Conseil d'État
N° 475214
ECLI:FR:CECHR:2024:475214.20240612
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Elise Adevah-Poeuf, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats
Lecture du mercredi 12 juin 2024
Vu la procédure suivante :
La société Actor France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier le marché n° 2019380000338 attribué par la Ville de Paris aux sociétés en groupement Connect Sytee et Future Street selon un avis d'attribution publié le 31 mai 2019. Par un jugement n° 1916331 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA02213 du 18 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Actor France contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 20 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Actor France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris, de la société Connect Sytee et de la société Future Street la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Actor France et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis d'appel public à la concurrence publié les 6 et 7 décembre 2018, la Ville de Paris a lancé une consultation en vue de conclure un accord-cadre à bons de commande d'une durée ferme de 48 mois en vue de la fourniture et de la maintenance de corbeilles de rue compactantes à énergie solaire. Trois candidats ont présenté des offres, dont la société Actor France. Par courrier du 8 avril 2019, cette société a été informée de ce que son offre était rejetée comme inacceptable. Elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation, ou, à défaut, la résiliation du contrat conclu entre la Ville de Paris et un groupement comprenant les société Connect Sytee et Future Street, qui a fait l'objet d'un avis d'attribution publié le 31 mai 2019. Par un arrêt du 18 avril 2023, contre lequel la société Actor se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, applicable au litige : " I. - L'acheteur vérifie que les offres (...) sont régulières, acceptables et appropriées. / (...) Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu'ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure. / (...) II. - Dans les procédures d'appel d'offres (...), les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. (...) ".
3. En second lieu, aux termes de l'article 78 du même décret : " I. - Les acheteurs peuvent conclure des accords-cadres définis à l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée avec un ou plusieurs opérateurs économiques. (...)/ II. - Les accords-cadres peuvent être conclus :/ 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;/ 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;/ 3° Soit sans minimum ni maximum. / (...) ".
4. Si les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d'un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre au motif qu'elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu'à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant total du devis estimatif établi par la société Actor France s'élevait à 2 784 095 euros hors taxes, soit un montant inférieur au montant maximum de l'accord-cadre à bons de commande, qui avait été fixé à 3 500 000 euros hors taxes dans l'avis d'appel public à la concurrence. En jugeant que la Ville de Paris avait pu régulièrement rejeter comme inacceptable l'offre de cette société au motif qu'elle excédait le montant maximum de 2 500 000 euros hors taxes auquel la collectivité avait limité le budget alloué à cet accord-cadre, alors qu'il résultait des pièces du dossier qui lui était soumis que la Ville de Paris n'avait pas informé les candidats du montant maximum du budget qu'elle avait alloué à ce marché, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Actor France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à la société Actor France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 18 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La Ville de Paris versera à la société Actor France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Actor France, à la Ville de Paris et aux sociétés Connect Sytee et Future Street.
N° 475214
ECLI:FR:CECHR:2024:475214.20240612
Mentionné aux tables du recueil Lebon
7ème - 2ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
Mme Elise Adevah-Poeuf, rapporteur
M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public
SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON, avocats
Lecture du mercredi 12 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Actor France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ou, à titre subsidiaire, de résilier le marché n° 2019380000338 attribué par la Ville de Paris aux sociétés en groupement Connect Sytee et Future Street selon un avis d'attribution publié le 31 mai 2019. Par un jugement n° 1916331 du 9 avril 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21PA02213 du 18 avril 2023, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par la société Actor France contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 juin et 20 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Actor France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris, de la société Connect Sytee et de la société Future Street la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2014/24/UE du Parlement et du Conseil du 26 février 2014 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Elise Adevah-Poeuf, maîtresse des requêtes,
- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de la société Actor France et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la Ville de Paris ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un avis d'appel public à la concurrence publié les 6 et 7 décembre 2018, la Ville de Paris a lancé une consultation en vue de conclure un accord-cadre à bons de commande d'une durée ferme de 48 mois en vue de la fourniture et de la maintenance de corbeilles de rue compactantes à énergie solaire. Trois candidats ont présenté des offres, dont la société Actor France. Par courrier du 8 avril 2019, cette société a été informée de ce que son offre était rejetée comme inacceptable. Elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant à l'annulation, ou, à défaut, la résiliation du contrat conclu entre la Ville de Paris et un groupement comprenant les société Connect Sytee et Future Street, qui a fait l'objet d'un avis d'attribution publié le 31 mai 2019. Par un arrêt du 18 avril 2023, contre lequel la société Actor se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté son appel dirigé contre le jugement du 9 avril 2021 du tribunal administratif de Paris ayant rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article 59 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics, applicable au litige : " I. - L'acheteur vérifie que les offres (...) sont régulières, acceptables et appropriées. / (...) Une offre inacceptable est une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché public tels qu'ils ont été déterminés et établis avant le lancement de la procédure. / (...) II. - Dans les procédures d'appel d'offres (...), les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées. (...) ".
3. En second lieu, aux termes de l'article 78 du même décret : " I. - Les acheteurs peuvent conclure des accords-cadres définis à l'article 4 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 susvisée avec un ou plusieurs opérateurs économiques. (...)/ II. - Les accords-cadres peuvent être conclus :/ 1° Soit avec un minimum et un maximum en valeur ou en quantité ;/ 2° Soit avec seulement un minimum ou un maximum ;/ 3° Soit sans minimum ni maximum. / (...) ".
4. Si les crédits budgétaires alloués à un marché destiné à être passé sous la forme d'un accord-cadre peuvent être inférieurs au montant maximum que prévoit le pouvoir adjudicateur, celui-ci ne peut toutefois écarter comme inacceptable une offre au motif qu'elle excède le montant de ces crédits budgétaires qu'à la condition que ce dernier montant ait été porté à la connaissance des candidats à son attribution.
5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le montant total du devis estimatif établi par la société Actor France s'élevait à 2 784 095 euros hors taxes, soit un montant inférieur au montant maximum de l'accord-cadre à bons de commande, qui avait été fixé à 3 500 000 euros hors taxes dans l'avis d'appel public à la concurrence. En jugeant que la Ville de Paris avait pu régulièrement rejeter comme inacceptable l'offre de cette société au motif qu'elle excédait le montant maximum de 2 500 000 euros hors taxes auquel la collectivité avait limité le budget alloué à cet accord-cadre, alors qu'il résultait des pièces du dossier qui lui était soumis que la Ville de Paris n'avait pas informé les candidats du montant maximum du budget qu'elle avait alloué à ce marché, la cour a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Actor France est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros à verser à la société Actor France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de cette société qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 18 avril 2023 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Paris.
Article 3 : La Ville de Paris versera à la société Actor France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées sur le même fondement sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Actor France, à la Ville de Paris et aux sociétés Connect Sytee et Future Street.