainsi que l'a indiqué, sans être contesté, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, toutes les variétés issues des techniques de mutagénèse figurant dans le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles sont issues de techniques de mutagénèse aléatoire in vivo ou in vitro. Par suite, et compte tenu de ce qui a été dit au point 5, l'injonction mentionnée à l'article 3 de la décision du 7 février 2020 est devenue sans objet.

Sur les conclusions tendant au prononcé d'astreintes :

9. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. / (...) ".

En ce qui concerne l'astreinte mentionnée à l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021 :

10. Par la décision du 7 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a relevé que l'avis du 26 novembre 2019 de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) indiquait qu'une meilleure évaluation des risques découlant de l'usage de semences de VRTH supposait d'améliorer la traçabilité de l'utilisation de semences de variétés jusqu'à l'utilisation finale des cultures, d'augmenter la surveillance des résidus des substances herbicides associées aux VRTH dans les régions concernées et dans les matrices de colza et de tournesol, de réaliser une étude comparative des concentrations en résidus d'herbicides dans les eaux environnementales selon que les VRTH sont utilisées ou non et d'étudier les effets sanitaires potentiels des VRTH s'agissant de l'éventuelle formation de métabolites qui seraient liées à la dégradation des produits phytopharmaceutiques et qui ne seraient pas prises en compte lors de l'évaluation de ces derniers, et a enjoint au Premier ministre et au ministre de l'agriculture, à l'article 4, de prendre les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces recommandations ou de prendre toute autre mesure de nature équivalente de nature à répondre aux observations de l'ANSES sur les lacunes des données disponibles. Par l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de cette décision, adopté un plan d'action définissant les mesures retenues en vue d'évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique, en exécution de l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020, et a fixé le montant de cette astreinte à 100 000 euros par semestre de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution.

11. En premier lieu, le 9 février 2022, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a transmis au Conseil d'Etat un plan d'action comportant six actions destinées à évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique. L'action n° 1 consiste à maintenir les missions d'appui et d'analyse de l'ANSES auprès des ministères de l'agriculture et de la transition écologique en matière de VRTH. Les actions n° 2 et n° 3 ont pour objet de renforcer la surveillance des résidus de pesticides associés aux VRTH. Dans le cadre de l'action n° 2, la direction générale de l'alimentation du ministère de l'agriculture et de l'alimentation a adopté, le 22 mars 2022, une instruction technique prévoyant la réalisation en cours d'année de prélèvements sur les récoltes de tournesol VRTH et la recherche de substances actives associées aux VRTH, notamment l'imazamox et le tribénuron-méthyle. L'action n° 3 prévoit la réalisation, en 2023, d'une étude du métabolisme de dégradation des herbicides chez le tournesol VRTH. L'action n° 4 consiste à mettre en place, en 2022, une expérimentation de terrain dans un bassin versant sur deux parcelles, l'une plantée en VRTH et l'autre non. L'action n° 5 prévoit la réalisation d'une étude de faisabilité préalable à la mise en place d'un réseau de points de prélèvement dans le but de parvenir à une évaluation plus générale des risques pour le milieu aquatique. Enfin, l'action n° 6 consiste à demander à l'ANSES d'analyser les résultats qui seront obtenus dans le cadre du plan d'action.

12. D'une part, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a transmis au Conseil d'Etat, par un courrier du 18 novembre 2022, l'appel à manifestation d'intérêt, qui avait été mis en ligne, le 7 novembre précédent, par l'Office français de la biodiversité, en vue de la mise en place d'une expérimentation relative aux effets de la culture des VRTH sur les milieux aquatiques (action n° 4 du plan d'action). Faute de candidature, l'Office français de la biodiversité a lancé, le 13 février 2023, un nouvel appel à manifestation d'intérêt ayant le même objet.

13. D'autre part, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a informé le Conseil d'Etat, dans son mémoire du 28 février 2023, que l'Office français de la biodiversité devait lancer, la semaine du 6 mars 2023, un marché visant à la réalisation de deux études recommandées par l'ANSES dans son avis du 26 novembre 2019, soit une étude sur le métabolisme de dégradation d'un herbicide par un VRTH de tournesol cultivée en France (action n° 3 du plan d'action), et une étude de faisabilité pour la mise en place d'un réseau de points de prélèvement permettant de surveiller l'impact de la culture des VRTH sur la qualité des eaux par rapport aux variétés classiques (action n° 5 du plan d'action).

14. Enfin, en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction du Conseil d'Etat du 11 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire a indiqué que, faute de candidat, le second appel à manifestation d'intérêt mentionné au point 13 et le marché mentionné au point 14 sont restés infructueux. Le ministre a cependant précisé que pour remédier à ces difficultés, l'Office français de la biodiversité a décidé, d'une part, en vue de la mise en place de l'expérimentation relative aux effets de la culture des VRTH sur les milieux aquatiques, de solliciter directement des équipes de recherche ainsi que l'institut technique agricole compétent et, d'autre part, s'agissant des deux études faisant l'objet du marché mentionnées au point 13, d'augmenter l'enveloppe dévolue à ce marché en vue de susciter, cette fois, des candidatures. Dans ces circonstances, et compte tenu des engagement pris par l'Office français de la biodiversité, l'Etat doit être considéré, à la date de la présente décision, comme ayant mis en oeuvre les différentes actions de son plan d'action destiné à évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique.

15. En second lieu, en revanche, comme l'a relevé l'ANSES dans son avis du 26 novembre 2019 et comme l'a rappelé le Conseil d'Etat dans sa décision du 7 février 2020, l'évaluation des risques liés à l'utilisation des semences VRTH suppose également d'améliorer leur traçabilité jusqu'à l'utilisation finale des cultures. Or, en réponse à la mesure supplémentaire d'instruction du Conseil d'Etat du 11 mars 2024, le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire s'est borné, à cet égard, à rappeler, pour l'essentiel, qu'en vertu du nouvel article L. 259-2 du code rural et de la pêche maritime, entré en vigueur le 17 décembre 2021, un décret pourrait désormais, dans le cas où l'étude des incidences de l'utilisation des variétés rendues tolérantes aux herbicides sur l'environnement et la santé publique le nécessiterait, imposer aux exploitants, dans une zone géographique déterminée ou sur l'ensemble du territoire national, de déclarer la culture d'une variété rendue tolérante aux herbicides et prévoir les conditions dans lesquelles les données et informations relatives à cette culture sont collectées. Aucun décret n'a cependant été adopté sur ce fondement, et l'Etat n'a pas précisé ses intentions à cet égard, ou les mesures équivalentes de nature à répondre à la recommandation d'assurer la traçabilité de l'usage de semences VRTH jusqu'à l'utilisation finale des cultures. Dans ces conditions, l'Etat ne peut être regardé, sur ce dernier point, comme ayant complètement exécuté l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020, telle que précisée par l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021.

En ce qui concerne l'astreinte mentionnée à l'article 2 de la décision du 8 novembre 2021 :

16. Par l'article 5 de la décision du 7 février 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a enjoint au Premier ministre de mettre en oeuvre la procédure prévue par le 2 de l'article 16 de la directive 2002/53/CE du 13 juin 2002 concernant le catalogue commun des variétés des espèces de plantes agricoles, pour être autorisé à prescrire des conditions de culture appropriées pour les VRTH issues de la mutagénèse utilisées en France. Par l'article 2 de la décision du 8 novembre 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a prononcé une astreinte contre l'Etat, s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification de la même décision, exécuté cette injonction et fixé le montant de cette astreinte à 500 euros par jour de retard jusqu'à la date de cette exécution.

17. Aux termes du paragraphe 2 de l'article 16 de la directive 2002/53/CE : " Un Etat membre peut, sur demande à traiter conformément à la procédure [de comitologie] visée à l'article 23, paragraphe 2, ou à l'article 23, paragraphe 3, dans le cas des variétés génétiquement modifiées, être autorisé à interdire, pour tout ou partie de son territoire, l'utilisation de la variété ou à prescrire des conditions appropriées de culture de la variété et, dans le cas prévu au point c), des conditions d'utilisation des produits issus de la culture de cette variété : / a) s'il est prouvé que la culture de cette variété pourrait nuire, sur le plan phytosanitaire, à la culture d'autres variétés ou espèces ; / (...) / c) s'il a des raisons valables, autres que celles qui ont déjà été évoquées ou qui ont pu être évoquées lors de la procédure visée à l'article 10, paragraphe 2, de considérer que la variété présente un risque pour la santé humaine ou l'environnement ".

18. Le 8 février 2022, le Gouvernement a adressé à la Commission européenne une note par laquelle il lui demande de l'autoriser à prescrire des conditions appropriées de culture de VRTH, au titre de l'article 16, paragraphe 2, de la directive 2002/53/CE. D'une part, cette note indique de manière suffisamment précise et circonstanciée les VRTH de tournesol issues de la technique de mutagénèse concernées et les conditions de culture envisagées pour ces variétés. D'autre part, si cette note ne se réfère qu'à deux variétés de tournesol, elle précise que, si des semences VRTH issues de la mutagénèse venaient à être cultivées en France chez d'autres espèces, des mesures appropriées seraient également envisagées. Il s'en déduit notamment qu'en cas de culture de semences de colza répondant à ces critères, celles-ci pourraient faire également l'objet d'une saisine de la Commission européenne au titre de l'article 16, paragraphe 2, de la directive 2002/53/CE.

19. Par suite, l'Etat doit être considéré comme ayant exécuté l'injonction mentionnée à l'article 5 de la décision du 7 février 2020, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu de procéder à la liquidation de l'astreinte prononcée à l'encontre de l'Etat par l'article 2 de la décision du 8 novembre 2021.

En ce qui concerne la liquidation de l'astreinte mentionnée à l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021 :

20. Aux termes de l'article L. 911-7 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive, la juridiction procède à la liquidation de l'astreinte qu'elle avait prononcée. (...) Elle peut modérer ou supprimer l'astreinte provisoire, même en cas d'inexécution constatée ".

21. Afin d'assurer l'exécution de ses décisions, la juridiction administrative peut prononcer une astreinte à l'encontre d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, soit dans la décision statuant au fond sur les prétentions des parties sur le fondement de l'article L. 911-3 du code de justice administrative, soit ultérieurement en cas d'inexécution de la décision sur le fondement des articles L. 911-4 et L. 911-5 du même code. En cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive de la décision, la juridiction procède, en vertu de l'article L. 911-7 de ce code, à la liquidation de l'astreinte. En vertu du premier alinéa de l'article L. 911-8 de ce code, la juridiction a la faculté de décider, afin d'éviter un enrichissement indu, qu'une fraction de l'astreinte liquidée ne sera pas versée au requérant, le second alinéa prévoyant que cette fraction est alors affectée au budget de l'Etat. Toutefois, l'astreinte ayant pour finalité de contraindre la personne morale de droit public ou l'organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public à exécuter les obligations qui lui ont été assignées par une décision de justice, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer lorsque l'Etat est débiteur de l'astreinte en cause. Dans ce dernier cas, lorsque cela apparaît nécessaire à l'exécution effective de la décision juridictionnelle, la juridiction peut, même d'office, après avoir recueilli sur ce point les observations des parties ainsi que de la ou des personnes morales concernées, décider d'affecter cette fraction à une personne morale de droit public disposant d'une autonomie suffisante à l'égard de l'Etat et dont les missions sont en rapport avec l'objet du litige ou à une personne morale de droit privé, à but non lucratif, menant, conformément à ses statuts, des actions d'intérêt général également en lien avec cet objet.

22. La décision du Conseil d'Etat du 8 novembre 2021, notifiée aux parties le jour même, a, notamment, prononcé une astreinte à l'encontre de l'Etat s'il ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant cette notification, adopté un plan d'action définissant les mesures retenues en vue d'évaluer les risques liés aux VRTH pour la santé humaine et le milieu aquatique, et fixé le montant de cette astreinte à 100 000 euros par semestre de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution. L'Etat, comme indiqué aux points 11 à 14, doit être considéré, à la date de la présente décision, comme ayant présenté ce plan d'action et mis en oeuvre les différentes actions qu'il prévoit et, par conséquent, comme ayant exécuté l'injonction mentionnée à l'article 4 de la décision du 7 février 2020, telle que précisée par l'article 1er de la décision du 8 novembre 2021, à la seule exception des actions nécessaires pour améliorer la traçabilité des semences VRTH jusqu'à leur utilisation finale. Dans ces conditions, il y a lieu de diminuer de dix fois le taux de l'astreinte fixée par la décision du 8 novembre 2021.

23. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 911-7 du code de justice administrative, il y a lieu de fixer le montant de la somme due à 10 000 euros pour chacun des semestres écoulés depuis le 9 février 2022, soit 50 000 euros au total. Afin d'éviter un enrichissement indu, il convient dans les circonstances de l'espèce de n'allouer aux requérants qu'une fraction de la somme à liquider et, eu égard au rôle qu'ils sont amenés à jouer dans le cadre de la mise en oeuvre du plan d'action du Gouvernement, d'affecter le reste de l'astreinte, pour moitié à l'Office français de la biodiversité et pour moitié à l'ANSES.

24. Dans ces conditions, l'Etat devra verser, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte pour les cinq semestres correspondant à la période du 9 février 2022 au 8 août 2024, la somme globale de 5 000 euros aux associations et syndicats requérants et la somme de 22 500 euros chacun à l'Office français de la biodiversité et à l'ANSES.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

25. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros à verser aux associations et syndicats requérants.



D E C I D E :
--------------

Article 1er : La décision du Conseil d'Etat, statuant au contentieux du 7 février 2020 est exécutée, à l'exception, d'une part, de l'injonction d'adopter un projet de décret modifiant l'article D. 531-2 du code de l'environnement et, d'autre part, de l'injonction d'adopter des mesures permettant d'assurer la traçabilité de l'usage des semences de variétés rendues tolérantes aux herbicides (VRTH) jusqu'à l'utilisation finale des cultures.
Article 2 : Le Premier ministre, conformément à la teneur de l'injonction prononcée à l'article 2 de la décision du 7 février 2020 et aux motifs énoncés au point 5 de la présente décision, devra modifier l'article D. 531-2 du code de l'environnement, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de cette décision.
Article 3 : L'Etat est condamné à verser la somme de 50 000 euros, au titre de la liquidation provisoire de l'astreinte prononcée par la décision du 8 novembre 2021, pour la période du 9 février 2022 au 8 août 2024, à répartir de la façon suivante :
5 000 euros à la Confédération Paysanne, au Réseau Semences Paysannes, aux Amis de la Terre France, au Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, à Vigilance OG2M, à CSFV 49, à OGM Dangers, à Vigilance OGM 33 et à la Fédération Nature et Progrès ;
22 500 euros chacun à l'Office français de la biodiversité et à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
Article 4 : L'Etat versera à la Confédération Paysanne, au Réseau Semences Paysannes, aux Amis de la Terre France, au Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, à Vigilance OG2M, à CSFV 49, à OGM Dangers, à Vigilance OGM 33 et à la Fédération Nature et Progrès une somme globale de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la Confédération Paysanne, du Réseau Semences Paysannes, des Amis de la Terre France, du Collectif Vigilance OGM et Pesticides 16, de Vigilance OG2M, de CSFV 49, à OGM Dangers, de Vigilance OGM 33 et de la Fédération Nature et Progrès est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la Confédération paysanne, premier dénommé pour l'ensemble des requérants, au Premier ministre et à la ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt, à l'Office français de la biodiversité et à l'ANSES.
Copie en sera adressée à la présidente de la section des études, de la prospective et de la coopération du Conseil d'Etat.


Délibéré à l'issue de la séance du 4 octobre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Philippe Ranquet, Mme Sylvie Pellissier M. Jonathan Bosredon, Mme Nicole da Costa, Mme Catherine Fischer-Hirtz, conseillers d'Etat et M. Géraud Sajust de Bergues, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 23 octobre 2024.


Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Géraud Sajust de Bergues
La secrétaire :
Signé : Mme Elsa Sarrazin