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Ariane Web: Conseil d'État 496590, lecture du 14 août 2024, ECLI:FR:CEORD:2024:496590.20240814

Décision n° 496590
14 août 2024
Conseil d'État

N° 496590
ECLI:FR:CEORD:2024:496590.20240814
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés


Lecture du mercredi 14 août 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Power Factory demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du 25 juillet 2024 portant suspension de la mise sur le marché des produits vendus sous forme de poudre destinés à être consommés par voie intranasale ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elle soutient que :
- la condition d'urgence est satisfaite en ce que l'exécution de la décision contestée la placera en situation de faillite et l'obligera à licencier ses quatre salariés dès lors qu'elle vise à suspendre la mise sur le marché du seul produit qu'elle commercialise ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté ;
- l'arrêté contesté est entaché d'incompétence en ce qu'il est édicté par des ministres démissionnaires et qu'il ne relève pas de la gestion des affaires courantes du gouvernement ;
- il méconnaît le principe du contradictoire dès lors qu'il la vise exclusivement et qu'elle aurait dû pouvoir faire valoir ses observations dans le cadre d'une procédure contradictoire au titre de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il est entaché d'illégalité en ce que son adoption n'a pas été précédée d'une procédure consultative prévue à l'article L. 521-17 du code de la consommation, dès lors qu'aucune association nationale de défense des consommateurs n'a été entendue ;

- il méconnaît l'objectif constitutionnel de clarté et d'intelligibilité de la norme en ce qu'il ne vise pas expressément les fabricants et les distributeurs des produits et renvoie à des critères confus et subjectifs pour identifier ses destinataires ;

- il constitue un détournement de procédure dès lors qu'il ne vise pas spécifiquement le produit Sniffy et, ainsi, ne lui permet pas de contester sa légalité et de le critiquer ;
- il est entaché d'une erreur de droit en ce qu'il a été pris pour des motifs erronés, dus à une interprétation médiatique outrancière de l'usage du produit Sniffy ;
- il méconnaît le principe de proportionnalité eu égard au caractère inoffensif pour la santé du produit Sniffy ;
- il porte une atteinte excessive et immédiate à ses intérêts et n'est pas accompagné de mesures transitoires, en méconnaissance de l'article L. 221-5 du code des relations entre le public et l'administration.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 ;
- le code de la consommation ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative ;





Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.

2. La société Power Factory, qui commercialise un complément alimentaire énergisant sous la marque Sniffy, demande la suspension de l'exécution de l'arrêté du 25 juillet 2024 portant suspension pour une durée d'un an de la mise sur le marché des produits sous forme de poudre contenant des substances actives ayant un effet stimulant sur le corps, et en particulier le système nerveux, ou présentés comme ayant de tels effets, destinés à être consommés par voie intranasale et qui entretiennent une confusion avec la consommation de stupéfiants.

3. Pour établir que la condition d'urgence est satisfaite, elle soutient que l'exécution de la décision contestée la placera en situation de faillite et l'obligera à licencier ses quatre salariés dès lors qu'elle vise à suspendre la mise sur le marché du seul produit qu'elle commercialise. Elle se borne toutefois sur ce point à de simples allégations qui ne sont pas susceptibles de démontrer que la décision contestée préjudicie de façon suffisamment grave et immédiate à la situation de la société, éléments qui doivent au demeurant être mis en balance avec l'intérêt public auquel la suspension de cet arrêté est susceptible de préjudicier.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'existence de moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté contesté, que la requête de la société Power Factory doit être rejetée, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.



O R D O N N E :
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Article 1er : La requête de la société Power Factory est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Power Factory.