Conseil d'État
N° 493506
ECLI:FR:CEORD:2024:493506.20240510
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Bertrand Dacosta, président
M. B. Dacosta, rapporteur
CABINET FRANÇOIS PINET, avocats
Lecture du vendredi 10 mai 2024
Vu la procédure suivante :
Mme C... A..., épouse D..., M. B... A... et la société Rocher Mistral ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 6 juillet 2023 du maire de La Barben (Bouches-du-Rhône) réglementant la circulation sur le chemin rural de La Baou, en deuxième lieu, d'enjoindre au maire de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations bloquant l'accès au chemin de La Baou et interdisant l'accès à la propriété de Mme A..., épouse D..., et de M. A... ainsi qu'au parking de la société Rocher Mistral dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par heure de retard, en troisième lieu, d'enjoindre au maire de La Barben de maintenir l'accès à la circulation du chemin rural de La Baou et, en dernier lieu, d'ordonner toute mesure nécessaire pour mettre fin à l'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales constatée et permettre un libre accès des requérants à leur habitation et parking. Par une ordonnance n° 2402766 du 28 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté leur demande et, d'autre part, solidairement mis à la charge des consorts A... et de la société Rocher Mistral la somme de 800 euros à verser à la commune de La Barben au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 24 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A..., épouse D..., M. A... et la société Rocher Mistral demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler et de réformer l'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 28 mars 2024 ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté permanent du 6 juillet 2023 réglementant la circulation sur le chemin rural de La Baou ;
3°) d'enjoindre à la commune de La Barben, d'une part, de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations bloquant l'accès au chemin de La Baou et interdisant l'accès à la propriété de Mme A..., épouse D... et de M. A... et au parking de la société Rocher Mistral dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par heure de retard et, d'autre part, de maintenir ouvert l'accès à la circulation publique du chemin rural de La Baou ;
4°) d'ordonner toute mesure nécessaire à ce que soit mis fin à l'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales et permettre un libre accès des requérants à leurs habitations et parkings ;
5°) de mettre à la charge de la commune de La Barben la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a considéré que leur demande tendait à remettre en cause une décision administrative définitive, dès lors que le délai de recours contentieux contre celui-ci n'a pas commencé à courir à défaut d'une publication régulière et, en tout état de cause, que l'arrêté contesté ne leur a pas été notifié ;
- subsidiairement, leur demande est recevable dès lors que la réalisation d'aménagements bloquant l'accès à leurs terrains constitue une circonstance de fait nouvelle ou excède le cadre de l'exécution de l'arrêté contesté ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les véhicules automobiles ne peuvent ni accéder à la propriété des consorts A... ni au parking visiteur de la société Rocher Mistral ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté méconnaît la liberté du commerce et de l'industrie de la société Rocher Mistral dès lors qu'elle n'est plus en capacité d'exploiter son activité ;
- l'arrêté contesté méconnaît la liberté d'aller et venir et le droit de propriété des consorts A... dès lors qu'ils ne peuvent plus accéder à leur propriété ;
- la mesure de blocage du chemin de La Baou est disproportionnée dès lors que d'autres mesures moins restrictives auraient pu être adoptées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2024, la commune de La Barben conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Elle demande que soit mise à la charge de Mme A..., épouse D..., de M. A... et de la société Rocher Mistral la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A..., épouse D..., M. A... et la société Rocher Mistral et, d'autre part, la commune de La Barben ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 mai 2024, à 11 heures :
