Conseil d'État
N° 492249
ECLI:FR:CECHR:2024:492249.20240724
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Eric Buge, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2024
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière, demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2023-1307 du 28 décembre 2023 relatif au refus par un salarié d'une proposition de contrat de travail à durée indéterminée à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du travail, notamment ses articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 ;
- la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail - Force ouvrière ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 5422-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi : " S'il est constaté qu'un demandeur d'emploi a refusé à deux reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l'article L. 1243-11-1, ou s'il est constaté qu'il a refusé à deux reprises, au cours de la même période, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l'article L. 1251-33-1, le bénéfice de l'allocation d'assurance ne peut lui être ouvert au titre du 1° du présent I [c'est-à-dire en cas de privation involontaire d'emploi] que s'il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au cours de la même période. Le présent alinéa ne s'applique pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d'emploi n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 si ce projet a été élaboré avant la date du dernier refus pris en compte. " Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022.
3. Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, d'une part, l'article L. 1243-11-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit que : " Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. " D'autre part, l'article L. 1251-33-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, dispose que : " Lorsque, à l'issue d'une mission, l'entreprise utilisatrice propose au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'entreprise utilisatrice en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. "
4. Les dispositions précitées des articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail se bornent à faire obligation, dans certaines conditions, à l'employeur d'un salarié en contrat à durée déterminée ou à l'entreprise utilisatrice d'un salarié en contrat de mission qui propose à ce salarié un contrat à durée indéterminée, de notifier à Pôle emploi le refus de cette proposition par le salarié. Bien qu'un tel refus de la part de ce dernier puisse par ailleurs avoir pour conséquence, quand les conditions prévues au dernier alinéa du I de l'article L. 5422-1 du même code sont remplies, qu'il ne pourra se voir ouvrir le bénéfice de l'allocation d'assurance, l'obligation de notification qui incombe à l'employeur est, par elle-même, sans effet sur les droits du salarié. Le syndicat requérant ne peut donc utilement soutenir que les deux articles législatifs contestés par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité méconnaîtraient l'égalité des salariés devant la loi ou porteraient une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre ou à la liberté contractuelle des salariés.
5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Confédération générale du travail - Force ouvrière.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes et M. Eric Buge, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba
N° 492249
ECLI:FR:CECHR:2024:492249.20240724
Inédit au recueil Lebon
1ère - 4ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Eric Buge, rapporteur
M. Mathieu Le Coq, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire, enregistré le 29 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Confédération générale du travail - Force ouvrière, demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2023-1307 du 28 décembre 2023 relatif au refus par un salarié d'une proposition de contrat de travail à durée indéterminée à l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code du travail, notamment ses articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 ;
- la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 ;
- la décision du Conseil constitutionnel n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mathieu Le Coq, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail - Force ouvrière ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du dernier alinéa du I de l'article L. 5422-1 du code du travail dans sa rédaction résultant de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi : " S'il est constaté qu'un demandeur d'emploi a refusé à deux reprises, au cours des douze mois précédents, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l'article L. 1243-11-1, ou s'il est constaté qu'il a refusé à deux reprises, au cours de la même période, une proposition de contrat de travail à durée indéterminée dans les conditions prévues à l'article L. 1251-33-1, le bénéfice de l'allocation d'assurance ne peut lui être ouvert au titre du 1° du présent I [c'est-à-dire en cas de privation involontaire d'emploi] que s'il a été employé dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée au cours de la même période. Le présent alinéa ne s'applique pas lorsque la dernière proposition adressée au demandeur d'emploi n'est pas conforme aux critères prévus par le projet personnalisé d'accès à l'emploi mentionné à l'article L. 5411-6-1 si ce projet a été élaboré avant la date du dernier refus pris en compte. " Ces dispositions ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de sa décision n° 2022-844 DC du 15 décembre 2022.
3. Pour la mise en oeuvre de ces dispositions, d'une part, l'article L. 1243-11-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la même loi, prévoit que : " Lorsque l'employeur propose que la relation contractuelle de travail se poursuive après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée sous la forme d'un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d'une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'employeur en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. " D'autre part, l'article L. 1251-33-1 du même code, dans sa rédaction résultant de la même loi, dispose que : " Lorsque, à l'issue d'une mission, l'entreprise utilisatrice propose au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle notifie cette proposition par écrit au salarié. En cas de refus du salarié, l'entreprise utilisatrice en informe Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l'emploi proposé. / Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article. "
4. Les dispositions précitées des articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail se bornent à faire obligation, dans certaines conditions, à l'employeur d'un salarié en contrat à durée déterminée ou à l'entreprise utilisatrice d'un salarié en contrat de mission qui propose à ce salarié un contrat à durée indéterminée, de notifier à Pôle emploi le refus de cette proposition par le salarié. Bien qu'un tel refus de la part de ce dernier puisse par ailleurs avoir pour conséquence, quand les conditions prévues au dernier alinéa du I de l'article L. 5422-1 du même code sont remplies, qu'il ne pourra se voir ouvrir le bénéfice de l'allocation d'assurance, l'obligation de notification qui incombe à l'employeur est, par elle-même, sans effet sur les droits du salarié. Le syndicat requérant ne peut donc utilement soutenir que les deux articles législatifs contestés par la voie de la question prioritaire de constitutionnalité méconnaîtraient l'égalité des salariés devant la loi ou porteraient une atteinte excessive à la liberté d'entreprendre ou à la liberté contractuelle des salariés.
5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 1243-11-1 et L. 1251-33-1 du code du travail méconnaissent les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Confédération générale du travail - Force ouvrière.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail - Force ouvrière et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat ; Mme Catherine Brouard Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes et M. Eric Buge, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 24 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Eric Buge
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba