Conseil d'État
N° 490409
ECLI:FR:CECHR:2024:490409.20240610
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Sophie Delaporte, rapporteur
Mme Esther de Moustier, rapporteur public
Lecture du lundi 10 juin 2024
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 26 octobre 2023 du ministre de la santé et de la prévention fixant les règles de gestion des droits d'accès au dossier médical partagé des professionnels mentionnés à l'article L. 1111-15 et au III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du III de l'article L. 1111-17 de ce code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique, notamment le III de l'article L. 1111-17 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique : " Tout professionnel participant à la prise en charge d'une personne en application des articles L. 1110-4 et L. 1110-12 peut accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celle-ci et l'alimenter. L'alimentation ultérieure de son dossier médical de santé par ce même professionnel est soumise à une simple information de la personne prise en charge ".
3. Ces dispositions sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment qu'elles porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée en prévoyant, sans l'assortir de garanties suffisantes, un droit d'accès à des données couvertes par le secret médical à des personnes qui n'ont pas la qualité de professionnels de santé, soulève une question présentant un caractère sérieux.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du Conseil national de l'ordre des médecins jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 10 juin 2024
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana
N° 490409
ECLI:FR:CECHR:2024:490409.20240610
Inédit au recueil Lebon
10ème - 9ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
Mme Sophie Delaporte, rapporteur
Mme Esther de Moustier, rapporteur public
Lecture du lundi 10 juin 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par un mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 21 mars et 24 mai 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le Conseil national de l'ordre des médecins demande au Conseil d'État, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 26 octobre 2023 du ministre de la santé et de la prévention fixant les règles de gestion des droits d'accès au dossier médical partagé des professionnels mentionnés à l'article L. 1111-15 et au III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du III de l'article L. 1111-17 de ce code.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de la santé publique, notamment le III de l'article L. 1111-17 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat,
- les conclusions de Mme Esther de Moustier, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
2. Aux termes du III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique : " Tout professionnel participant à la prise en charge d'une personne en application des articles L. 1110-4 et L. 1110-12 peut accéder, sous réserve du consentement de la personne préalablement informée, au dossier médical partagé de celle-ci et l'alimenter. L'alimentation ultérieure de son dossier médical de santé par ce même professionnel est soumise à une simple information de la personne prise en charge ".
3. Ces dispositions sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et n'ont pas déjà été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Le moyen tiré de ce qu'elles porteraient atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment qu'elles porteraient une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée en prévoyant, sans l'assortir de garanties suffisantes, un droit d'accès à des données couvertes par le secret médical à des personnes qui n'ont pas la qualité de professionnels de santé, soulève une question présentant un caractère sérieux.
4. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La question de la conformité à la Constitution du III de l'article L. 1111-17 du code de la santé publique est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête du Conseil national de l'ordre des médecins jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au Conseil national de l'ordre des médecins et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 29 mai 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Bertrand Dacosta, Mme Anne Egerszegi, présidents de chambre ; M. Olivier Yeznikian, M. Nicolas Polge, M. Vincent Daumas, Mme Rozen Noguellou, M. Didier Ribes, conseillers d'Etat et Mme Sophie Delaporte, conseillère d'Etat-rapporteure.
Rendu le 10 juin 2024
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
La rapporteure :
Signé : Mme Sophie Delaporte
La secrétaire :
Signé : Mme Claudine Ramalahanoharana