- Me Périer, avocat au Conseil d'Etat, avocat de Mme D..., M. A... et de la société Rocher Mistral ;
- le représentant de la société Rocher Mistral ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat, avocat de la commune de La Barben ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au même jour à 18 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Il résulte de l'instruction que le maire de La Barben a, par un arrêté du 14 décembre 2011, interdit temporairement la circulation de tout véhicule terrestre à moteur sur le chemin rural de La Baou qui relie, au nord, la route départementale 22 et, au sud, la route départementale 572. Cet arrêté a été abrogé et remplacé par un nouvel arrêté à caractère permanent du 6 juillet 2023 ayant le même objet, tout en prévoyant que cette interdiction, qui devait être matérialisée par des chicanes, ne s'appliquerait pas aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public ou pour l'exploitation et l'entretien des espaces naturels ou agricoles. A compter de 2021, l'interdiction de circulation sur le chemin rural de La Baou, qui était matérialisée par de simples barrières, l'a été au sud, à l'intersection avec la route départementale 572, par des obstacles physiques, implantés cependant une dizaine de mètres après le début du chemin, et permettant ainsi à des véhicules de l'emprunter sur cette courte distance pour accéder, d'une part, à une parcelle appartenant aux consorts A..., sur laquelle Mme C... A..., épouse D..., possède une maison d'habitation et, d'autre part, à un parking d'une capacité d'environ 400 véhicules, aménagé par la société Rocher Mistral afin d'accueillir les visiteurs du parc de loisirs et d'animations qu'elle exploite depuis 2021 au château de La Barben. Au mois de mars 2024, de nouveaux poteaux ont été implantés par la commune au tout début du chemin, empêchant désormais la desserte par des véhicules à moteur de la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et du parking. Les consorts A... et la société Rocher Mistral, qui soutiennent que l'interdiction de circulation des véhicules à moteur sur le chemin de La Baou et l'implantation d'obstacles destinés à la faire respecter sont gravement et manifestement illégales en tant qu'elles empêchent l'accès des véhicules à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et au parking exploité par la société Rocher Mistral, et portent atteinte de ce fait au libre accès des premiers à la voie publique, accessoire du droit de propriété, et à la liberté du commerce et de l'industrie pour la seconde, relèvent appel de l'ordonnance du 28 mars 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'arrêté du 6 juillet 2023 et à ce qu'il soit enjoint au maire de La Barben de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations interdisant l'accès des véhicules à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et au parking.
3. En vertu de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, les actes réglementaires pris par les autorités communales, dans les communes de moins de 3 500 habitants, sont rendus publics soit par affichage, soit par publication sur papier, soit par publication sous forme électronique. Il appartient au conseil municipal de choisir le mode de publicité applicable dans la commune. Par une délibération du 22 juillet 2022, le conseil municipal de La Barben a décidé que les actes réglementaires de la commune feraient l'objet d'une publicité sous forme électronique sur son site. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'arrêté du 6 juillet 2023 ait fait l'objet d'une telle publicité. Par suite, si la procédure de protection particulière instituée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait, en l'absence de changement de circonstances de fait ou de droit, être utilement invoquée pour obtenir la suspension de l'exécution d'un acte administratif devenu définitif, c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est fondée, pour rejeter la demande dont elle était saisie, sur la circonstance que l'arrêté du 6 juillet 2023 était devenu définitif.
4. Il résulte toutefois de l'instruction, s'agissant de la situation de la société Rocher Mistral, que celle-ci a pris la décision, en 2021, d'implanter un parking d'accès à son site sur une parcelle desservie par un chemin communal dont elle ne pouvait ignorer qu'il était, dans son intégralité, interdit à la circulation des véhicules à moteur depuis 2011. La société a, d'ailleurs, été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du 13 février 2024, il est vrai non exécutoire car frappé d'appel, à remettre en son état initial cette parcelle, faute d'avoir obtenu les autorisations requises pour procéder à son aménagement. Il résulte également de l'instruction qu'en l'état la société dispose d'un autre parking, plus au nord, et que l'exploitation du château de La Barben et des activités qui y sont liées se poursuit, même si elle soutient que ce parking pourrait ne plus être disponible à compter du 1er juillet en raison du risque d'incendie dans la zone. Par ailleurs, si elle fait valoir que les obstacles implantés sur le chemin gênent la circulation des piétons, elle n'établit pas que celle-ci serait rendue excessivement difficile. Enfin, si elle se prévaut, devant le Conseil d'Etat, du fait qu'elle exerce également une activité agricole et que les plots et chicanes empêcheraient le passage des véhicules dédiés à cette activité, contrairement aux termes mêmes de l'arrêté du 6 juillet 2023, elle n'apporte pas d'éléments précis sur les difficultés à très court terme qu'elle rencontrerait de ce fait. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la condition d'urgence particulière à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait être regardée comme satisfaite, en ce qui concerne la société Rocher Mistral. La société Rocher Mistral n'est, par suite, pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande par la juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
5. En ce qui concerne la situation des consorts A..., et en particulier celle de Mme C... A..., épouse D..., il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci disposerait d'un accès effectif à sa maison d'habitation, au nord, par la route nationale 22, ou de tout autre accès que celui par la route départementale 572 et le début, dans sa partie sud, du chemin de La Baou. Lorsque Mme A..., épouse D..., a obtenu la délivrance d'un permis de construire, en 2021, pour agrandir cette maison, les plans annexés à la demande mentionnaient, au demeurant, cet unique accès. La condition d'urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, liée à l'impossibilité pour l'intéressée d'accéder par un véhicule à moteur à sa propriété, doit être regardée comme en l'espèce remplie, alors même que la commune conteste l'existence d'une servitude de passage sur le chemin au profit des consorts A.... Par ailleurs, si l'arrêté du 6 juillet 2023, interdisant la circulation des véhicules terrestres à moteur sur l'intégralité du chemin rural, est fondé sur la nécessité d'assurer la sécurité des promeneurs et sur le risque de dégradations lié au développement des activités de la société Rocher Mistral, de tels motifs ne justifient pas qu'une telle interdiction soit étendue aux quelques mètres du chemin qui desservent la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., sans aucune dérogation au bénéfice de celle-ci. Il s'ensuit qu'en ne prévoyant pas une telle dérogation et en implantant des plots et chicanes faisant obstacle à la desserte de cette maison d'habitation, la commune de La Barben a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Les consorts A... sont, par suite, fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'ordonnance attaquée, la suspension dans cette mesure de l'arrêté contesté et à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder au retrait des plots, chicanes ou barrières faisant obstacle, dans la partie sud du chemin rural de La Baou, à l'accès par un véhicule à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Barben la somme de 1 500 euros à verser aux consorts A... ainsi qu'à la charge de la société Rocher Mistral la somme de 1 500 euros à verser à la commune de La Barben au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune contre les consorts A... ainsi qu'à celles de la société Rocher Mistral contre la commune.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'ordonnance du 28 mars 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la demande présentées par Mme A..., épouse D... et M. A... et qu'elle met à leur charge solidaire le versement à la commune de La Barben de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du maire de La Barben du 6 juillet 2023 interdisant la circulation des véhicules à moteur sur le chemin rural de La Baou est suspendue en tant qu'il ne prévoit pas de dérogation pour la desserte de la maison d'habitation de Mme C... A..., épouse D....
Article 3 : Il est enjoint à la commune de La Barben de procéder au retrait des plots, chicanes ou barrières faisant obstacle, dans la partie sud du chemin rural de La Baou, à l'accès par un véhicule à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 4 : La commune de La Barben versera aux consorts A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Rocher Mistral versera une somme de 1 500 euros à la commune au même titre.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A..., épouse D..., à M. B... A..., à la société Rocher Mistral et à la commune de La Barben.
