Conseil d'État
N° 475767
ECLI:FR:CECHR:2024:475767.20240724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Camille Belloc, rapporteure
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2024
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en tant qu'elle prévoit que les enseignants-chercheurs ont l'obligation d'informer l'autorité compétente des activités qu'ils exercent au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur sa demande tendant à l'abrogation, ou à défaut au retrait, de la circulaire dans la même mesure.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la recherche ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur des universités en droit public, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à la mise en oeuvre du régime de déclaration préalable pour certaines activités accessoires en tant qu'elle prévoit que les enseignants-chercheurs ont l'obligation d'informer l'autorité compétente des activités qu'ils exercent au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, ainsi que de la décision implicite née du silence gardé par la ministre sur sa demande tendant à l'abrogation, ou à défaut au retrait, de la circulaire dans la même mesure.
2. Aux termes de l'article L. 123-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8. / (...) ". Aux termes de l'article L. 123-3 du même code : " L'agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement ou pratiquant des activités à caractère artistique peut exercer les professions libérales qui découlent de la nature de ses fonctions ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'exercice, par un agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement, d'une profession libérale découlant de la nature de ses fonctions n'est soumis à aucune déclaration ou autorisation préalable, ni à aucune autre formalité, alors que l'exercice d'une activité accessoire par les personnels de l'enseignement supérieur et par les personnels de la recherche relève, selon les cas, soit d'un régime de déclaration préalable prévu par l'article L. 951-5 du code de l'éducation et l'article L. 411-3-1 du code de la recherche, soit d'un régime d'autorisation préalable, en application de l'article L. 123-7 du code général de la fonction publique et du décret du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.
4. Il ressort des pièces du dossier que la circulaire attaquée présente dans une première partie le champ d'application du régime de déclaration préalable prévu par l'article L. 951-5 du code de l'éducation et l'article L. 411-3-1 du code de la recherche puis expose, dans une seconde partie, la procédure de déclaration préalable à l'exercice d'une activité accessoire. Cette seconde partie comporte un paragraphe intitulé " les activités libres ", lequel, après avoir rappelé que la dérogation prévue à l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique permet aux enseignants-chercheurs d'exercer librement une profession libérale qui découle de la nature de leurs fonctions sans être contraints de solliciter une autorisation auprès de leur employeur, dispose que : " En revanche, ils ont l'obligation d'informer l'autorité compétente afin qu'elle puisse être en mesure de vérifier qu'il s'agit bien d'une activité libérale et qu'elle découle effectivement de la nature de leurs fonctions, ce qui correspond au contrôle effectué par le juge ".
5. S'il était loisible à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de recommander aux agents concernés d'informer l'administration dont ils relèvent quant à l'exercice d'une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions, la circulaire attaquée ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, leur imposer une telle obligation d'information de l'autorité compétente.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la circulaire qu'il attaque en tant qu'elle prévoit que l'exercice d'une profession libérale au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique par les agents concernés est soumis à une obligation d'information de l'administration dont ils relèvent, d'autre part, de la décision implicite par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a refusé d'abroger, ou à défaut, de retirer cette circulaire dans la même mesure.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à la mise en oeuvre du régime de déclaration préalable pour certaines activités accessoires est annulée en tant qu'elle prévoit que l'exercice d'une profession libérale au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique par les agents concernés est soumis à une obligation d'information de l'administration dont ils relèvent.
Article 2 : La décision implicite du 17 juin 2023 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a refusé d'abroger, ou à défaut, de retirer cette circulaire dans la même mesure est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2024 où siégeaient : M. Jacques Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.
