Conseil d'État
N° 472033
ECLI:FR:CECHR:2024:472033.20240318
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Jean-Marc Vié, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du lundi 18 mars 2024
Vu la procédure suivante :
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2019 et 2020 à raison d'un immeuble situé à Petit-Couronne (Seine-Maritime). Par un jugement nos 2002772, 2101301 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté ces demandes.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars, 30 mai 2023 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CEREMA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 ;
- le décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2019 et 2020 à laquelle il a été assujetti à raison d'un immeuble situé sur le territoire de la commune de Petit-Couronne.
2. D'une part, aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) ". L'exonération permanente prévue par ces dispositions ne s'applique qu'aux immeubles appartenant à l'une des personnes publiques qu'elles mentionnent, non productifs de revenus et qui sont affectés à un service public ou d'utilité générale.
3. D'autre part, l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles. / (...) L'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ". L'action sociale mise en oeuvre, sur le fondement de ces dispositions, par une personne publique en faveur de ses agents et de leur famille participe de la mission de service public ou d'utilité générale mise en oeuvre par cette personne publique au sens et pour l'application du 1° de l'article 1382 du code général des impôts.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le CEREMA, établissement public administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et dont la mission de service public consiste notamment à apporter aux services de l'Etat et à leurs partenaires publics un appui scientifique et technique pour élaborer et évaluer les politiques publiques en matière d'aménagement et de développement durable, met gracieusement un local d'habitation, pour l'exercice de ses missions, à la disposition de l'association sportive, culturelle et d'entraide de la Seine-Maritime au CEREMA (ASCE 76 CEREMA), membre de la fédération nationale des associations sportives, culturelle et d'entraide (FNASCE), rattachée au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et reconnue d'utilité publique.
5. Pour juger que le CEREMA ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts à raison du local mis à disposition de l'association ASCE 76 CEREMA, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que ce local ne pouvait être regardé comme affecté à l'exécution du service public dont le CEREMA a la charge. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que l'association exerçait dans ce local des missions d'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs relevant de l'action sociale prévue à l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 et que les bénéficiaires de son action étaient pour l'essentiel des agents de l'établissement public, le magistrat désigné a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le CEREMA est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au CEREMA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rouen.
Article 3 : L'Etat versera au CEREMA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 février 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nathalie Escaut, Mme Sylvie Pellissier, M. Vincent Mahé, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 18 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Marc Vié
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle
N° 472033
ECLI:FR:CECHR:2024:472033.20240318
Mentionné aux tables du recueil Lebon
8ème - 3ème chambres réunies
M. Jacques-Henri Stahl, président
M. Jean-Marc Vié, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH, avocats
Lecture du lundi 18 mars 2024
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) a demandé au tribunal administratif de Rouen de prononcer la décharge des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2019 et 2020 à raison d'un immeuble situé à Petit-Couronne (Seine-Maritime). Par un jugement nos 2002772, 2101301 du 10 janvier 2023, le magistrat désigné par le président de ce tribunal a rejeté ces demandes.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars, 30 mai 2023 et 14 novembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CEREMA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013 ;
- le décret n° 2006-21 du 6 janvier 2006 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement ;
Considérant ce qui suit :
1. Le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) se pourvoit en cassation contre le jugement du 10 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen a rejeté ses demandes tendant à la décharge de la taxe foncière sur les propriétés bâties au titre des années 2019 et 2020 à laquelle il a été assujetti à raison d'un immeuble situé sur le territoire de la commune de Petit-Couronne.
2. D'une part, aux termes de l'article 1382 du code général des impôts : " Sont exonérés de la taxe foncière sur les propriétés bâties : 1° Les immeubles nationaux, les immeubles régionaux, les immeubles départementaux pour les taxes perçues par les communes et par le département auquel ils appartiennent et les immeubles communaux pour les taxes perçues par les départements et par la commune à laquelle ils appartiennent, lorsqu'ils sont affectés à un service public ou d'utilité générale et non productifs de revenus (...) ". L'exonération permanente prévue par ces dispositions ne s'applique qu'aux immeubles appartenant à l'une des personnes publiques qu'elles mentionnent, non productifs de revenus et qui sont affectés à un service public ou d'utilité générale.
3. D'autre part, l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) L'action sociale, collective ou individuelle, vise à améliorer les conditions de vie des agents publics et de leurs familles, notamment dans les domaines de la restauration, du logement, de l'enfance et des loisirs, ainsi qu'à les aider à faire face à des situations difficiles. / (...) L'Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics peuvent confier à titre exclusif la gestion de tout ou partie des prestations dont bénéficient les agents à des organismes à but non lucratif ou à des associations nationales ou locales régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ". L'action sociale mise en oeuvre, sur le fondement de ces dispositions, par une personne publique en faveur de ses agents et de leur famille participe de la mission de service public ou d'utilité générale mise en oeuvre par cette personne publique au sens et pour l'application du 1° de l'article 1382 du code général des impôts.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le CEREMA, établissement public administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et dont la mission de service public consiste notamment à apporter aux services de l'Etat et à leurs partenaires publics un appui scientifique et technique pour élaborer et évaluer les politiques publiques en matière d'aménagement et de développement durable, met gracieusement un local d'habitation, pour l'exercice de ses missions, à la disposition de l'association sportive, culturelle et d'entraide de la Seine-Maritime au CEREMA (ASCE 76 CEREMA), membre de la fédération nationale des associations sportives, culturelle et d'entraide (FNASCE), rattachée au ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et reconnue d'utilité publique.
5. Pour juger que le CEREMA ne pouvait bénéficier de l'exonération prévue au 1° de l'article 1382 du code général des impôts à raison du local mis à disposition de l'association ASCE 76 CEREMA, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rouen s'est fondé sur ce que ce local ne pouvait être regardé comme affecté à l'exécution du service public dont le CEREMA a la charge. En statuant ainsi, alors qu'il relevait que l'association exerçait dans ce local des missions d'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs relevant de l'action sociale prévue à l'article 9 de la loi du 13 juillet 1983 et que les bénéficiaires de son action étaient pour l'essentiel des agents de l'établissement public, le magistrat désigné a commis une erreur de droit.
6. Il résulte de ce qui précède que le CEREMA est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser au CEREMA au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du 10 janvier 2023 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Rouen.
Article 3 : L'Etat versera au CEREMA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l'issue de la séance du 28 février 2024 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Stéphane Verclytte, M. Thomas Andrieu, présidents de chambre ; M. Hervé Cassagnabère, M. Jonathan Bosredon, Mme Nathalie Escaut, Mme Sylvie Pellissier, M. Vincent Mahé, conseillers d'Etat et M. Jean-Marc Vié, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 18 mars 2024.
Le président :
Signé : M. Jacques-Henri Stahl
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Marc Vié
La secrétaire :
Signé : Mme Magali Méaulle