Fait à Paris, le 10 mai 2024
Signé : Bertrand Dacosta
N° 493506
ECLI:FR:CEORD:2024:493506.20240510
Inédit au recueil Lebon
Juge des référés
M. Bertrand Dacosta, président
M. B. Dacosta, rapporteur
CABINET FRANÇOIS PINET, avocats
Lecture du vendredi 10 mai 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Mme C... A..., épouse D..., M. B... A... et la société Rocher Mistral ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, en premier lieu, de suspendre l'exécution de l'arrêté du 6 juillet 2023 du maire de La Barben (Bouches-du-Rhône) réglementant la circulation sur le chemin rural de La Baou, en deuxième lieu, d'enjoindre au maire de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations bloquant l'accès au chemin de La Baou et interdisant l'accès à la propriété de Mme A..., épouse D..., et de M. A... ainsi qu'au parking de la société Rocher Mistral dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance, sous astreinte de 5 000 euros par heure de retard, en troisième lieu, d'enjoindre au maire de La Barben de maintenir l'accès à la circulation du chemin rural de La Baou et, en dernier lieu, d'ordonner toute mesure nécessaire pour mettre fin à l'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales constatée et permettre un libre accès des requérants à leur habitation et parking. Par une ordonnance n° 2402766 du 28 mars 2024, la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a, d'une part, rejeté leur demande et, d'autre part, solidairement mis à la charge des consorts A... et de la société Rocher Mistral la somme de 800 euros à verser à la commune de La Barben au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 et 24 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A..., épouse D..., M. A... et la société Rocher Mistral demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler et de réformer l'ordonnance de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 28 mars 2024 ;
2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté permanent du 6 juillet 2023 réglementant la circulation sur le chemin rural de La Baou ;
3°) d'enjoindre à la commune de La Barben, d'une part, de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations bloquant l'accès au chemin de La Baou et interdisant l'accès à la propriété de Mme A..., épouse D... et de M. A... et au parking de la société Rocher Mistral dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification de l'ordonnance à intervenir, sous astreinte de 5 000 euros par heure de retard et, d'autre part, de maintenir ouvert l'accès à la circulation publique du chemin rural de La Baou ;
4°) d'ordonner toute mesure nécessaire à ce que soit mis fin à l'atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales et permettre un libre accès des requérants à leurs habitations et parkings ;
5°) de mettre à la charge de la commune de La Barben la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a considéré que leur demande tendait à remettre en cause une décision administrative définitive, dès lors que le délai de recours contentieux contre celui-ci n'a pas commencé à courir à défaut d'une publication régulière et, en tout état de cause, que l'arrêté contesté ne leur a pas été notifié ;
- subsidiairement, leur demande est recevable dès lors que la réalisation d'aménagements bloquant l'accès à leurs terrains constitue une circonstance de fait nouvelle ou excède le cadre de l'exécution de l'arrêté contesté ;
- la condition d'urgence est satisfaite dès lors que les véhicules automobiles ne peuvent ni accéder à la propriété des consorts A... ni au parking visiteur de la société Rocher Mistral ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales ;
- l'arrêté contesté méconnaît la liberté du commerce et de l'industrie de la société Rocher Mistral dès lors qu'elle n'est plus en capacité d'exploiter son activité ;
- l'arrêté contesté méconnaît la liberté d'aller et venir et le droit de propriété des consorts A... dès lors qu'ils ne peuvent plus accéder à leur propriété ;
- la mesure de blocage du chemin de La Baou est disproportionnée dès lors que d'autres mesures moins restrictives auraient pu être adoptées.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mai 2024, la commune de La Barben conclut au rejet de la requête. Elle soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite, et que les moyens soulevés ne sont pas fondés. Elle demande que soit mise à la charge de Mme A..., épouse D..., de M. A... et de la société Rocher Mistral la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, Mme A..., épouse D..., M. A... et la société Rocher Mistral et, d'autre part, la commune de La Barben ;
Ont été entendus lors de l'audience publique du 3 mai 2024, à 11 heures :
- Me Périer, avocat au Conseil d'Etat, avocat de Mme D..., M. A... et de la société Rocher Mistral ;
- le représentant de la société Rocher Mistral ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat, avocat de la commune de La Barben ;
à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction au même jour à 18 heures ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. (...) ".