Rendu le 24 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Camille Belloc
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba
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N° 475767
ECLI:FR:CECHR:2024:475767.20240724
Mentionné aux tables du recueil Lebon
4ème - 1ère chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Camille Belloc, rapporteure
M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public
Lecture du mercredi 24 juillet 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 8 juillet et 13 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... A... demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en tant qu'elle prévoit que les enseignants-chercheurs ont l'obligation d'informer l'autorité compétente des activités qu'ils exercent au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, ainsi que la décision implicite née du silence gardé par la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche sur sa demande tendant à l'abrogation, ou à défaut au retrait, de la circulaire dans la même mesure.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code de la recherche ;
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Camille Belloc, auditrice,
- les conclusions de M. Jean-François de Montgolfier, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., professeur des universités en droit public, demande l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à la mise en oeuvre du régime de déclaration préalable pour certaines activités accessoires en tant qu'elle prévoit que les enseignants-chercheurs ont l'obligation d'informer l'autorité compétente des activités qu'ils exercent au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, ainsi que de la décision implicite née du silence gardé par la ministre sur sa demande tendant à l'abrogation, ou à défaut au retrait, de la circulaire dans la même mesure.
2. Aux termes de l'article L. 123-1 du code général de la fonction publique : " L'agent public ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit sous réserve des dispositions des articles L. 123-2 à L. 123-8. / (...) ". Aux termes de l'article L. 123-3 du même code : " L'agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement ou pratiquant des activités à caractère artistique peut exercer les professions libérales qui découlent de la nature de ses fonctions ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'exercice, par un agent public membre du personnel enseignant, technique ou scientifique des établissements d'enseignement, d'une profession libérale découlant de la nature de ses fonctions n'est soumis à aucune déclaration ou autorisation préalable, ni à aucune autre formalité, alors que l'exercice d'une activité accessoire par les personnels de l'enseignement supérieur et par les personnels de la recherche relève, selon les cas, soit d'un régime de déclaration préalable prévu par l'article L. 951-5 du code de l'éducation et l'article L. 411-3-1 du code de la recherche, soit d'un régime d'autorisation préalable, en application de l'article L. 123-7 du code général de la fonction publique et du décret du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique.
4. Il ressort des pièces du dossier que la circulaire attaquée présente dans une première partie le champ d'application du régime de déclaration préalable prévu par l'article L. 951-5 du code de l'éducation et l'article L. 411-3-1 du code de la recherche puis expose, dans une seconde partie, la procédure de déclaration préalable à l'exercice d'une activité accessoire. Cette seconde partie comporte un paragraphe intitulé " les activités libres ", lequel, après avoir rappelé que la dérogation prévue à l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique permet aux enseignants-chercheurs d'exercer librement une profession libérale qui découle de la nature de leurs fonctions sans être contraints de solliciter une autorisation auprès de leur employeur, dispose que : " En revanche, ils ont l'obligation d'informer l'autorité compétente afin qu'elle puisse être en mesure de vérifier qu'il s'agit bien d'une activité libérale et qu'elle découle effectivement de la nature de leurs fonctions, ce qui correspond au contrôle effectué par le juge ".
5. S'il était loisible à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche de recommander aux agents concernés d'informer l'administration dont ils relèvent quant à l'exercice d'une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions, la circulaire attaquée ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique, leur imposer une telle obligation d'information de l'autorité compétente.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que M. A... est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de la circulaire qu'il attaque en tant qu'elle prévoit que l'exercice d'une profession libérale au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique par les agents concernés est soumis à une obligation d'information de l'administration dont ils relèvent, d'autre part, de la décision implicite par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a refusé d'abroger, ou à défaut, de retirer cette circulaire dans la même mesure.
D E C I D E :
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Article 1er : La circulaire du 22 août 2022 de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche relative à la mise en oeuvre du régime de déclaration préalable pour certaines activités accessoires est annulée en tant qu'elle prévoit que l'exercice d'une profession libérale au titre de l'article L. 123-3 du code général de la fonction publique par les agents concernés est soumis à une obligation d'information de l'administration dont ils relèvent.
Article 2 : La décision implicite du 17 juin 2023 par laquelle la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a refusé d'abroger, ou à défaut, de retirer cette circulaire dans la même mesure est annulée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A... et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Délibéré à l'issue de la séance du 12 juillet 2024 où siégeaient : M. Jacques Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, conseiller d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire ; M. Sylvain Monteillet, maître des requêtes et Mme Camille Belloc, auditrice-rapporteure.
Rendu le 24 juillet 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Camille Belloc
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba
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