Conseil d'État
N° 457081
ECLI:FR:CECHS:2024:457081.20241010
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Stéphane Verclytte, président
Mme Muriel Deroc, rapporteure
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
Lecture du jeudi 10 octobre 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'abroger cet arrêté dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : les articles 19 à 27 et 36 du règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 relatif à des mesures visant à prévenir l'introduction et la dissémination dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) s'opposent-ils à des dispositions nationales comme celles de l'arrêté n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse interdisant, sauf dérogation, l'introduction en Corse de tous les végétaux spécifiés quelle que soit leur origine '
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 ;
- le règlement délégué (UE) n° 2019/1702 de la Commission du 1er août 2019 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 21 mai 2021, l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) a demandé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'abroger l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse, en tant qu'il prévoit, en ses articles 1er et 2, une interdiction de principe d'introduction de tous végétaux spécifiés en Corse, quelle qu'en soit l'origine, assortie d'une possibilité d'obtenir une dérogation, dans des conditions non définies. L'UNEP demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé / (...) ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte au regard des circonstances qui prévalent à la date de sa décision.
3. D'une part, le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, modifiant les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 228/2013, (UE) n° 652/2014 et (UE) n° 1143/2014 et abrogeant les directives du Conseil 69/464/CEE, 74/647/CEE, 93/85/CEE, 98/57/CE, 2000/29/CE, 2006/91/CE et 2007/33/CE établit, compte tenu de la menace pour la santé des végétaux et des produits végétaux que présentent certaines espèces nuisibles et du risque accru d'introduction de celles-ci dans l'Union européenne en raison de la mondialisation du commerce et du changement climatique, des mesures visant à déterminer les risques posés par ces organismes nuisibles et à les réduire à un niveau acceptable grâce à des mesures phytosanitaires. Aux termes de l'article 28 de ce règlement : " 1. La Commission peut, au moyen d'actes d'exécution, établir des mesures de lutte contre certains organismes de quarantaine de l'Union. (...) / (...) / 5. Tant que la Commission n'a pas adopté de mesures, l'État membre peut maintenir toute mesure qu'il a prise / (...) ". Aux termes de l'article 31 du même règlement : " 1. Un État membre peut appliquer sur son territoire des mesures plus restrictives que celles adoptées en vertu de l'article 28, paragraphes 1, 2 et 3, (...), pour autant que l'objectif de protection phytosanitaire le justifie et que ces mesures soient conformes aux principes énoncés à l'annexe II, section 2. / Ces mesures plus restrictives n'imposent pas ni n'entraînent d'autres interdictions ou restrictions concernant l'introduction ou la circulation sur et à travers le territoire de l'Union de végétaux, produits végétaux et autres objets que celles prévues aux articles 40 à 58 et 71 à 102 ". Ces articles 40 à 58, s'agissant des conditions d'introduction et de circulation de certains végétaux ne revêtant pas un caractère provisoire, renvoient à la Commission le soin d'adopter, au moyen d'actes d'exécution, la liste des végétaux visés et les interdictions ou restrictions correspondantes. Les articles 71 à 102 prévoient des exigences de certification des végétaux avant leur introduction ou leur circulation sur le territoire de l'Union.
4. L'annexe au règlement délégué (UE) n° 2019/1702 de la Commission du 1er août 2019 complétant le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil en établissant la liste des organismes de quarantaine prioritaires mentionne la Xylella Fastidiosa (Wells et al.) au nombre de ces organismes de quarantaine prioritaire.
5. Le règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 relatif à des mesures visant à prévenir l'introduction et la dissémination dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) détermine les mesures nécessaires à l'éradication de cet organisme nuisible et à prévenir une plus grande dissémination de celui-ci dans le reste de l'Union. A ce titre, il définit les conditions dans lesquelles des végétaux spécifiés, définis à l'article 1er comme les " végétaux hôtes destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces figurant dans la liste de l'annexe II et dont la sensibilité aux sous-espèces spécifiques de l'organisme nuisible spécifié est connue ", peuvent être plantés dans des zones infectées et peuvent circuler au sein de l'Union européenne. Les dispositions des articles 18 et 19 à 26 du règlement reposent sur un principe d'autorisation de plantation et de circulation, sous réserve du respect d'un certain nombre d'exigences. S'agissant de la circulation, ces exigences ont trait à la possibilité, pour les végétaux spécifiés de sortir d'une zone délimitée conformément à l'article 4 du règlement et de circuler d'une zone infectée vers une zone tampon (articles 19 à 22), de circuler à l'intérieur des zones infectées, à l'intérieur des zones tampons, et depuis les zones tampons vers leurs zones infectées correspondantes (article 23), et de circuler à l'intérieur de l'Union européenne (articles 25 et 26), et varient selon les conditions et les lieux de leur culture. Ce règlement détermine également les conditions dans lesquelles des végétaux hôtes originaires d'un pays tiers, définis à l'article 1er comme les " végétaux destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces figurant dans la liste de l'annexe I ", peuvent être introduits dans l'Union européenne. Les dispositions des articles 28, 29 et 30 reposent également sur un principe d'autorisation, sous condition du respect d'un certain nombre d'exigences variant selon la situation de l'Etat tiers en cause à l'égard de l'infection. Aux termes de l'article 36 du même règlement : " Afin de se conformer au présent règlement, les États membres abrogent ou modifient les mesures qu'ils ont adoptées pour se prémunir contre l'introduction et la dissémination de l'organisme nuisible spécifié. Ils informent immédiatement la Commission de l'abrogation ou de la modification de ces mesures ".
6. En prévoyant, en son article 1er, que l'introduction de végétaux spécifiés, figurant sur une liste actualisée sur le site internet de l'Etat en Corse, est interdite en Corse quelle que soit leur origine et, en son article 2, que, par dérogation, une autorisation d'introduction en Corse peut être accordée à des professionnels pour des végétaux destinés à la plantation ou à la vente, à l'exception des végétaux en provenance de zones délimitées vis-à-vis de Xylella fastidiosa, de pays tiers reconnus contaminés par Xylella fastidiosa ou de statut inconnu, l'arrêté du préfet du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 repose, à l'inverse, sur un principe d'interdiction de circulation en direction de la Corse de certains types de végétaux, quelle que soit leur origine, sauf autorisation, pour les seuls professionnels, dont les conditions ne sont d'ailleurs pas précisées. Par suite, à supposer même que cet arrêté ait été, à la date de son édiction, conforme aux exigences de droit de l'Union, le syndicat requérant est fondé à soutenir qu'il méconnaît sur ces points les dispositions du règlement (UE) n° 2020/1201, et que son abrogation ou sa modification s'imposaient donc à l'autorité compétente pour se mettre en conformité avec ces dispositions.
7. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative met en oeuvre les mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires énumérés à l'article L. 251-3 décidés par l'Union européenne en application du règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 ". Aux termes de l'article D. 251-2-5 du même code : " Les mesures réglementaires de prévention, de surveillance et de lutte prises en application du II de l'article L. 201-4 sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ou, en l'absence de celui-ci, par le préfet de région ". En vertu de ces dispositions, et pour les motifs énoncés aux points 2 à 6, il appartenait au ministre chargé de l'agriculture, ou à défaut au préfet de région, d'abroger ou de modifier l'arrêté du 30 avril 2015 pour le mettre en conformité avec les dispositions du règlement (UE) n° 2020/1201, et d'en informer la Commission.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en l'absence de difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne, que le syndicat requérant est fondé à soutenir que les dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 30 avril 2015, entraînant des interdictions et restrictions à la circulation sur le territoire de l'Union de végétaux allant au-delà de ce que la Commission a prévu par son acte d'exécution, sont contraires, à la date de la présente décision, au droit de l'Union, et à demander en conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, l'annulation du refus opposé par le ministre chargé de l'agriculture à la demande d'abrogation de ces articles qui lui a été adressée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé d'abroger les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse implique nécessairement l'abrogation de ces dispositions en ce qu'elles sont contraires au droit de l'Union. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure, sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du ministre de l'agriculture et de l'alimentation refusant de faire droit à la demande de l'UNEP d'abroger les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt d'abroger les dispositions mentionnées à l'article 1er de la présente décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à l'UNEP une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'UNEP est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) et au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova
N° 457081
ECLI:FR:CECHS:2024:457081.20241010
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre
M. Stéphane Verclytte, président
Mme Muriel Deroc, rapporteure
M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public
Lecture du jeudi 10 octobre 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 28 septembre 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a rejeté sa demande d'abrogation de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse ;
2°) d'enjoindre au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'abroger cet arrêté dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
3°) à titre subsidiaire, de sursoir à statuer et de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : les articles 19 à 27 et 36 du règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 relatif à des mesures visant à prévenir l'introduction et la dissémination dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) s'opposent-ils à des dispositions nationales comme celles de l'arrêté n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse interdisant, sauf dérogation, l'introduction en Corse de tous les végétaux spécifiés quelle que soit leur origine '
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 ;
- le règlement délégué (UE) n° 2019/1702 de la Commission du 1er août 2019 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Pez-Lavergne, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. Par un courrier du 21 mai 2021, l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) a demandé au ministre de l'agriculture et de l'alimentation d'abroger l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse, en tant qu'il prévoit, en ses articles 1er et 2, une interdiction de principe d'introduction de tous végétaux spécifiés en Corse, quelle qu'en soit l'origine, assortie d'une possibilité d'obtenir une dérogation, dans des conditions non définies. L'UNEP demande l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre sur sa demande.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé / (...) ". L'effet utile de l'annulation pour excès de pouvoir du refus d'abroger un acte réglementaire illégal réside dans l'obligation, que le juge peut prescrire d'office en vertu des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, pour l'autorité compétente, de procéder à l'abrogation de cet acte afin que cessent les atteintes illégales que son maintien en vigueur porte à l'ordre juridique. Il s'ensuit que, lorsqu'il est saisi de conclusions aux fins d'annulation du refus d'abroger un acte réglementaire, le juge de l'excès de pouvoir apprécie la légalité de cet acte au regard des circonstances qui prévalent à la date de sa décision.
3. D'une part, le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2016 relatif aux mesures de protection contre les organismes nuisibles aux végétaux, modifiant les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 228/2013, (UE) n° 652/2014 et (UE) n° 1143/2014 et abrogeant les directives du Conseil 69/464/CEE, 74/647/CEE, 93/85/CEE, 98/57/CE, 2000/29/CE, 2006/91/CE et 2007/33/CE établit, compte tenu de la menace pour la santé des végétaux et des produits végétaux que présentent certaines espèces nuisibles et du risque accru d'introduction de celles-ci dans l'Union européenne en raison de la mondialisation du commerce et du changement climatique, des mesures visant à déterminer les risques posés par ces organismes nuisibles et à les réduire à un niveau acceptable grâce à des mesures phytosanitaires. Aux termes de l'article 28 de ce règlement : " 1. La Commission peut, au moyen d'actes d'exécution, établir des mesures de lutte contre certains organismes de quarantaine de l'Union. (...) / (...) / 5. Tant que la Commission n'a pas adopté de mesures, l'État membre peut maintenir toute mesure qu'il a prise / (...) ". Aux termes de l'article 31 du même règlement : " 1. Un État membre peut appliquer sur son territoire des mesures plus restrictives que celles adoptées en vertu de l'article 28, paragraphes 1, 2 et 3, (...), pour autant que l'objectif de protection phytosanitaire le justifie et que ces mesures soient conformes aux principes énoncés à l'annexe II, section 2. / Ces mesures plus restrictives n'imposent pas ni n'entraînent d'autres interdictions ou restrictions concernant l'introduction ou la circulation sur et à travers le territoire de l'Union de végétaux, produits végétaux et autres objets que celles prévues aux articles 40 à 58 et 71 à 102 ". Ces articles 40 à 58, s'agissant des conditions d'introduction et de circulation de certains végétaux ne revêtant pas un caractère provisoire, renvoient à la Commission le soin d'adopter, au moyen d'actes d'exécution, la liste des végétaux visés et les interdictions ou restrictions correspondantes. Les articles 71 à 102 prévoient des exigences de certification des végétaux avant leur introduction ou leur circulation sur le territoire de l'Union.
4. L'annexe au règlement délégué (UE) n° 2019/1702 de la Commission du 1er août 2019 complétant le règlement (UE) n° 2016/2031 du Parlement européen et du Conseil en établissant la liste des organismes de quarantaine prioritaires mentionne la Xylella Fastidiosa (Wells et al.) au nombre de ces organismes de quarantaine prioritaire.
5. Le règlement d'exécution (UE) n° 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020 relatif à des mesures visant à prévenir l'introduction et la dissémination dans l'Union de Xylella fastidiosa (Wells et al.) détermine les mesures nécessaires à l'éradication de cet organisme nuisible et à prévenir une plus grande dissémination de celui-ci dans le reste de l'Union. A ce titre, il définit les conditions dans lesquelles des végétaux spécifiés, définis à l'article 1er comme les " végétaux hôtes destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces figurant dans la liste de l'annexe II et dont la sensibilité aux sous-espèces spécifiques de l'organisme nuisible spécifié est connue ", peuvent être plantés dans des zones infectées et peuvent circuler au sein de l'Union européenne. Les dispositions des articles 18 et 19 à 26 du règlement reposent sur un principe d'autorisation de plantation et de circulation, sous réserve du respect d'un certain nombre d'exigences. S'agissant de la circulation, ces exigences ont trait à la possibilité, pour les végétaux spécifiés de sortir d'une zone délimitée conformément à l'article 4 du règlement et de circuler d'une zone infectée vers une zone tampon (articles 19 à 22), de circuler à l'intérieur des zones infectées, à l'intérieur des zones tampons, et depuis les zones tampons vers leurs zones infectées correspondantes (article 23), et de circuler à l'intérieur de l'Union européenne (articles 25 et 26), et varient selon les conditions et les lieux de leur culture. Ce règlement détermine également les conditions dans lesquelles des végétaux hôtes originaires d'un pays tiers, définis à l'article 1er comme les " végétaux destinés à la plantation, à l'exception des semences, appartenant aux genres ou espèces figurant dans la liste de l'annexe I ", peuvent être introduits dans l'Union européenne. Les dispositions des articles 28, 29 et 30 reposent également sur un principe d'autorisation, sous condition du respect d'un certain nombre d'exigences variant selon la situation de l'Etat tiers en cause à l'égard de l'infection. Aux termes de l'article 36 du même règlement : " Afin de se conformer au présent règlement, les États membres abrogent ou modifient les mesures qu'ils ont adoptées pour se prémunir contre l'introduction et la dissémination de l'organisme nuisible spécifié. Ils informent immédiatement la Commission de l'abrogation ou de la modification de ces mesures ".