2. Il résulte de l'instruction que le maire de La Barben a, par un arrêté du 14 décembre 2011, interdit temporairement la circulation de tout véhicule terrestre à moteur sur le chemin rural de La Baou qui relie, au nord, la route départementale 22 et, au sud, la route départementale 572. Cet arrêté a été abrogé et remplacé par un nouvel arrêté à caractère permanent du 6 juillet 2023 ayant le même objet, tout en prévoyant que cette interdiction, qui devait être matérialisée par des chicanes, ne s'appliquerait pas aux véhicules utilisés pour remplir une mission de service public ou pour l'exploitation et l'entretien des espaces naturels ou agricoles. A compter de 2021, l'interdiction de circulation sur le chemin rural de La Baou, qui était matérialisée par de simples barrières, l'a été au sud, à l'intersection avec la route départementale 572, par des obstacles physiques, implantés cependant une dizaine de mètres après le début du chemin, et permettant ainsi à des véhicules de l'emprunter sur cette courte distance pour accéder, d'une part, à une parcelle appartenant aux consorts A..., sur laquelle Mme C... A..., épouse D..., possède une maison d'habitation et, d'autre part, à un parking d'une capacité d'environ 400 véhicules, aménagé par la société Rocher Mistral afin d'accueillir les visiteurs du parc de loisirs et d'animations qu'elle exploite depuis 2021 au château de La Barben. Au mois de mars 2024, de nouveaux poteaux ont été implantés par la commune au tout début du chemin, empêchant désormais la desserte par des véhicules à moteur de la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et du parking. Les consorts A... et la société Rocher Mistral, qui soutiennent que l'interdiction de circulation des véhicules à moteur sur le chemin de La Baou et l'implantation d'obstacles destinés à la faire respecter sont gravement et manifestement illégales en tant qu'elles empêchent l'accès des véhicules à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et au parking exploité par la société Rocher Mistral, et portent atteinte de ce fait au libre accès des premiers à la voie publique, accessoire du droit de propriété, et à la liberté du commerce et de l'industrie pour la seconde, relèvent appel de l'ordonnance du 28 mars 2024 par laquelle la juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à la suspension de l'arrêté du 6 juillet 2023 et à ce qu'il soit enjoint au maire de La Barben de procéder au retrait des plots, barrières, chicanes et signalisations interdisant l'accès des véhicules à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., et au parking.
3. En vertu de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, les actes réglementaires pris par les autorités communales, dans les communes de moins de 3 500 habitants, sont rendus publics soit par affichage, soit par publication sur papier, soit par publication sous forme électronique. Il appartient au conseil municipal de choisir le mode de publicité applicable dans la commune. Par une délibération du 22 juillet 2022, le conseil municipal de La Barben a décidé que les actes réglementaires de la commune feraient l'objet d'une publicité sous forme électronique sur son site. Il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est d'ailleurs pas soutenu, que l'arrêté du 6 juillet 2023 ait fait l'objet d'une telle publicité. Par suite, si la procédure de protection particulière instituée par l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait, en l'absence de changement de circonstances de fait ou de droit, être utilement invoquée pour obtenir la suspension de l'exécution d'un acte administratif devenu définitif, c'est à tort que la juge des référés du tribunal administratif de Marseille s'est fondée, pour rejeter la demande dont elle était saisie, sur la circonstance que l'arrêté du 6 juillet 2023 était devenu définitif.
