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Ariane Web: Conseil d'État 472855, lecture du 26 avril 2024, ECLI:FR:CECHR:2024:472855.20240426

Décision n° 472855
26 avril 2024
Conseil d'État

N° 472855
ECLI:FR:CECHR:2024:472855.20240426
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Pierre Collin, président
M. Alexandre Lapierre , rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP GURY & MAITRE, avocats


Lecture du vendredi 26 avril 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS




Vu la procédure suivante :

La société CMM Finances a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de son exercice clos le 31 décembre 2014. Par un jugement n° 1900407 du 15 septembre 2020, ce tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 20VE02886 du 9 février 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la société CMM Finances contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 7 avril et 7 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société CMM Finances demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gury et Maître, avocat de la société CMM Finances ;


Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société CMM Finances, soumise à l'impôt sur les sociétés, est associée à hauteur de 95 % de la société civile immobilière (SCI) La Gatine, soumise au régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts, qui exerçait une activité de sous-location d'un immeuble nu qu'elle avait pris en crédit-bail. Par acte du 22 avril 2014, la société La Gatine a levé l'option d'achat prévue par le contrat de crédit-bail. À la suite d'un contrôle sur pièce, l'administration a considéré que l'entrée de l'immeuble dans le patrimoine de la société La Gatine s'était traduite par un changement de nature de son activité, la société cessant d'exercer une activité de sous-location, dont les bénéfices relèvent, lorsqu'ils sont soumis à l'impôt sur le revenu, de la catégorie des bénéfices non commerciaux, au profit d'une activité de location, dont les bénéfices relèvent de la catégorie d'imposition des revenus fonciers. Elle a estimé que la cessation de l'activité initiale de la société La Gatine et son changement de régime fiscal avaient eu pour effet de rendre immédiatement imposable la plus-value correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'immeuble et son coût d'acquisition. L'administration a en conséquence rehaussé les bénéfices de la société CMM Finances à hauteur de la fraction de cette plus-value correspondant à sa quote-part des résultats de la société La Gatine et l'a assujettie en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de son exercice clos le 31 décembre 2014. La société CMM Finances se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 9 février 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 15 septembre 2020 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. Aux termes de l'article 218 bis du code général des impôts : " Les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 (...) sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8, 8 quater, 8 quinquies et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles ". Aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8, 8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d'une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l'impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits (...) II. - Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l'activité et du montant des recettes de la société ou du groupement. ". Il résulte de ces dispositions que les éventuelles conséquences fiscales qui s'attachent au transfert de propriété résultant de la levée de l'option d'achat d'un contrat de crédit-bail par une société relevant du régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts doivent s'apprécier, pour les associés patrimoniaux de cette société, en appliquant les règles relatives à la catégorie d'imposition correspondant à l'activité de la société et, pour ses associés soumis à l'impôt sur les sociétés, en appliquant les règles relatives aux bénéfices industriels et commerciaux.

3. Pour rejeter l'appel de la société CMM Finances, la cour administrative d'appel s'est fondée, comme l'administration fiscale avant elle, sur ce que la société La Gatine, soumise au régime fiscal prévu à l'article 8 du code général des impôts, qui exerçait une activité de sous-location d'immeuble nu pris en crédit-bail dont les bénéfices relevaient de la catégorie des bénéfices non commerciaux, avait cessé cette activité du fait de l'entrée de cet immeuble dans son patrimoine à la suite de la levée d'option d'achat prévue par le contrat de crédit-bail au profit d'une activité de location du même immeuble, dont les bénéfices relevaient de la catégorie des revenus fonciers, ce qui avait eu pour effet de rendre immédiatement taxable, entre les mains de chacun de ses associés, à hauteur de leur quote-part respective, la plus-value correspondant à la différence entre la valeur réelle de cet immeuble et son coût d'acquisition.

4. En statuant ainsi, alors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 2 que, dès lors que la société CMM finances est soumise à l'impôt sur les sociétés, c'est au regard des règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux que la cour aurait dû apprécier les éventuelles conséquences fiscales du transfert de propriété résultant de la levée d'option d'achat du contrat de crédit-bail, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, que la société CMM Finances est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société CMM Finances au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 9 février 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : L'Etat versera à la société CMM Finances une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société CMM Finances et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 27 mars 2024 où siégeaient : M. Pierre Collin, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Jonathan Bosredon, M. Hervé Cassagnabère, M. Philippe Ranquet, Mme Nathalie Escaut, et Mme Sylvie Pellissier, conseillers d'Etat ; M. Alexandre Lapierre, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 26 avril 2024.

Le président :
Signé : M. Pierre Collin
Le rapporteur :
Signé : M. Alexandre Lapierre
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle



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