6. En prévoyant, en son article 1er, que l'introduction de végétaux spécifiés, figurant sur une liste actualisée sur le site internet de l'Etat en Corse, est interdite en Corse quelle que soit leur origine et, en son article 2, que, par dérogation, une autorisation d'introduction en Corse peut être accordée à des professionnels pour des végétaux destinés à la plantation ou à la vente, à l'exception des végétaux en provenance de zones délimitées vis-à-vis de Xylella fastidiosa, de pays tiers reconnus contaminés par Xylella fastidiosa ou de statut inconnu, l'arrêté du préfet du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 repose, à l'inverse, sur un principe d'interdiction de circulation en direction de la Corse de certains types de végétaux, quelle que soit leur origine, sauf autorisation, pour les seuls professionnels, dont les conditions ne sont d'ailleurs pas précisées. Par suite, à supposer même que cet arrêté ait été, à la date de son édiction, conforme aux exigences de droit de l'Union, le syndicat requérant est fondé à soutenir qu'il méconnaît sur ces points les dispositions du règlement (UE) n° 2020/1201, et que son abrogation ou sa modification s'imposaient donc à l'autorité compétente pour se mettre en conformité avec ces dispositions.
7. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 201-4 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité administrative met en oeuvre les mesures de prévention, de surveillance et de lutte contre les dangers phytosanitaires énumérés à l'article L. 251-3 décidés par l'Union européenne en application du règlement (UE) 2016/2031 du 26 octobre 2016 ". Aux termes de l'article D. 251-2-5 du même code : " Les mesures réglementaires de prévention, de surveillance et de lutte prises en application du II de l'article L. 201-4 sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ou, en l'absence de celui-ci, par le préfet de région ". En vertu de ces dispositions, et pour les motifs énoncés aux points 2 à 6, il appartenait au ministre chargé de l'agriculture, ou à défaut au préfet de région, d'abroger ou de modifier l'arrêté du 30 avril 2015 pour le mettre en conformité avec les dispositions du règlement (UE) n° 2020/1201, et d'en informer la Commission.
8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle en l'absence de difficulté sérieuse d'interprétation du droit de l'Union européenne, que le syndicat requérant est fondé à soutenir que les dispositions des articles 1er et 2 de l'arrêté du 30 avril 2015, entraînant des interdictions et restrictions à la circulation sur le territoire de l'Union de végétaux allant au-delà de ce que la Commission a prévu par son acte d'exécution, sont contraires, à la date de la présente décision, au droit de l'Union, et à demander en conséquence, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, l'annulation du refus opposé par le ministre chargé de l'agriculture à la demande d'abrogation de ces articles qui lui a été adressée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
9. L'annulation de la décision par laquelle le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a refusé d'abroger les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse implique nécessairement l'abrogation de ces dispositions en ce qu'elles sont contraires au droit de l'Union. Il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'ordonner cette mesure, sans qu'il y ait lieu de l'assortir d'une astreinte, dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La décision du ministre de l'agriculture et de l'alimentation refusant de faire droit à la demande de l'UNEP d'abroger les articles 1er et 2 de l'arrêté du préfet de Corse n° 15-580 du 30 avril 2015 relatif à la prévention de l'introduction de Xylella fastidiosa en Corse est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt d'abroger les dispositions mentionnées à l'article 1er de la présente décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : L'Etat versera à l'UNEP une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par l'UNEP est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Union nationale des entreprises du paysage (UNEP) et au ministre de l'agriculture, de la souveraineté alimentaire et de la forêt.
Délibéré à l'issue de la séance du 26 septembre 2024 où siégeaient : M. Stéphane Verclytte, président de chambre, présidant ; Mme Sylvie Pellissier, conseillère d'Etat et Mme Muriel Deroc, maîtresse des requêtes-rapporteure.
Rendu le 10 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Verclytte
La rapporteure :
Signé : Mme Muriel Deroc
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Martinez-Casanova