4. Il résulte toutefois de l'instruction, s'agissant de la situation de la société Rocher Mistral, que celle-ci a pris la décision, en 2021, d'implanter un parking d'accès à son site sur une parcelle desservie par un chemin communal dont elle ne pouvait ignorer qu'il était, dans son intégralité, interdit à la circulation des véhicules à moteur depuis 2011. La société a, d'ailleurs, été condamnée par un jugement du tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence du 13 février 2024, il est vrai non exécutoire car frappé d'appel, à remettre en son état initial cette parcelle, faute d'avoir obtenu les autorisations requises pour procéder à son aménagement. Il résulte également de l'instruction qu'en l'état la société dispose d'un autre parking, plus au nord, et que l'exploitation du château de La Barben et des activités qui y sont liées se poursuit, même si elle soutient que ce parking pourrait ne plus être disponible à compter du 1er juillet en raison du risque d'incendie dans la zone. Par ailleurs, si elle fait valoir que les obstacles implantés sur le chemin gênent la circulation des piétons, elle n'établit pas que celle-ci serait rendue excessivement difficile. Enfin, si elle se prévaut, devant le Conseil d'Etat, du fait qu'elle exerce également une activité agricole et que les plots et chicanes empêcheraient le passage des véhicules dédiés à cette activité, contrairement aux termes mêmes de l'arrêté du 6 juillet 2023, elle n'apporte pas d'éléments précis sur les difficultés à très court terme qu'elle rencontrerait de ce fait. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la condition d'urgence particulière à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ne saurait être regardée comme satisfaite, en ce qui concerne la société Rocher Mistral. La société Rocher Mistral n'est, par suite, pas fondée à se plaindre du rejet de sa demande par la juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
5. En ce qui concerne la situation des consorts A..., et en particulier celle de Mme C... A..., épouse D..., il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci disposerait d'un accès effectif à sa maison d'habitation, au nord, par la route nationale 22, ou de tout autre accès que celui par la route départementale 572 et le début, dans sa partie sud, du chemin de La Baou. Lorsque Mme A..., épouse D..., a obtenu la délivrance d'un permis de construire, en 2021, pour agrandir cette maison, les plans annexés à la demande mentionnaient, au demeurant, cet unique accès. La condition d'urgence, au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, liée à l'impossibilité pour l'intéressée d'accéder par un véhicule à moteur à sa propriété, doit être regardée comme en l'espèce remplie, alors même que la commune conteste l'existence d'une servitude de passage sur le chemin au profit des consorts A.... Par ailleurs, si l'arrêté du 6 juillet 2023, interdisant la circulation des véhicules terrestres à moteur sur l'intégralité du chemin rural, est fondé sur la nécessité d'assurer la sécurité des promeneurs et sur le risque de dégradations lié au développement des activités de la société Rocher Mistral, de tels motifs ne justifient pas qu'une telle interdiction soit étendue aux quelques mètres du chemin qui desservent la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., sans aucune dérogation au bénéfice de celle-ci. Il s'ensuit qu'en ne prévoyant pas une telle dérogation et en implantant des plots et chicanes faisant obstacle à la desserte de cette maison d'habitation, la commune de La Barben a porté une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Les consorts A... sont, par suite, fondés à demander, dans cette mesure, l'annulation de l'ordonnance attaquée, la suspension dans cette mesure de l'arrêté contesté et à ce qu'il soit enjoint à la commune de procéder au retrait des plots, chicanes ou barrières faisant obstacle, dans la partie sud du chemin rural de La Baou, à l'accès par un véhicule à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de La Barben la somme de 1 500 euros à verser aux consorts A... ainsi qu'à la charge de la société Rocher Mistral la somme de 1 500 euros à verser à la commune de La Barben au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées au même titre par la commune contre les consorts A... ainsi qu'à celles de la société Rocher Mistral contre la commune.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance du 28 mars 2024 de la juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée en tant qu'elle rejette les conclusions de la demande présentées par Mme A..., épouse D... et M. A... et qu'elle met à leur charge solidaire le versement à la commune de La Barben de la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : L'exécution de l'arrêté du maire de La Barben du 6 juillet 2023 interdisant la circulation des véhicules à moteur sur le chemin rural de La Baou est suspendue en tant qu'il ne prévoit pas de dérogation pour la desserte de la maison d'habitation de Mme C... A..., épouse D....
Article 3 : Il est enjoint à la commune de La Barben de procéder au retrait des plots, chicanes ou barrières faisant obstacle, dans la partie sud du chemin rural de La Baou, à l'accès par un véhicule à moteur à la maison d'habitation de Mme A..., épouse D..., dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 4 : La commune de La Barben versera aux consorts A... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société Rocher Mistral versera une somme de 1 500 euros à la commune au même titre.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C... A..., épouse D..., à M. B... A..., à la société Rocher Mistral et à la commune de La Barben.
Fait à Paris, le 10 mai 2024
Signé : Bertrand Dacosta